2019, l’année de la fin du cauchemar islamiste en Tunisie ?

Moncef Kammoun

Le mouvement Ennahdha, issu de la filière de l’organisation des Frères Musulmans égyptiens, est né en 1979 dans l’illégalité sous le nom de Mouvement de la Tendance Islamique et sera légalisé 30 ans après. Il a vécu sous l’autoritarisme de Bourguiba puis la dictature de Ben Ali et avec le printemps arabe, Ennahdha a été propulsé subitement au sommet du pouvoir grâce au tandem Qatar/Frères Musulmans qui était à la pointe pour changer les régimes et permettre aux Frères musulmans de prendre le pouvoir en Égypte, en Tunisie, en Libye sauf en Syrie où la guerre n’a pas abouti malgré l’aide du Qatar et ses trois pays nouvellement colonisés par les Frères Musulmans.  Aujourd’hui, huit ans déjà que la Tunisie est gouvernée directement ou indirectement par ces islamistes qui viennent d’ailleurs et qui ne connaissent ni le pays ni les lois de la gouvernance.

Quel bilan de huit ans d’Ennahdha au pouvoir ?
Il est aujourd’hui incontestable que l’expérience du parti de Ghannouchi  à la tête de l’Etat a été une vraie catastrophe pour le pays.
Ces islamistes ont non seulement accentué l’anarchie mais aussi favorisé l’émergence du terrorisme, ils ont même mis en péril la cohésion de la Nation et ce par leur aveuglement idéologique et par leur amateurisme.
Les leaders islamistes ont raté, ainsi, une occasion inespérée pour eux de démontrer leur aptitude à gouverner sans tomber dans le fanatisme le plus primaire.
Même les dirigeants de Nidaa Tounes, qui, hier, nous vendaient les vertus du «consensus national» et de la coalition avec ce même Ennahdha, découvrent, par miracle, que les islamistes sont infréquentables.
Aujourd’hui, les choses sont claires et les Tunisiens et même les partis deviennent majoritairement anti-islamistes et cherchent à prendre leurs distances de ce parti. Tous adoptent presque la même posture «anti-Ennahdha».
Abdelfattah Mourou, le plus sage de ce mouvement, disait déjà en 2013 que « les jours passés au pouvoir par Ennahda sont une leçon : ils prouvent qu’il ne suffit pas d’être musulman pour guider les gens, il faut pouvoir s’en faire aimer et connaitre leurs besoins.
La place d’Ennahdha est dans l’opposition et elle y restera pendant 20 ans.
Le peuple tunisien ne veut plus d’Ennahda. Il faut que le temps passe et qu’on oublie ses fautes. Il faut qu’une nouvelle génération apprenne à concilier l’islamité et la modernité. Parce que le problème de la Tunisie ne se situe pas entre les islamistes et les laïques. La clé, c’est la modernité. Sommes-nous capables d’une alliance entre l’islam et la démocratie  Ennahda doit apprendre ». C’est ce que je prédis, moi son fondateur et son vice-président ».
Les réseaux sociaux à leur tour, s’emballent contre les «Frères musulmans», dénonçant leurs «sombres et hypocrites projets» et appellent à la dissolution de ce mouvement.
Il faut dire que le bilan catastrophique de la gestion chaotique des années de pouvoir justifie  les lourdes accusations dont les Nahdhaouis se trouvent aujourd’hui accablés?
Cette mouvance des frères Musulmans a échoué à réaliser ses promesses utopiques pas uniquement en Tunisie mais dans le monde entier. En effet, ils ont été soit neutralisés soit, comme chez nous, en faillite.
En Égypte, les Frères musulmans ont gouverné le pays de manière désastreuse avant d’être renversés par un coup d’État militaire, en Irak, en Syrie et au Yémen, les forces islamistes ont joué un rôle marginal dans la promotion de la démocratie et ont dû s’effacer derrière la lutte contre l’extrémisme violent, au soudan, en avril dernier, les islamistes ont été renversés par l’armée après 30 ans de pouvoir absolu,  au Maroc, en Jordanie et au Koweït, les partis islamistes légaux ont connu quelques succès électoraux, mais vu que dans ces pays les parlements sont soumis, ce qui les transforme en forces politiques inoffensives s’agitant à l’ombre de puissantes monarchies, lesquelles exercent toujours un pouvoir absolu.
Il faut dire que les année Ennahdha ont été tout à fait catastrophiques, ils ont mis à genoux le pays en agissant hors de toute logique, en inversant les priorités pour rassasier les proches, plutôt que d’apporter le développement aux régions défavorisées et de l’emploi aux jeunes, Ennahdha a profité de son passage au pouvoir pour compenser ses militants et enfoncer l’Etat et les finances tunisiennes.
Ces islamistes considèrent que toutes les ruses sont bonnes pour parvenir aux fins idéologiques d’un pouvoir islamiste. Mentir, dissimuler, se présenter comme modéré, professer le contraire de ce qu’on croit, voire recourir à la menace: tout est bon pour arriver au but ultime qui est « rester au pouvoir ».

Celui qui construit ne peut pas être celui qui détruit
La Tunisie a besoin de se remettre sur pied, elle a besoin de sang neuf et d’hommes neufs,  elle  a besoin d’hommes et de femmes libres et patriotes, qui croient en la démocratie et la pluralité, et qui soient à même d’offrir un projet fédérateur, où toutes les opinions et les idéologies peuvent se retrouver dans une démarche de réconciliation et non de confrontation et de rupture.
La situation économique n’a cessé de se dégrader, selon le constat du Fonds Monétaire International (FMI) en 2016 « L’activité est faible, l’emploi est bas, les tensions sociales persistent, la composition des dépenses s’est détériorée, et les déséquilibres extérieurs sont prononcés ».
Aujourd’hui, les indicateurs économiques et financiers de la Tunisie se sont gravement détériorés et ont atteint des niveaux sans précédent depuis plus de 30 ans.
Pour l’économiste Azzedine, trois indicateurs lui semblent les plus préoccupants pour notre avenir proche:
1- le niveau atteint par la dette extérieure (90% du PIB) est en train de mettre à mal l’économie toute entière, les finances publiques, l’état de santé d’un nombre important de nos entreprises.
2- l’inflation qui a atteint des niveaux sans précédent depuis plus de 30 ans et qui, en devenant structurelle, menace l’ensemble des équilibres économiques et financiers du pays.
3- la grave détérioration de la valeur du dinar. La situation du dinar, qui fonctionne comme un miroir, résume bien la détérioration de l’ensemble des indicateurs économiques et le processus d’appauvrissement de notre pays.
D’ou bien entendu une baisse significative du pouvoir d’achat, un état d’appauvrissement général et un sentiment de désespoir.
Mais comment expliquer, concrètement, le maintien au pouvoir d’Ennahdha malgré un bilan catastrophique ? En fait, cela revient à notre avis à Rached Ghannouchi, ce président dictateur du parti, les Nahdhaouis déclarent souvent qu’ils n’ont pas un parti qui a un président mais un président qui a un parti.
Rached Ghannouchi avec ses arrangements et ses calculs mesquins dont il est coutumier, par sa capacité de nuisance qui est sa meilleure défense et par le fait d’être braqué sur ses intérêts propres et ses petits calculs politiciens, a perdu de vue les intérêts supérieurs de la Tunisie et a humilié et méprisé les Tunisiens.
Aujourd’hui, et après huit ans de fébrilité politique, le chemin reste, certes, encore long pour que ce mouvement intègre les règles du vivre ensemble.

Le vote de la dernière chance pour en finir avec les islamistes
S’il faut combattre Ennahdha et la faire sortir du paysage politique, il faudrait que la bataille soit menée d’une manière sereine et dans un cadre démocratique surtout que ce parti a toujours était le plus structuré, le mieux organisé et le plus performant électoralement parlant.
Pour pouvoir espérer une nouvelle ère pour notre pays, Il ne s’agit à notre avis ni d’exclusion, ni de répression qui s’avèrent non efficaces surtout qu’il est question d’un mouvement qui tire sa légitimité de son ancrage populaire qu’on a tendance à sous-estimer.
Il faudrait venir en masse et voter le 6 octobre prochain à l’occasion des élections parlementaires, surtout après ce travail magnifique effectué par l’ISIE qui consiste en l’augmentation du nombre d’électeurs de cinq millions et trois cent soixante dix mille citoyens. Plus encore, le jour du vote il y aura pour le suivi de l’opération 3000 agents accompagnés de 350 coordinateurs régionaux, d’ailleurs Ennahdha a mis en garde l’ISIE contre ce qu’elle appelle l’agrandissement surdimensionné des rangs des électeurs. Ces propos traduisent clairement la panique des islamistes face à cette métamorphose du registre électoral.

Votez utile…Votez  stratégie
J’appelle enfin les Tunisiens, même ceux qui ont perdu espoir, à aller voter parce qu’il s’agit cette fois-ci de notre patrie, de notre Tunisie, il est même question du sang de nos martyrs, il faut qu’on puisse faire changer les choses, nous sommes les seuls à pouvoir le faire avec la parole libre et le vote et non avec les armes et le sang.
En plus de toutes ces raisons qui amènent les électeurs à voter, je comprends qu’il y ait aussi celles qui les conduisent à ne pas le faire par désespoir, par colère ou par indifférence mais aujourd’hui, vu l’importance du rendez vous, l’abstention serait de la lâcheté (comme disait l’écrivaine Québécoise Reine Malouin). Croyez-moi, la lutte que nous devons mener pour notre patrie en ce moment est un combat. Il faut que les bulletins de vote donnent le coup de balai à ce parti qui détruit nos soixante ans de combat pour la simple raison que celui qui a détruit notre pays ne pourra jamais le construire.
Le vote de stratégie n’est pas un vote de conviction mais il est résolument pragmatique. On vote pour le candidat qui a le plus de chance d’être un rempart à l’affiche que l’on veut éviter pour le second tour
Ne pas voter c’est non-assister la patrie en danger. Menacée par ceux qui œuvrent à la déstabiliser.
S’il fallait combattre Ennahdha, il faudrait que la bataille soit menée d’une manière sereine dans un cadre démocratique. Aujourd’hui tout laisse à penser que l’année 2019 pourrait être celle où l’organisation des Frères musulmans sera criminalisée et consignée sur la liste des organisations terroristes par les principales puissances mondiales.
Abraham Lincoln, dans un discours, en 1856, ne disait-il pas, qu’« un bulletin de vote est plus fort qu’une balle de fusil. »

*M.K  Architecte

 

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