Après la passation du pouvoir qui a eu lieu mercredi 31 décembre 2014. L’ancien président de la république Moncef Marzouki est de retour sur la scène politique. Il portera désormais la casquette d’opposant politique. En fêtant avec ses partisans le 4ème anniversaire de la révolution Moncef Marzouki a décidé de créer un comité provisoire chargée d’organiser des rencontres régionales et locales de son nouveau mouvement « Harak Châab Mouwatinine ». Mais avant de suivre son nouvel engagement, un retour sur ses 3 ans de règne s’impose.
Accédant à la présidence de la République tunisienne à titre provisoire le 12 décembre 2011, Moncef Marzouki a été évincé par son rival Béji Caid Essebssi, leader du parti Nida Tounes, au second tour des élections présidentielles en novembre 2014. Retour sur les principaux faits qui ont marqué son règne de 3 ans.
L’affaire Baghdadi Mahmoudi
L’affaire de l’extradition de l’ex-premier ministre libyen Baghdadi Mahmoudi, fui en Tunisie après la chute du régime Ghadafi, est l’une des affaires qui ont marqué le début du mondant de l’ex-président provisoire. Malgré les nombreux appels des organisations nationales et internationales de défense des droits de l’homme de ne pas l’extrader compte tenu à l’absence du climat judiciaire sain et les risques qui pèsent sur son intégrité physique, le 24 juin 2012 Baghdadi Mahmoudi a été dirigé vers son pays. Un pays qui pourrait être tout sauf stable, travaillé par la violence et quasiment sans institutions.
Considérée comme une atteinte flagrante au droit national et international l’extradition de Baghdadi Mahmoudi est aussi une affaire qui a secoué l’Etat.
Le lendemain de l’extradition, la présidence de la République a exprimé, dans un communiqué, sa vive contestation de la décision de l’extradition “prise d’une manière unilatérale sans concertation avec les trois Présidences et sans l’accord et la signature du président de la République”. La présidence de la République a, dans ledit communiqué, dénoncé ce qu’elle a qualifié de transgression de ses prérogatives insistant sur le fait que la politique étrangère relève du domaine du président de la république.
En revanche, et lors d’une déclaration accordée à la radio Mosaïque Fm le 27 mars 2013, l’ex chef du gouvernement Hamadi Jebeli a affirmé que l’ex-président provisoire de la république était bel et bien au courant de la décision de l’extradition.
Interrogé sur la question lors de sa campagne électorale pour les élections présidentielles de 2014, Moncef Marzouki a fermement insisté que la décision d’extradition a été prise à son insu et qu’il s’y était toujours opposé. Il a déclaré qu’il avait même pensé à se démettre de son poste suite à cette affaire.
Djabeur Mejri doit rester en prison
Lors de sa présence au Conseil de relations étrangères américain le 25 septembre 2013, Moncef Marzouki a été interrogé par Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch sur l’affaire Jabeur Mejri. L’ex-président provisoire n’a eu aucun embarras de répondre que la libération du jeune, incarcéré depuis presque 2 ans pour “atteinte à la morale, diffamation et perturbation de l’ordre public” après la publication de caricatures du prophète Mahamed sur Facebook, serait un danger pour sa vie. Motif ? La présence des salafistes violents dans le pays qui pourraient le menacer.
La réponse de l’ex-président provisoire n’a pas plu à Gilbert Naccache, écrivain et militant de gauche. Ce dernier n’a pas tardé à lui répondre.
L’auteur de Cristal a écrit sur son compte facebook :” Je n’aime pas tirer sur les ambulances, mais parfois, trop, c’est trop ! L’incontestable spécialiste des droits de l’Homme, j’entends l’ex président de la LTDH et futur ex président provisoire de la République, a ajouté un nouveau droit, qui relève des droits à la sécurité: le droit d’être mis en prison longtemps, jusqu’à ce qu’on ne risque plus rien pour ses opinions et croyances. Merci, beaucoup, monsieur le président, Amnesty international vous donnera sûrement une médaille ! Au fait, si ce droit avait existé du temps où Ben Ali vous amis en prison, où seriez-vous aujourd’hui ?”
L’accueil des radicaux
Jeudi 11 octobre 2012, Moncef Marzouki a reçu au palais de Carthage, une délégation composée de plusieurs cheikhs de la mouvance salafiste dont le controversé Khamis Mejri connu par son discours incitant à la haine.
Même pas une semaine avant, le Cheik radical a attiré l’attention de l’opinion publique par son interview accordée à la chaine Ezaytouna dans laquelle il a fait l’apologie de Djihad et d’Al Qaida. Dans ladite interview, Khamis Mejri n’a pas tourné sa langue sept fois dans sa bouche avant de dire « chaque musulman qui veut faire partie de la communauté élue doit être membre d’Al Qaïda ».
Le livre noir
L’ex-président provisoire de la République a publié, par le biais du Département d’Information et de Communication de la présidence un livre intitulé “le système de propagande sous Ben Ali- le livre noir”. Sa parution a suscité une vague d’indignation dans la classe politique, chez les journalistes mais aussi chez plusieurs acteurs de la société civile. Ces derniers ont fermement dénoncé une “instrumentalisation des archives nationales” faisant part de leur crainte de voir les données contenues dans ce livre utilisées dans des règlements de comptes politiques. Dans un communiqué publié le samedi 30 novembre 2013, le Syndicat national des Journalistes tunisiens SNJT a demandé d’associer les structures professionnelles aux processus visant à dévoiler les archives de la dictature et à dénoncer le système de corruption et les corrompus dans le secteur des médias. Le Syndicat de la sécurité républicaine a, à son tour, insisté sur la nécessité de traiter le problème de la corruption liée à l’ancien régime dans le cadre de la Justice transitionnelle. Il est également à noter que le livre consacre 13 pages pour parler du passé militant du l’ex président provisoire le montrant comme l’un des principaux militants à avoir fait face à la dictature.
Ne touche pas au Qatar
Lors de la cérémonie de l’octroi du premier chèque de la récupération de l’argent spolié organisé le 11 avril 2013 au Palais de Carthage, l’ex-président provisoire Moncef Marzouki a indiqué que le Qatar avait pris en charge une partie des dépenses liées à la récupération des ces argents.
Dans son discours, Moncef Marzouki a même menacé tous ceux qui manquent du respect envers le Qatar d’assumer leur responsabilité devant la loi.
Réagissant à ces déclarations, Le président de l’Association tunisienne pour la Transparence Financière (ATTF), Sami Remadi a indiqué sur sa page facebook que le Qatar n’est pas intervenu dans la récupération de l’argent spolié qui était au Liban. Selon lui, la Cour de Cassation libanaise a déclaré qu’aucun somme n’était versé par le Qatar dans cette affaire. Le président de l’ATTF a, dans le même cadre, assuré que l’argent spolié a été récupéré grâce son association, au président de la transparence financière au Liban, à la Banque centrale libano-canadienne, à l’ambassadeur du Liban en Tunisie, ainsi qu’à l’ancien et à l’actuel gouverneur de la Banque centrale de Tunisie.
Nidhal Adhadhi