10 ans déjà !

Bientôt 10 ans que le régime a changé ! 10 ans qu’une vielle classe politique, attendant son heure, s’est emparée du pays, et l’a pris en otage ; pour découvrir enfin l’ampleur du désastre de la destruction  de notre mécanique républicaine, autrefois productrice  de citoyens, d’élites et garante de l’ascension sociale.
10 ans qu’ils se battent entre eux, hors du temps,  comme au temps d’un vieux passé universitaire prenant le pays et le peuple en otage! Le livrant aux bandits, aux mafieux, aux familles et aux services étrangers ! Faute de vrais dirigeants nationalistes.
10 ans, que les politiques, dans leur guéguerre, se cherchent, de fausses vrais alliances, une reconnaissance de légitimité et souvent, faute de soutien populaire, un soutient étranger  afin de se hisser au pouvoir et y demeurer.
10 ans que l’administration, naguère pilier et fierté de la République, est sans protection, sans projet, ni voie à suivre. Une administration qui, pour se protéger, se renferme sur elle-même, au point de devenir totalement contre productive, détachée du peuple et de la nation, devenant souvent un obstacle face aux idées réformatrices et aux initiatives.
10 ans que la République est livrée aux vandales et aux hilaliens, que ses fondements sont malmenés, attaqués, dans tous ce qu’elle a de plus précieux : ses principes fondateurs, sa culture, son exception et son unicité; principes construits longuement avec abnégation, génération après génération, siècle après siècle, depuis la République de Carthage jusqu’aux pères fondateurs de la République moderne.
10 ans que nous ne savons plus parler aux autres tunisiens, et que nous n’arrivons plus à reconnaître que notre pays n’est plus l’apanage de sa petite élite, la propriété du microcosme des nantis ; nous ne comprenons plus, qu’entre temps toute une nouvelle génération est devenue dominante.
10 ans que nous ne voulons pas regarder et que nous faisons comme les autruches, la tête dans le sable pour éviter de faire face à la réalité, car celle-ci leur fait peur et froisse le regard de certains.
10 ans que les arabes nous envahissent avec leur culture et leur mœurs, à nous faire oublier qui nous sommes ! Nous rendre fous, nous rendre schizophrènes! Jusqu’à ce qu’ils comprennent finalement que nous ne sommes pas eux. Leur méfiance à notre égard et à ce que nous sommes, vient du fait, que ce que nous sommes leur fait peur et déstabilise leur modèle sociétal féodal.
10 ans que notre classe moyenne a disparu, et que nos PME/PMI/TPE jadis bouclier et glaive de notre économie, ne sont plus qu’un champ de ruine et que notre économie productive se réduit comme peau de chagrin.
10 ans à les voir se pavaner, se contorsionner, s’enrichir, mentir, se donner en spectacle, se déshabiller, se rhabiller, se marier, divorcer et  s’accoquiner ; croyant se moquer de nous, croyant être plus intelligents.  La réalité est  qu’ils ne font qu’insulter notre intelligence, car en fait,  nous les voyons, mais ne les regardons pas, nous les entendons, mais ne les écoutons pas, car leurs pitreries ne font même plus rire.
10 ans pour mesurer l’ampleur des dégâts de l’inculte Ben Ali, de son système éducatif et culturel anti-élites, de sa haine des élites populaires et des hommes de culture, de notre société ; et bien avant lui des ravages d’un certain ministre de l’éducation, devenu premier ministre et dont les actes délibérés réfléchis et volontaires sur la structure de notre enseignement, ont totalement détruit un avenir, devenu notre présent.
10 ans, où nous étions nombreux dans les rues à battre le pavé, certains depuis les jours difficiles d’un certain mois de décembre 2010. Les jeunes y ont cru! La classe moyenne y a crus! Les fonctionnaires y ont crus! Les professions libérales y crus! Beaucoup d’intellectuels, d’artistes et de poètes y ont cru!  Tout un peuple y a cru! Et enfin de compte, nous nous sommes tous fait berner comme des écoliers! Les nantis n’y sont pas allés, les frères musulmans étaient même contre et n’y sont pas allés, ils se sont cachés ; les privilégiés n’y sont pas allés, les soutiens du régime n’y sont pas allés, Nous ne les avons pas rencontrés, nous ne les avons pas vus, sauf le jour de la fête ultime du 14 janvier où le sort en était jeté.
Dans l’euphorie des premiers temps, nous avions cru, avoir atteint un niveau de maturité historique et un niveau de croissance et de développement, qui nous autorisait à recevoir la démocratie en cadeau. Nous avions cru qu’il était temps que nous nous débarrassions des pratiques mafieuses et des mafieux eux-mêmes. Nous avions cru, que nous avions le droit à la suprématie du droit et que nous devions êtres tous égaux en droits.
Le système Ben Ali n’était en aucun cas une dictature (Pinochet, Saddam, Kim Jung un, Franco, Mussolini, Videra sont des dictatures), mais une voyoucratie, bâtie sur une structure mafieuse, dont les habitudes persistent encore ; ces dernières étant bien plus difficiles à éradiquer.
Nous y avons cru, naïvement, peut être, voire sûrement, mais tellement fort, que nous avions joué le jeu croyant évincer une famille mafieuse et ses ramifications, ce qui explique que les seuls slogans étaient : « dégage » et « eau et pain et Ben Ali non! » Rien d’autre. Aucune des revendications qui nous ont étés imposées depuis M. Ben Achour, sa commission et ses collègues théoriciens du droit, qui se sont emparés de la révolte, ne font partie de l’unique revendication de la rue. Car le clan Ben Ali, mis à part, les tunisiens étaient bien chez eux, heureux et fiers d’être tunisiens.
C’est  cela l’esprit de l’insurrection ; sans le savoir, les personnes dans la rue n’avaient pas un esprit de révolution mais plutôt un esprit de révolte. Les personnes dans la rue, ne souhaitaient aucunement changer le pays, ni les lois, ni le régime républicain, ni revenir sur leurs acquis, le peuple souhaitait seulement le départ du clan au pouvoir et de ses ramifications, rien d’autre.
Puis, on a vu arriver, petit à petit, discrètement, toute une nuée d’individus s’imposant en tribuns, scandant de nouvelles revendications et affichant des obédiences politiques jusque là inconnues de la rue, qui ont fini par prendre la révolte en otage et tout le peuple avec. Au fil des jours et des mois qui passent, le rêve de tout un peuple s’effondre et les objectifs particuliers de différents groupuscules, de néo-militants et d’opportunistes prennent le pas sur le rêve populaire fédérateur. Les conflits entres les différents usurpateurs, opportunistes revanchards, terroristes, bandits et rescapés du clan, apparaissent rapidement, chacun essayant d’imposer son pouvoir et son dogme pour certains, sauver leur situation de rente ou simplement saisir une opportunité pour d’autres.
Les frères musulmans y ont vu l’occasion de soustraire un pouvoir qu’ils n’auraient jamais rêver d’obtenir sans la violence et le terrorisme, alors que les militants de gauche, y ont vu l’opportunité d’atteindre le pouvoir, comme étant un droit légitime eu égard aux années de lutte et d’opposition politique, pour transformer le pays en utopie de pouvoir populaire.
Les ramifications de l’ancien clan ont parfaitement compris que pour leur survies, elles devaient manœuvrer et trouver l’opportunité de se placer, en achetant tous ce petit monde politique, avide d’argent et de financement pour la quête du pouvoir pour certains et pour d’autres souvent pour eux même.
Tous ont tellement été aveuglés par l’opportunité qui s’est présentée à eux, avec la disparition du pouvoir central, que par crainte de ne pas atteindre le graal, ils ont déversé une haine sans nom ni limite, envers les haut dirigeants et grands commis du pays et ont engagé une chasse à l’homme impitoyable, amputant, de fait, en un clin d’œil, toute l’administration du pays de ses capitaines, la livrant aux ténèbres et à l’inconnu.
10 ans que, le pays n’est plus gouverné, ni administré. Les slogans de la révolte ont étés changés, récupérés et interprétés différemment et remplacés. Gare à ceux qui osent traduire autrement les aspirations du peuple ou les remettre en cause. Ceux qui n’ont pas pu gouverner ou ont échoué, ceux qui ont œuvré à la destruction systématique des fondamentaux de la République, ceux qui ont promis et ont trahi leurs promesses, ont tous fini par susciter un rejet populaire total. Leur mise en scène burlesque pour se positionner comme alternative à leurs adversaires exerçant le pouvoir,  ne convainc plus et ne fait qu’alimenter le rejet populaire.
Alors pour essayer d’exister, c’est à qui chante plus haut, les refrains de la même chanson; protection des valeurs de la révolution, enfants de la révolution, combattre ‘Al Fassad’, libérer la Palestine, détruire les forces obscures, pouvoir populaire et  détruire la République originelle, responsable de tous les maux du pays. Tous ceux qui s’opposent à ces slogans sont des contrerévolutionnaires, traîtres et doivent êtres bannis, voire éradiqués de la société et ne doivent pas parler au peuple. Qui sait, ils pourraient convaincre et attirer le peuple ?
Pour tenter une reconquête de l’opinion et conquérir un pouvoir, impossible à visage découvert! Les pseudos révolutionnaires ayant échoué, se sont trouvé un visage et se sont construit une icône en la personne de M. Kais Saied, un assistant universitaire, illustre inconnu au bataillon, qui n’a jamais étés dans la rue, ni connu pour ses positions d’opposant au régime, bien au contraire et en ont fait le Président de ‘Callopolis’ et le visage du révolutionnaire philosophe populiste. Gare à ceux qui osent critiquer le nouveau messie !
Avec un discours messianique, on oppose les nouveaux révolutionnaires populaires, aux républicains historiques, et ont obtient l’anarchie dans laquelle le pays est plongé. Le discours développé est la parfaite reproduction des discours de Robespierre et de Saint Juste, totalement abstrait, sans réelle proposition de solutions, mais volontairement populiste, forgé dans tout ce que le peuple a comme répulsion et excrétion envers les gouvernants.
Ce discours galvaudant, nourrit les rejets, sa structure volontairement abstraite, fait que chacun y retrouve ou y interprète ses propres rejets. Comme Robespierre, le discours concentre la faute, la cause de tous nos mots sur les autres, les voleurs, les malfrats, l’argent du peuple, les riches, les gouvernants, les aristocrates, pour ensuite proposer la voie vers la lumière et sa propre conception de la République populaire et utopique.
Sauf que lorsque l’écran de fumée s’estompe, que les vraies questions appellent à de vrais réponses, que les beaux discours révolutionnaires ne nourrissent pas le peuple et ne lui apportent pas de solutions, que les révolutionnaires deviennent de potentiels bourreaux, alors, tant les initiateurs de la Révolution Française, que les fondateurs d’Utopia, que les dirigeants de la République de Callopolis, font face à une funeste et tragique réalité, oh combien éloignée de leurs rêves originels.
L’écran de fumée créée, qui a permis de brouiller la réflexion et d’inhiber la volonté réelle des tunisiens, en leur opposant les turpitudes de la classe politique actuelle à l’espoir d’un pouvoir populaire,  tend à se dissiper. L’accumulation d’erreurs des différents protagonistes, y compris, les nouveaux révolutionnaires, les Robespierre, St Juste et autres Marat et Demoulin, contribue largement au réveil des consciences et surtout de la mémoire. Il faut aussi noter que l’environnement régional et mondial, contribue aussi à sa manière à restaurer la clairvoyance du peuple en insufflant la peur de la dégénérescence vers la violence voire même la guerre. Le rêve d’Utopia n’a pas totalement endoctriné les pensées.
C’est aussi cet état de fait, qui explique la résurgence des voix du passé et de l’ancien régime, qui surfe sur la restauration des fondements de la République, de la sécurité et de l’éradication des frères musulmans de la scène politique et sociale, et qui par défaut d’autres alternatives crédibles se voient portés aux nues, arrivant à fédérer même ceux qui les rejettent autour d’un combat contre un danger endémique immédiat.
Alors, l’esprit de la révolte serait-il mort ? Sommes-nous condamnés à faire un choix cornélien entre restaurer l’ancien régime et installer l’anarchie ou la dictature ? Ne sommes nous pas en droit de revendiquer les vrais droits pour lesquels le peuple s’est insurgé contre le régime, sans perdre les acquis de la république de l’indépendance ?
Ne rien faire serait avoir mené bataille pour livrer, en fin de compte, le pays et la nation aux opportunistes, aux milices et autres mafieux ! Ne faut-il pas croire en ce peuple, malgré tout? Croire en son intelligence commune, républicaine et génétique ? Ne faut-il pas réparer l’erreur en reprenant le combat pour la troisième République ? Sommes-nous obligés de renoncer, à cause de cette classe de faux politiques et de confortables nantis? Je ne m’y résous pas !
Je crois, pour ma part, que l’esprit de l’insurrection qui nous a menés à battre le pavé, doit plus que jamais, aujourd’hui reprendre le pas. Plus que jamais, il faut restaurer l’État de droit, rétablir l’égalité des chances et l’ascenseur social, la bonne gouvernance et restructurer la haute fonction publique pour renouer avec la mission suprême de service public. Il nous faudra surtout rompre définitivement avec les modèles de développement économique imposés, classiques, néo-classique, keynésiens, etc…, devenus obsolètes et caducs, uniquement utiles à l’enseignement des bases de la réflexion économique et qui font la notoriété d’une nuée ‘d’experts’ !
Toutes les palabres et autres vociférations et palais grossiers, doivent êtres honnis de la réflexion et du débat autour du projet sociétal. Les clivages et les opinions ne doivent se différencier, que par les moyens et choix à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs réels et de se projeter, non pas, vers la simple croissance, mais vers le progrès équitable. Nous pouvons reprendre les rênes de notre destinée, nous pouvons restaurer la République, en consolidant la démocratie, rétablissant la solidarité sociale et le bonheur citoyen, tout en soutenant et gratifiant la libre initiative, la création de valeurs et la liberté d’entreprendre. Nous pouvons nous aussi nous débarrasser des frères musulmans et de leur projet sans plébisciter le régime de ZABA. L’objectif commun est la recherche du progrès et non pas la de croissance, de l’équité sociale et non pas de l’égalité sociale de la solidarité sociale et non pas de l’aide sociale, car le progrès est source de croissance équitable, l’équité est source d’ascension sociale et la solidarité sociale permet l’éclosion individuelle et la complémentarité de groupe.
Nous nous devons de repenser l’État et l’administration, en repositionnant le service public afin que la satisfaction citoyenne soit au cœur même de la mission ; on peut revaloriser le rôle des fonctionnaires et les protéger contre toute ingérence et inféodation sans pour autant, faire de l’état et de l’administration un monstre contre productif, s’auto-alimentant et créant ses propres mécanismes d’autodéfense.
Sommes-nous condamnés à faire le choix entre l’anarchie, le désordre, d’un coté et le totalitarisme et la dictature de l’autre? Je ne le crois pas, nous ne sommes pas tous des anges, nous ne sommes pas tous honnêtes, nous ne sommes pas tous au même niveau de patriotisme et de fidélité à cette nation, nous ne sommes pas tous alignés sur les mêmes objectifs, mais nous sommes tous membres de cette même nation, nous en sommes l’identité, le génome et nous sommes condamnés à vivre ensemble. Alors, oui, pour faire en sorte que nous avancions ensemble, il faudra restaurer l’autorité de l’État, instaurer l’égalité de tous devant la loi, en commençant par ceux qui en ont la charge et bannir l’impunité. Sauvegarder la liberté individuelle, c’est aussi savoir l’arrêter lorsqu’ elle empiète sur celle des autres citoyens. Se révolter contre un état de fait, n’est pas forcément prôner l’anarchie, bien au contraire, c’est remettre en cause la médiocrité et prôner la prospérité ordonnée pour tous. 

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