Nous nous approchons de la fin de cette sixième année post-révolution et des questions se posent sur le bilan économique de cette année. Sommes-nous en train de sortir de ce tunnel économique sans fin que nous traversons ? Cette année a-t-elle été le début de la sortie de la crise profonde que nous connaissons depuis quelques années, ou la situation s’est-elle aggravée ? Autant de questions que nous sommes en droit de nous poser lors de cette trêve des confiseurs.
La première préoccupation au cours de l’année 2017 a été le retour de la croissance économique. Il faut dire que depuis 2015, la croissance s’est située à un niveau très faible et n’a pas dépassé une moyenne de 1%. Or, il était essentiel de sortir de cette situation et ouvrir de nouveaux horizons à la croissance économique. Le retour de la croissance perdue était devenu l’objectif majeur des pouvoirs publics et des institutions internationales. Certes, la croissance a connu une amélioration par rapport aux deux années précédentes et devrait se situer autour de 2% au cours de cette année. Mais, cette croissance reste fragile et en dessous des attentes. Par ailleurs, cette croissance reste essentiellement tirée par le secteur agricole, le retour des touristes et le frémissement du secteur minier. L’industrie manufacturière qui était au centre de la diversification du tissu économique depuis l’indépendance, rencontre les plus grandes difficultés à reprendre sa place dans la dynamique de croissance enregistrée au cours de l’année écoulée. En dépit d’un léger frémissement, la croissance est encore le grand absent dans notre pays et constituera le plus grand défi des années à venir, car sans un retour vigoureux de ces dynamiques, la transition économique restera bloquée.
La seconde préoccupation concerne les grands équilibres macroéconomiques. Le premier est celui des finances publiques qui ont connu une grand dérive ces dernières années et en dépit des promesses et des engagements pris, leur descente aux enfers s’est poursuivie. Le budget 2017, préparé quelques mois seulement après l’arrivée aux affaires du gouvernement d’Union nationale, s’est fixé comme objectif de mettre fin à cette dérive et de revenir rapidement à un déficit soutenable des finances publiques. Nous avons souligné en son temps le caractère optimiste des hypothèses retenues pour cette loi de Finances et le risque de nous retrouver dans l’obligation de préparer une loi de Finances complémentaire pour prendre en charge une nouvelle dérive de nos finances publiques. Et malheureusement, c’est ce qui s’est passé et le gouvernement a déposé une loi de Finances complémentaire avec une dérive de près de 2 milliards de dinars et un déficit budgétaire qui s’est situé autour de 6% du PIB, contre une promesse en début d’année de le maintenir en dessous de 5%.
Le second aspect des grands équilibres macroéconomiques concerne le déficit de la balance courante qui a atteint également des records historiques en dépit des mesures prises pour le réduire.
Le troisième sujet de préoccupation au cours de l’année en cours concerne les réformes économiques. Certes, les différents gouvernements ont enregistré d’importants progrès dans la définition et la conception des grandes réformes à mettre en place dans les différents domaines notamment le secteur bancaire et financier, la réforme fiscale, la réforme des caisses sociales, la restructuration des entreprises publiques et la réforme du système de compensation. Cependant, ces réformes ont souffert d’un déficit d’exécution et de réalisation et la difficulté de parvenir à un consensus sur ces différents chantiers de réformes a été à l’origine d’un retard dans leur mise en œuvre qui explique largement les difficultés que nous rencontrons dans nos négociations internationales comme celles avec le FMI.
La quatrième préoccupation est relative à l’investissement et à notre capacité de sortir les investisseurs nationaux et étrangers de l’attentisme qui les a caractérisés depuis quelques années. Le retour de l’investissement est essentiel, dans la mesure où il favorisera une croissance plus équilibrée et surtout le rétablissement des grands équilibres macroéconomiques et une amélioration sur le front de l’emploi. Or, en dépit d’un léger frémissement, l’investissement est resté fragile et les investisseurs se sont montrés peu enclins à sortir de leur timidité. Pire, les responsables de l’UTICA et particulièrement Mme Bouchamaoui, sa Présidente, nous ont indiqué que la nouvelle loi de Finances 2018, votée il y’a quelques jours, n’est pas de nature à favoriser l’investissement.
La cinquième préoccupation est relative au front de l’emploi et la lutte contre le chômage endémique qui prévaut au sein de notre économie, particulièrement le chômage des diplômés. Là, en dépit de quelques frémissements, la situation reste préoccupante et le chômage continue à battre des records.
Il faut cependant souligner la campagne entamée tambour battant par le gouvernement contre la corruption avec quelques arrestations. Or, si cette campagne a suscité l’adhésion des Tunisiens, des critiques n’ont pas tardé à apparaître, notamment sur le manque de transparence et la nécessité de donner plus d’informations sur les résultats de cette campagne. Mais, d’une manière générale, il faut souligner les progrès réalisés par notre pays dans le domaine de la lutte contre la corruption et l’engagement de l’Instance nationale de lutte contre la corruption, présidée par l’avocat Chawki Tabib, dans ce combat de longue haleine pour couper court à ce mal qui ronge notre économie.
Enfin, une mauvaise nouvelle tout de même qui pèsera lourd sur notre pays et qui concerne le classement de la Tunisie sur la liste noire des paradis fiscaux de l’Union européenne. Une décision qui a été mal accueillie par les décideurs et les acteurs économiques des deux côtés de la Méditerranée, car si les autorités tunisiennes n’ont pas fait preuve d’une grande célérité sur cette question, on aurait pu s’attendre à une attitude plus indulgente de la part des autorités européennes.
Ainsi, les résultats économiques de l’année 2017 semblent plutôt moroses. Plus que jamais, nous avons besoin d’une action vigoureuse et déterminée sur le front de l’économie afin de sortir de cet attentisme. Le « business as usual » n’est plus en mesure de nous faire sortir de la trappe d’une transition en berne. Nous avons besoin d’une vision claire et surtout d’une détermination dans l’action, afin de relancer la transition économique et de redonner espoir dans l’avenir de notre jeune démocratie.