1939 – 2023 : la grande leçon de l’histoire

Il est parfois des séquences, dans les films horribles d’une guerre génocidaire, sur lesquelles il faut s’arrêter, puis zoomer pour découvrir de sauvages obscurités dont chacun voudrait bien éviter la vue. Avec un peu de chance, peut alors apparaître sous le nuage brumeux et la grande confusion, une certaine matrice meurtrière, effrayante et aveugle, dans laquelle s’étaient formés les industriels de la mort : croisés, nazis, fascistes et sionistes, avec leurs milliers de génocides qui ont transformé en charniers plusieurs épisodes de l’histoire humaine. Dire cette évidence vous exposera à une campagne de haine dans le monde occidental. C’est qu’en ces temps de désordre, de bouleversement majeur, de conspirationnisme débridé et de dérive identitaire, le racisme anti-arabe et l’islamophobie ne cessent de faire des progrès et que d’incroyables propos discriminatoires sont désormais présents dans les discours politiques et les débats médiatiques de la «bien-pensance» occidentale.
Comment pourrons-nous croire en les valeurs de l’Occident «civilisé», quand il justifie honteusement les crimes de guerre israéliens contre les enfants et les femmes palestiniens, sous les euphémismes qui pullulent à l’envi dans l’univers de mensonges politiques et médiatiques ? Comment conjurerons-nous la menace de guerre régionale ou mondiale, quand les Etats-Unis mettent leur véto à une résolution du conseil de sécurité appelant à un «cessez-le-feu humanitaire à Gaza» ?
Il ne faut pas croire que derrière ce spectacle dérisoire, les valeurs universelles demeurent intactes, bien au contraire, elles sont désormais l’objet d’une grande déconsidération. Il ne faudrait pas enfouir sous les mensonges un fantôme encombrant, même si ce mensonge a le temps, à l’heure du numérique et de l’intelligence artificielle, de parcourir le monde entier avant que la vérité n’ait pu enfiler son pantalon, selon le vieil adage. En ce temps de décadence morale et de désordre planétaire, à un moment où les pouvoirs occidentaux sont contestés, attaqués et vilipendés par les peuples du monde entier, il est légitime de dresser un réquisitoire contre la dérive morale de l’Occident telle qu’elle est dangereusement pratiquée. Pourquoi la nuance, la mesure, l’équilibre, l’égalité et la justice sont-ils devenus aux yeux de la plupart des pouvoirs politiques et médiatiques occidentaux des mots obscènes ? Ce qui est très difficile à digérer, ce n’est pas tant la «justification» éhontée d’une guerre contre l’humanité que cette pathologie atroce qui a frappé l’intelligentsia occidentale et l’a poussée à trahir ses idéaux. Ce qui se brise aujourd’hui, c’est une civilisation, ses valeurs, sa réputation qui paraissait acquise et, à travers tout cela, une certaine idée que les peuples opprimés se faisaient encore de l’Occident «libérateur».
Tout a déraillé, et nous voilà face à une machinerie de l’effondrement bas du front et absurde où les défenseurs acharnés de la guerre sont satisfaits de leurs tendances mortifères, entêtés dans leur fuite vers l’abîme. Plus cela fait couler du sang, plus ils ont l’espoir que cela marche, avec comme condition première l’illusion de la «bonne conscience». On connait la complaisance, voire l’aveuglement de l’Occident envers Adolf Hitler et les nazis avant 1939. Cette leçon de l’histoire demeure éternellement actuelle parce qu’elle illustre des comportements qui se retrouvent à l’identique, au fil des crimes contre le peuple palestinien. Cette décadence morale de l’Occident pourrait, si l’on s’y prend bien, devenir une très bonne leçon. Elle pourrait constituer le déclic qui nous fera enfin comprendre la gravité de la dérive morale de l’Occident, nous indigner contre celle-ci et refuser de nous y soumettre.

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