La gravité de la conjoncture régionale et locale conduira-t-elle les deux candidats restants à assagir les fièvres de leur rivalité ? Sauront-ils concéder, enfin, droit de cité à une confrontation d’idées et de projets lors de ce second tour en lieu et place des réquisitoires et vindictes du 1e «round» qui n’ont fait que désunir dangereusement les Tunisiens ? La fonction présidentielle elle-même n’exige-t-elle pas, en tête des qualités requises du prétendant, une vocation au rassemblement et une maîtrise certaine de l’économie des conflits aussi bien en interne qu’à l’échelle internationale ?
Le texte fondamental a rigoureusement cerné le profil du président à travers ses attributions. En ressort principalement qu’il est le chef de l’État et «symbole de son unité». Il garantit son indépendance et sa continuité et veille au respect de la Constitution. Il dirige la diplomatie du pays et sa politique de défense et de sécurité nationales. Ses prérogatives ne s’arrêtent pas là mais celles qui précèdent exigent un sens élevé de l’État et de sa souveraineté, un talent diplomatique au dessus de tout soupçon, une virtuosité dans l’art de la médiation et du compromis et une expérience certaine dans la gestion des crises aussi bien internes qu’externes. Les électeurs sont en droit d’entendre les propositions des deux candidats sur ces questions dont la conjoncture évoquée plus haut ne fait qu’en accentuer la portée.
Le changement du slogan de campagne de M. Marzouki est-il un indice de bon augure d’un ton différent pour ce deuxième tour ? De «Nous vaincrons ou nous vaincrons !», qui glace le sang par son absoluité et son refus d’envisager la défaite, issue pour le moins possible dans toute compétition, nous passons à «La Tunisie victorieuse» qui laisse entendre que peu importe le champion de ce scrutin, la Tunisie dans son ensemble sera victorieuse. Le changement de cap est indubitable et le fait de laisser place au doute indique que la certitude, proche voisine de la déraison, a été vaincue, du moins au niveau des slogans. De part et d’autre, attendons les discours et les pratiques et nous serons mieux fixés.
La période qui s’annonce est transitoire par excellence. Elle négocie le passage de la logique de la Révolution à celle de l’État et après avoir mené à bien la phase de fondation, à travers la promulgation de la Constitution, elle entend jeter les bases d’institutions pérennes. Pour cela et parce qu’il est fait de défis colossaux, notamment sécuritaires et économiques, ce moment de notre destin commun exige un «compromis historique» entre les principaux acteurs de la scène tunisienne. Ce n’est tant pour des raisons éthiques et politiques que la voie concordataire est nécessaire. Non, elle est davantage fondée par l’instinct de survie.