Ce 1er mai, la Tunisie, comme le reste du monde, célèbre la fête du travail. Avec ses traditions syndicales bien ancrées, notre pays est précurseur dans le monde arabe et africain dans le domaine de l’action syndicale et de la défense des intérêts des travailleurs et ce depuis la création du premier noyau syndical..
Une tradition syndicale tunisienne bien ancrée dans l’histoire
En 1924, Mohammed Ali Hammi, le précurseur avait créé le premier syndicat tunisien indépendant de la CGT française, il est incontestablement le père fondateur du syndicalisme tunisien. La deuxième expérience, fut sous Belgacem Gnaoui en 1937. Farhat Hached reprit cette idée de syndicalisme autonome autochtone, et entreprit d’unifier d’abord toutes les mouvances et les tendances de la vie syndicale tunisienne, tout en se démarquant de la CGT française et dut fonder la première centrale syndicale tunisienne : l’Union générale tunisienne du Travail (UGTT) le 20 janvier 1946.
L’UGTT est admis au sein de la FSM en janvier 1949. Le syndicat est donc mondialement reconnu. Or, lors du Congrès de Milan en 1949, Hached s’indigna de la décision de la FSM de désigner un représentant pour l’Afrique du Nord de l’USTT et non pas l’UGTT. Dès lors que l’UGTT étant devenue la principale force syndicale en Tunisie, la décision de la FSM était inadmissible. Bourguiba, après son retour d’Orient avait tenu à faire partie de la délégation de l’UGTT et c’est à Milan qu’il eut l’occasion de rencontrer Hached pour la première fois. L’entente est cordiale car personne ne voulait investir le terrain de l’autre. Or, et à bien des égards, les différences idéologiques sont bien établies. Alors que le Néo Destour n’a jamais admis l’idée de la lutte de classes mais plutôt de l’unité contre la colonisation en combattant avec véhémence l’idéologie communiste, Farhat Hached, pour sa part affichait haut et fort l’écartement du syndicalisme qu’il prétend représenter de toute tendance politique ou d’union avec un parti politique ne serait-ce que « tactique ». Le 3 juin 1950, la commission administrative de l’UGTT décide de quitter le FSM. Les raisons de cette rupture sont en grande partie dues au refus du FSM de donner son aval pour la constitution d’un syndicat nord africain, dont Hached y tenait particulièrement. Au cours du congrès de mars 1951, l’UGTT adhère au CISL. Lâchement assassiné le 5 décembre 1952, Farhat Hached est devenu un symbole de lutte maghrébin et arabe voire internationale.
Les défis du syndicalisme face aux défis économiques et sociaux actuels
La Tunisie affronte sans nul doute une des pires crises économiques et sociales. Après la Révolution du 14 janvier 2011, les revendications matérielles se font de plus en plus entendre, le budget de l’Etat est lourdement affecté par les augmentations salariales et le recrutement dans la fonction publique.
De nombreuses voix se font entendre pour faire valoir la conception de trêve sociale. En effet, il faudrait voir que tous les secteurs sont aujourd’hui aux bords d’une crise économique et sociale aiguë. Le nombre de grèves, de sit-in, de blocage d’accès aux lieux de travail, voire des grèves de la faim laissent présager la persistance de la crise alors que les solutions d’envergure tardent à prendre place. Il faut dire que ces questions ne datent pas d’aujourd’hui car depuis 1986 les dossiers tels que les accords avec la Banque mondiale, la privatisation des sociétés étatiques, les augmentations salariales, l’emploi, sont toujours d’une brûlante actualité.
Il est grand temps de changer les structures même du dialogue et au lieu d’aller toujours dans cette éternelle dualité : grève/augmentation salariale, il vaudrait mieux parler d’un pacte stratégique qui tente d’abord de relever l’économie tout en apportant les réformes nécessaires. Il est urgent que la classe politique présente aussi un programme ambitieux et réel et associer tout le monde à ce projet : société civile, syndicats, et la population.
Les Tunisiens n’ont que faire d’écouter toujours ce même discours : effritement de pouvoir d’achat, augmentations de salaires, impossibilité pour l’Etat de répondre à ces demandes car les caisses sont vides et il faut travailler plus et gagner plus. C’est toujours la même chanson.
Il faudrait entreprendre courageusement un dialogue et d’arrêter d’une part cette idéologie victimaires et penser ensemble à créer la richesse, la véritable richesse économique et puis la partager.