14 janvier : un anniversaire au goût amer

Il y a six ans, le soir du 13 janvier, Zine Abidine Ben Ali prononçait son dernier discours à l’adresse des tunisiens, dans son ultime tentative d’apaiser une mobilisation populaire devenue incontrôlable, depuis l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010.
Révolution de la dignité, du jasmin ou de la jeunesse, ou encore le printemps arabe: c’est avec ces termes que nous avons qualifié la révolte tunisienne. Les jeunes, impulsés par un incroyable élan de patriotisme et une soif de liberté inédite, aspiraient à une vie meilleure, englobant emploi, prospérité et dignité. Le 14 janvier 2017, la Tunisie célèbre la sixième année de sa Révolution. Mais que reste-t-il de cette révolution ? A-t-elle atteint ses objectifs ? Nul doute, il reste encore beaucoup de pain sur la planche.

Le terrorisme, le nouveau spectre qui plane sur la Tunisie
S’il y a une chose qui a changé en Tunisie depuis 2011, c’est bel et bien la situation sécuritaire. Le retour en force des islamistes et des salafistes a enraciné un phénomène nouveau que les citoyens n’avaient pas vu venir, à savoir le terrorisme. Cela avait commencé par les tragiques assassinats politiques qui se sont enchaînés : de Chokri Belaid, le 6 février 2013, en passant par Mohamed Brahmi le 25 juillet de la même année pour arriver à Mohamed Zouari, abattu par le Mossad le 15 décembre 2016.
La Tunisie a également pleuré ses soldats morts égorgés au Mont Chaâmbi, durant Ramadan 2014. Plus tard, elle fut frappée par les sanglants attentat du Bardo, 18 mars, de Sousse, 26 juin, et de Mohamed V, 24 novembre 2015, marquant ainsi son engagement réel dans le combat contre ce fléau qui menace le monde entier.
Les forces sécuritaires ont accompli un travail fabuleux en 2016 et les terroristes ont été surpris par des sécuritaires plus que jamais vigilants, démantelant cellule dormante après l’autre et arrêtant de dangereux éléments. On se souvient de la riposte rapide et efficace face à l’attaque de Ben Guerdane, survenue le 7 mars 2016. Sur le plan de la sécurité, on peut se féliciter de la stabilité chèrement obtenue, malgré la fragilité de la situation et les menaces qui pèsent encore sur le pays, à l’aube de 2017. On peut, être fiers de cette Tunisie qui a réussi à tenir tête à un terrorisme aveugle et sanguinaire. Néanmoins, cet exploit, le seul que accompli, est entâché d’une instabilité politique manifeste, que nous avons du mal à maîtriser.

Une instabilité politique manifeste et un État affaibli
Combien de gouvernements se sont-ils succédés depuis 2011 ? Mohamed Ghannouchi, Béji Caïd Essebsi, Hamadi Jebali, Ali Laarayedh, Mehdi Jomaa, Habib Essid 1 et 2 et finalement Youssef Chahed. Au total, huit gouvernements en six années post-révolution. Un chiffre qui illustre l’ampleur de l’instabilité que traverse la Tunisie, marquée par un manque de vision et de projets pour l’avenir. Aussitôt arrivée, une équipe gouvernementale jette l’éponge un an ou, au mieux, un an et demi après son investiture, avant même d’avoir eu le temps nécessaire pour évaluer la situation et entreprendre les réformes adéquates.
Il faut également, au plan démocratique,  se féliciter des premières élections présidentielle et législatives que la Tunisie a connu. Le président de la République et les membres de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) ont été élus démocratiquement en 2014.
Autre expérience démocratique inédite : le retrait de la confiance au gouvernement Habib Essid en juillet 2016. C’était un moment historique pour la démocratie tunisienne, malgré tous les bruits de couloirs relatifs à la complexité des relations entre la présidence du gouvernement et de la République durant cette période.
Est-ce une démocratie parfaite ? Aucunement, il faudra des années pour en construire une. Il s’agit d’une démocratie naissante qui vit une période transitoire des plus difficiles en raison de l’absence d’un paysage politique sain et d’une opposition constructive et jouant son rôle de contre pouvoir. Il faut reconnaître que l’expérience reste fragile face à la domination des deux partis de la majorité et de la « complicité » contre nature des deux « Cheikhs« .

Instabilité sociale : l’Histoire se répète
Six années après la révolution, la Tunisie continue à être le théâtre d’une série infernale de grèves générales et de protestations sociales : éducation, phosphates, entreprises pétrolières, administrations publiques, ouvrier de chantiers, … Bref, presque tous les secteurs ont été touchés par des mobilisations sociales de grande ampleur, paralysant parfois tout le pays.
Une culture de la grève semble avoir pris racine chez une bonne partie des travailleurs tunisiens. Elle est devenue l’outil par excellence pour faire pression sur le gouvernement, piétinant, par la même occasion, le prestige de l’État. À plusieurs reprises, les grèves successives ont fait plier l’Exécutif aux exigences des syndicats.
Avec le silence de la direction de la centrale syndicale, les syndicats dépassent les revendications matérielles pour s’orienter vers des demandes d’un autre genre : le départ des ministres avec lesquels ils ne s’entendent pas ou plus. Ceci est devenu la marque de fabrique des syndicats de l’enseignement de base et de l’enseignement secondaire.
Six années après la révolution du 14 janvier, l’Histoire semble se répéter. De fait, la pression sociale a repris de plus belle dans plusieurs régions de Tunisie : Ben Guerdane, Sidi Bouzid ou encore Kasserine. On entend les mêmes revendications que six années plus tôt : le droit au développement et à l’emploi.

 

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