Entre volonté politique, résistance au changement et défis infrastructurels, Anis Wahabi a dévoilé une réalité où les ambitions de simplification et d’équité fiscale se heurtent à des obstacles persistants.
La scène des réformes fiscales en Tunisie a été le théâtre d’une complexité croissante et de défis persistants, comme l’a souligné Anis Wahabi, expert-comptable, durant la 37ᵉ édition des Journées de l’Entreprise, qui se tient du 07 au 09 décembre 2023, sous le thème “L’Entreprise et l’Informalité : Inégalités et Solutions en Suspens”.
Lors d’une session dédiée aux “Solutions pour surmonter les difficultés d’implémentation”, M. Wahabi a partagé un éclairage critique sur les réformes fiscales entreprises depuis 2013-2014 pour mettre en lumière les choix stratégiques du pays, les résultats concrets, et les obstacles qui entravent le chemin vers une fiscalité simplifiée et équitable.
À la croisée des chemins
Wahabi a souligné que la réforme fiscale en Tunisie a été initiée avec l’annonce de mesures lors des assises de fiscalité en 2013-2014. Deux approches étaient envisageables : une refonte immédiate du système fiscal ou une réforme progressive sur la durée. La Tunisie a opté pour la seconde option, entraînant plus de 950 mesures fiscales depuis 2012. Cette multiplication de mesures a conduit à une complexité croissante, avec 25 lois de finances adoptées en 13 ans.
L’objectif initial de la réforme était d’augmenter le rendement fiscal, de simplifier la fiscalité et de promouvoir l’équité fiscale. Cependant, l’expert-comptable a noté que la mise en œuvre de certaines réformes, notamment celle du Code unique de l’impôt prévu depuis 2014, n’a pas encore été concrétisée. Il a souligné que les réformes qui impliquent des charges pour l’État n’ont pas été aussi efficaces que celles qui reposent sur les acteurs privés, citant des exemples tels que les plateformes des factures électroniques, attestations de retenue à la source, freelancers, auto-entrepreneurs, et le système d’information budgétaire.
Un processus inachevé
Le problème de la caisse enregistreuse a été aussi discuté, avec des délais significatifs entre son annonce en 2016 et sa mise en œuvre en 2019, soulignant les défis liés aux réformes basées sur les plateformes.
Dans le même sillage, Anis Wahabi a identifié plusieurs causes des obstacles à la réforme, notamment le manque de volonté politique, la focalisation excessive sur le juridique, la résistance au changement, des problèmes de capacité et de compréhension au sein de l’administration publique.
Il a proposé une approche impliquant davantage le secteur privé dans la gestion de ces projets, soulignant la nécessité d’un leadership et de compétences techniques adéquats, et critiquant la fragmentation des initiatives informatiques au sein des différents ministères.
En guise de conclusion, l’expert-comptable a souligné l’importance cruciale de l’infrastructure pour soutenir les réformes digitales, mettant en garde contre les défis liés à la capacité et appelant à une réévaluation réaliste de la position de la Tunisie dans le monde arabe et en Afrique.
M.BB