C’est sur l’Île de Djerba que le 18ème Sommet de la Francophonie sera organisé en 2021. Un rendez-vous capital pour tous les pays francophones, dont la Tunisie qui figure parmi les pays fondateurs. Les défis sont nombreux : crise économique, crise financière, crise sociale, crise sanitaire… Mais les atouts sont tout aussi nombreux. La francophonie peut devenir un véritable vecteur de développement pour les pays membres compte tenu de leurs énormes atouts.
Repenser le Sommet pour élaborer des projets plus concrets

Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l’Organisation de la Francophonie et ancienne Chef ce la diplomatie rwandaise
Pour célébrer les 50 années de cette francophonie, le 18ème Sommet sera placé sous les thèmes du numérique et de l’autonomisation des femmes, avec un slogan minutieusement choisi : la francophonie de l’avenir. « 50 ans, c’est l’âge de raison », nous a confiés Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l’Organisation de la Francophonie et ancienne Chef ce la diplomatie rwandaise, ce samedi 19 décembre 2020. Pourquoi Djerba ? Selon elle, l’Île de Rêve offre un capital touristique remarquable, d’autant plus que les infrastructures nécessaires y sont présentes. « Djerba est plus facile à isoler au niveau sécuritaire. Pas seulement : l’Île est symbolique. Il s’agit d’encourager le tourisme. D’ailleurs, des circuits touristiques seront organisés dans tout le pays », a-t-elle ajouté.
On attend énormément de la part des Chefs d’États et de gouvernement qui seront présents selon Louise Mushikiwabo. « Nous voulons repenser le Sommet de la Francophonie. Il y aura moins de discours, contrairement à ce que nous avons vu dans le passé, mais beaucoup plus de débats entre les décideurs. Nous souhaitons, également, organiser un Sommet peu coûteux compte tenu du contexte de crise. D’ailleurs, outre le financement tunisien, l’Organisation va y participer, au même titre que plusieurs autres pays. La solidarité est l’essence de la francophonie. Celle-ci crée des liens étroits. L’idée, depuis la création de l’organisation, est de créer une famille autour de la langue, des valeurs. Plus encore : plusieurs nouveaux pays veulent rejoindre l’Organisation de la Francophonie sous le statut d’observateurs. C’est l’exemple du Ghana qui est pourtant anglophone. Il existe, aussi, des pays lusophones qui veulent nous rejoindre », a-t-elle expliqué.
Francophonie et langues nationales vont de pair
Il faut rappeler que l’Organisation de la Francophonie est plus ou moins connue en Tunisie, d’où les confusions, parfois graves et infondées, que l’on peut constater. On pense à l’amalgame entre la francophonie et le colonialisme exprimé par certains députés – ndlr : certains députés ont même appelé au boycott du Sommet de 2021 –. Il n’y a rien de tout cela selon la secrétaire générale de l’Organisation de la Francophonie. « Notre rôle ne consiste pas à nous substituer à la langue nationale. Loin de là : il s’agit d’une cohabitation. Je suis une secrétaire générale plutôt atypique étant donné que je suis issue d’un pays anglophone qui est le Rwanda. De ce fait, mon objectif est de repenser l’organisation afin de lui conférer une plus grande influence à l’échelle internationale. Cela nous aidera, aussi, à lutter contre le déclin de la francophonie dans le monde », a-t-elle encore déclaré.
D’un autre côté, notre monde impose l’ouverture et, de ce fait, la connaissance des autres langues. Nous avons, d’ailleurs, lancé le programme « Élan ». Celui-ci consiste à enseigner le Français en commençant par la langue maternelle. « Nous avons toujours accordé une grande importance aux langues nationales. La francophonie doit absolument s’adapter aux exigences de notre monde », a-t-elle ajouté.
Un fonds francophone pour soutenir les femmes
Le sommet de Djerba, poursuit-elle, doit être sobre. « Nous aurons beaucoup moins de discours, mais davantage de tables rondes. Le numérique et la femme seront au cœur des débats. Nous devons être capables de répondre aux exigences du terrain. Selon un sondage que nous avons réalisé auprès des jeunes francophones, dont les résultats seront dévoilés le 22 décembre 2020, les priorités, selon ces jeunes, sont l’emploi et l’éducation. Plus encore : ils insistent sur un environnement sain. De ce fait, l’Organisation va axer ses projets sur ces priorités », a indiqué Louise Mushikiwabo.
D’autre part, comme l’indique l’intitulé du Sommet, l’organisation travaille déjà sur les conditions des femmes dans les pays francophones. D’ailleurs, un programme d’autonomisation et d’éducation des femmes a été mis en place. « Une femme éduquée et autonome est capable de défendre ses droits. En juillet 2020, nous avons proposé la création d’un fonds pour soutenir les femmes qui ont perdu leurs moyens de survie à cause de la crise sanitaire. Il a été lancé avec 3 millions d’euros et il est financé par des contributions extérieures. Le fonds a déjà permis de financer une bonne soixantaine de projets lancés par des femmes. Dans sa prochaine édition, prévue pour mars 2021, il sera, en très grande partie, consacré aux femmes du Liban et de Haïti. C’est la réponse francophone en faveur de l’autonomisation de la femme », a expliqué la secrétaire générale de l’Organisation de la Francophonie.
La nécessité d’une réponse francophone face aux défis
Toujours au sujet des projets de l’Organisation, Louise Mushikiwabo a rappelé que des ressources éducatives en ligne ont été mises en place durant la crise sanitaire. « D’ici le début de 2021, un projet de formation aux métiers du numérique sera mis en place. Il devrait toucher 250 000 jeunes et il s’étendra sur 2 ans. A présent, il faut trouver les ressources financières nécessaires pour le financer. Nous espérons que nous trouverons une solution lors du Sommet de Djerba », a-t-elle confié.
D’autres projets, portant, notamment, sur la santé numérique et sur la coopération économique seront discutés lors de ce 18ème Sommet de la Francophonie. « Un grand forum économique se tiendra à l’occasion du Sommet. La part belle sera faite au numérique et à l’innovation. Des échanges B to B seront, dans ce contexte, au programme. Le but est de parvenir à adopter une stratégie numérique et économique », a-t-elle souligné.
Les médias ne sont pas en reste. L’Organisation de la Francophonie, selon sa secrétaire générale, a déjà lancé un programme de formation sur la couverture des élections. Dans cette même optique, d’autres formations ont été lancées pour lutter contre le phénomène des infox. « Nous soutenons financièrement les structures spécialisées dans le fact-checking », a-t-elle précisé.
Le 18ème Sommet de la Francophonie s’annonce donc plein de promesses, mais aussi plein de défis. Il est essentiel de sortir des sentiers battus et de rompre avec les « beaux discours » et les déclarations de bonnes intentions. La secrétaire générale de de l’Organisation de la Francophonie a justement rappelé ce point comme nous l’avons vu. Les sociétés, notamment francophones, sont en pleine mutation et il est important d’apporter des solutions concrètes loin des généralités. La Tunisie, en tant que l’un des pays fondateurs, peut devenir le centre de cette nouvelle dynamique francophone qu’il faut bâtir. Santé numérique, nouvelles technologies, éducation, agriculture, développement durable… Tant d’opportunités à saisir et qui requièrent une action commune et, pourquoi pas, francophone.
Fakhri Khlissa
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