4 mois de prison ferme pour le directeur de Business News
Une aberration !
Nizar Bahloul, directeur du journal électronique Business News, a été condamné à 4 mois de prison ferme pour diffamation d’un fonctionnaire public. Si l’article en question date de 2011, l’affaire traîne jusqu’à aujourd’hui, avec des ambiguïtés au niveau du déroulement du procès.
Le Tribunal de l’Ariana a condamné le journaliste par contumace. Il n’avait donc pas la possibilité de se défendre. « Je vais faire opposition à ce jugement puisque je n’étais pas informé de la tenue de cet énième procès autour de la même affaire », a annoncé Nizar Bahloul. Le 19 février, le tribunal va traiter son opposition. Le fondateur de Businessnews est condamné pour la publication d’une chronique en juillet 2011 intitulée « Que cherche à cacher le ministère des Affaires étrangères? ». Dans l’article, Bahloul revient sur une affaire où l’ancien ambassadeur de Tunisie à Abou Dhabi, ahmed Ben Mustapha, est accusé d’avoir détourné plusieurs salaires du personnel de l’ambassade. Un procès avait été ouvert et Ben Mustapha fut condamné à 6 ans de prison. En janvier 2011, l’ambassadeur a été acquitté. Selon Jamila Ben Mustapha, sa sœur, il était victime d’un complot monté de toutes pièces. Dans un article publié sur Kapitalis, le 27 janvier 2013, elle constate que son frère était « puni » par l’ancien régime pour ne pas avoir reçu convenablement la belle soeur de Ben Ali, Jalila Trabelsi, à Abou Dhabi, ce qui posait des problèmes pour cette dernière car elle transporterait une grosse somme d’argent non-déclarée à la douane. En effet, elle a été démasquée parce que Ben Mustapha ne l’a pas cherchée à l’aéroport, ce qui lui aurait évité le contrôle douanier.
Selon le Tribunal de l’Ariana, Nizar Bahloul est coupable de diffamation contre Ben Mustapha car il avait parlé de l’affaire dans son journal, en se basant sur des Procès-verbaux du tribunal.
D’ailleurs, les journaux « Attariq El Jadid » et « Assabah » ont également écrit sur ce sujet, et pourtant, ils n’ont pas été inquiétés.
L’application du Code pénal au lieu du code de la presse
Quelle que soit la vérité dans l’affaire Ben Mustapha, force est de constater que l’ancien ambassadeur poursuit avec acharnement sa lutte juridique contre Nizar Bahloul. En fait, deux procès ont été déjà ouverts dans ce sens, sur la base du décret-loi 115 (le nouveau code de la presse), en reprochant au journaliste d’avoir violé le secret du dossier d’instruction. Mais ils ont été déboutés par la justice. Quant à l’actuel procès, le Tribunal applique l’article 128 du code pénal bien qu’il s’agisse évidemment d’une affaire de presse. Le décret-loi 115 prévoit en cas de diffamation « une amende de mille à deux mille dinars, avec ordre de publier des extraits du jugement rendu dans l’affaire ». Alors que dans le Code pénal, l’article 128 prévoit une peine de deux ans de prison et 120 dinars d’amende.
La réaction du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) ne s’est pas faite attendre. Zied El Heni, membre du Bureau exécutif, a dénoncé fortement le verdict. « Même si un journaliste est coupable, il ne devrait pas écoper d’une peine de prison. C’est trop sévère. », disait-il le 26 janvier sur les ondes de Radio Mosaique Fm.
Taieb Zahar, directeur de l’Association tunisienne des directeurs des journaux s’est dit, lui, aussi étonné de cette décision du tribunal. « Nizar Bahloul n’a pas été prévenu, il n’a pas comparu devant le Tribunal et il n’était même pas au courant de la plainte que l’ancien ambassadeur a déposée contre lui », soulignait-il.
En attendant de voir l’évolution de cette affaire, il est impératif de rappeler l’importance d’appliquer le décret-loi 115 dans tout ce qui concerne le secteur de la presse.
Jannik Jürgens