Comme chaque
année, la grande messe de Sigma Conseil apporte des chiffres clés sur la
situation politique, économique, sociale et médiatique en Tunisie. Dans l’Open
Sigma 2019, Hassen Zargouni, PDG de Sigma Conseil, s’est notamment penché sur
l’économie des médias, la répartition publicitaire et l’audience dans
l’audiovisuel.
Principal constat : la presse écrite est en nette perte de terrain par rapport
à la télévision, à la radio et au Web. « C’est la mort de la
presse papier. Le business plan est à revoir », a déclaré
Zargouni.
D’une manière générale, les investissements publicitaires par média ont baissé
de 16 points par rapport à 2017, avec une perte de 38,3 MDT, pour un montant
total de 202,8 MDT en 2018. 5% seulement ont été consacrés à la presse (10,2
MDT), contre 17,1% à la radio (34,6 MDT). La part de lion revient à la
télévision : 63,1% des investissements publicitaires, soit quelques 127,9 MDT.
D’après ces chiffres, la presse a reçu une grosse claque au profit des autres
médias. Plus encore, l’investissement publicitaire a baissé de 37,1 points en
2018 par rapport à 2017 dans le secteur. On compte, dans ce même cadre, une
baisse vertigineuse de 51,5 points pour les quotidiens (un investissement total
de 5,1 MDT) et de 2,8 points pour les magazines (4,7 MDT). En revanche, les
investissements ont légèrement augmenté pour les hebdomadaires : 400 000 TND
d’investissements.
Investissements publicitaires en baisse au fil des années
Quels sont les principaux annonceurs dans ce cas ? En première position, on retrouve Ooredoo avec des investissements publicitaires qui ont atteint les 16,4 MDT en 2018. L’opérateur est suivi de Tunisie Telecom (8,8 MDT), d’Orange Tunisie (6,8 MDT), de Délice Danone (5 MDT) et des Magasins Aziza (4,9 MDT).
Néanmoins, en 8 ans, ces investissements ont subi un effet « Yo Yo ». Alors qu’ils se chiffraient à 186,4 MDT en 2010, ils ont atteint 145,3 MDT en 2011. Une chute qui s’explique par les tensions politiques, sécuritaires et sociales qui ont marqué la période post-Révolution. Après une reprise en 2012 (183,3 MDT), une nouvelle baisse a été enregistré en 2013 (162,4 MDT) et ce en raison d’une conjoncture incertaine marquée par le terrorisme, les assassinats politiques et les tensions politiques. En 2017, une enveloppe de 241,1 MDT a été débloquée par les annonceurs pour investir dans la publicité. Un an plus tard, une baisse notable a été constatée : 202,8 MDT
Taux d’audiences : les médias publics à la traîne
D’autre part, l’Open Sigma 2019 était l’occasion de se pencher sur les performances audiovisuelles des chaînes de télévision et des stations radiophoniques. Du 1er au 14 janvier 2019, c’est Nessma TV qui occupe la pôle position en termes d’audience avec une part de 30,3%. Elle est suivie d’Elhiwar Ettounsi (29,5%), d’Al Watanya 1 (16,1%), de Hannibal TV (12,3%), d’Attessia TV (9,8%), d’Al Watanya 2 (6%) ou encore de Bein Sport (2,2%).
Au niveau des émissions, c’est Elhiwar Ettounsi qui arrive en première position grâce à Maa Alaa (avec Ala) : 18,3% du taux d’audience pour 1 828 000 téléspectateurs. Arrive ensuite Les 4 Vérités, l’émission d’investigation de Hamza Balloumi sur Elhiwar Ettounsi avec 18,1% du taux d’audience et 1 813 000 téléspectateurs. Nessma TV arrive en 3ème position grâce à EL Hob Eli Kweni (17,6% d’audience et 1 763 000 de téléspectateurs). Les chaînes publiques, d’un autre côté, sont plutôt à la traîne avec des performances très moyennes. On retrouve, en effet, Al Watanya 1 en 8ème position en termes d’émissions les plus regardées, et ce grâce au journal TV du 20h.
Concernant les stations radiophoniques, c’est Mosaöque FM qui se trouve en première position, loin devant ses concurrents, avec ses 1 505 000 auditeurs par jour. Elle est suivie de Zitouna FM (542 000), Jawhara FM (446 000), IFM (427 000) et Shems FM (389 000), RTCN (370 000).
L’insatisfaction et le pessimisme des tunisiens
Par ailleurs, l’Open Sigma 2019 était l’occasion de se pencher sur les indicateurs clés en Tunisie. D’après Hassen Zargouni, 89% des tunisiens pensent que le pays ira dans le mauvais sens en 2019. En 2013, ils étaient 79%.
En termes de priorités du pays, 20,2% des tunisiens considèrent qu’il faut commencer par s’occuper du chantier de l’éducation. Le secteur est suivi du chantier du pouvoir d’achat pour 19,7% des tunisiens et de la lutte contre le terrorisme (13%). Ces chiffres, notons-le, soulignent un changement dans la hiérarchisation des priorités des tunisiens en 2019 par rapport aux précédentes années. En 2017, la priorité devait être accordée à l’emploi selon les tunisiens. Durant la période 2013-2015, il s’agissait plutôt de la sécurité.
Dans ce même contexte, 78% des tunisiens pensent que 2018 a été pire que 2017. Seuls 49,6% pensent que 2019 sera meilleure que 2018. Sur le plan économique, 88% des personnes interrogées par Sigma Conseil ont jugé que la situation s’est dégradée en 2018, mais 84,5% pensent qu’elle va s’améliorer en 2019. « 74,6% des tunisiens affirment que la situation sociale s’est dégradée en 2018. Idem pour la situation financière des ménages : 64,9% des citoyens estiment qu’elle s’est dégradée. Néanmoins, 55% des personnes sondées espèrent que 2019 sera meilleure sur le plan financier », a encore expliqué Hassen Zargouni.
Gouvernement et institutions de l’État :
un rendement insuffisant selon les tunisiens
Sur le plan politique, Zargouni montre, chiffres à l’appui, que le gouvernement a réussi sur le plan sécuritaire selon 47% des tunisiens. Cependant, le rendement de la Kasbah était insuffisant selon les citoyens au niveau de la préservation du pouvoir d’achat (pour 82% des citoyens), de la réforme du système éducatif (83%), de la création d’emplois (70%), de l’amélioration de la situation économique (61%), du développement régional (55%) et du secteur de la santé (49%).
Qu’en est-il des institutions de l’État ? D’après Sigma Conseil, 76% des tunisiens sont satisfaits du travail de l’Armée Nationale, 44% le sont à propos de la police, 17% pour la société civile, 21% pour les médias, 14% pour l’UTICA, 16% pour l’INLUCC, 23% pour l’UGTT, 6% pour les administrations publiques et 6% pour les partis politiques.
Concernant ces derniers, 86% des tunisiens jugent leur rendement négatif. Les tunisiens ont également une très mauvaise opinion de l’ARP : 60% de citoyens insatisfaits.
Politique : Ennahdha et Nidaa en tête dans les intentions de vote
Sur un autre plan, l’Open Sigma 2019 nous montre que le paysage politique est bipolaire avec la domination d’Ennahdha et de Nidaa Tounes en termes d’intention de votes. Le parti islamiste s’accapare 30% des intentions de vote pour 2019. Il représente 9% du corps électoral. Nidaa Tounes obtiendrait 22% des voix (6,6% du corps électoral). On compte 16,7% pour la catégorie « autres partis » (5% du corps électoral), 9,3% pour le FP (2,8% du corps électoral) et 7,6% pour le Courant Démocratique (2,3% du corps électoral).
Pour les présidentielles, le Chef du gouvernement, Youssef Chahed, remporterait 22,5% des voix (10,5% du corps électoral). Kaïs Saïed en obtiendrait 14,5% (6,8% du corps électoral). On compterait 11,5% d’intention de vote pour Moncef Marzouki (5,3% du corps électoral).
La donne ne changerait pas réellement pour les élections législatives. Ennahdha, en effet, se place en première position selon Sigma Conseil avec 30,2% des intentions de vote (9% du corps électoral). On trouve, ensuite, Nidaa Tounes avec 22% (6,6% du corps électoral), la catégorie autres partis avec 16,7% (5% du corps électoral) et le Front Populaire avec 9,3% (2,8% du corps électoral).