Sous le ciel étoilé du prestigieux amphithéâtre de Carthage, la scène s’est embrasée ce vendredi soir au rythme de « 24 Parfums », un spectacle musical grandiose célébrant le 69ème anniversaire de la création de l’Armée nationale tunisienne. Plus qu’un simple concert, cet événement fut un manifeste artistique et identitaire, une immersion sensorielle dans la mémoire sonore, culturelle et régionale de la Tunisie, porté par le compositeur et chercheur visionnaire Mohamed Ali Kammoun.
La soirée s’est ouverte avec éclat sur un défilé musical assuré par la troupe de musique militaire, dont les harmonies rigoureuses ont conquis un public venu nombreux, mêlant familles, mélomanes et curieux. Une ovation émue, suivie d’une remise de fleurs, a souligné la place essentielle de cette formation dans notre mémoire collective.
Mais c’est avec le cœur du programme que la magie a pleinement opéré !
Sur scène, le projet « 24 Parfums », porté depuis plusieurs années par Mohamed Ali Kammoun, s’est déployé comme un tableau vivant de la Tunisie, dans toute sa diversité culturelle et sonore. Né d’un travail de terrain entamé dès 2016, le projet est le fruit d’une démarche immersive mêlant collectage musical dans les 24 gouvernorats, réécriture contemporaine, et transmission pédagogique.
La magie a opéré, portée par un orchestre symphonique dirigé par Dorra Cheikh, entouré de musiciens internationaux et d’instrumentistes jouant des instruments traditionnels. La partition imaginée par Kammoun a osé le mariage du jazz, du maqâm tunisien, de la musique savante et des rythmes populaires, dans un équilibre subtil et ambitieux. Chaque pièce racontait une région, une mémoire, une voix.
Sur le plan vocal, la scène a réuni une mosaïque de talents issus de toutes les régions : Sofiene Zaidi, Monjia Sfaxi, Fethi Gharssallah, Mohamed Salah Issaoui, sans oublier des jeunes voix prometteuses comme Seifeddine Tebbini, Oussema Nabli et Aymen Ben Hassen. Une apparition très attendue de Eya Daghnouj, en invitée d’honneur, a apporté une touche de grâce et de modernité supplémentaire à la représentation.
La mise en scène ne s’est pas limitée au son. Grâce aux visuels du designer Raouf Karray, projetés en arrière scène, chaque pièce musicale s’est enrichie de paysages, textures et couleurs capturés à travers les différentes régions visitées.
Un voyage musical et patrimonial
Dans une Tunisie marquée par ses contrastes régionaux et souvent traversée par des discours de rupture, « 24 Parfums » est apparu comme un geste artistique d’unité et de reconnaissance. Derrière l’esthétique raffinée de la mise en scène et l’audace des arrangements, se déploie un travail de fond entamé dès 2016 : Mohamed Ali Kammoun a sillonné les 24 gouvernorats du pays pour collecter chants, rythmes, récits et sonorités, dans une démarche ethnomusicologique aussi sensible qu’engagée.
Ce collectage n’a pas été un simple enregistrement d’archives, il s’est inscrit dans une volonté de transmission et de réécriture contemporaine, où le passé n’est pas figé, mais réinterprété.
À travers cette fresque musicale, la Tunisie est apparue dans toute sa pluralité et sa beauté, loin des stéréotypes réducteurs. Chaque gouvernorat, chaque voix, chaque nuance musicale a trouvé sa place dans une œuvre chorale qui unit plutôt que d’opposer.
En réunissant sur une même scène des artistes jeunes et confirmés, des sons anciens et des arrangements modernes, des accents du Nord et des rythmes du Sud, « 24 Parfums » est parvenu à incarner l’idéal d’une Tunisie ouverte, fière de ses racines et tournée vers l’avenir.