500 000 morts du Covid-19 aux États-Unis : les raisons d’un bilan si lourd

Le corps d'une victime présumée du Covid-19 dans un crématorium de Millersville, dans le Maryland (États-Unis)

Moins d’un an après le premier mort du Covid-19 aux États-Unis, la première puissance mondiale enregistre le pire bilan de la planète en valeur absolue.
Un bilan pire que trois guerres. Les États-Unis ont franchi la barre des 500 000 morts du Covid-19, soit un demi-million de personnes qui ont succombé, en près d’un an, à la maladie causée par le SARS-CoV-2. C’est le pire bilan de la pandémie en valeur absolue.
« Davantage d’Américains sont morts pendant cette pandémie que lors de la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale et la guerre du Vietnam combinées », a illustré le président américain Joe Biden dans une proclamation, moins d’un an après l’annonce, le 29 février 2020, du premier mort du virus aux États-Unis. Comment la première puissance mondiale économique a-t-elle pu en arriver là ?
Pour le docteur Joseph Masci, qui a combattu toutes les épidémies depuis le sida, aujourd’hui un des responsables de l’hôpital Elmhurst de Queens – au coeur de l’épidémie à New York -, la pandémie de Covid-19 a présenté un élément de surprise sur le continent. Avant elle, les États-Unis observaient les coronavirus « de loin », dit-il. Il y avait eu très peu de cas de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère, un coronavirus détecté en 2002) au Canada. « Et là, soudainement, les États-Unis se retrouvaient à l’épicentre du problème ».
*Action politique désordonnée
La réaction « désordonnée » du gouvernement Trump n’a pas aidé. « Dans un pays comme le nôtre, avec 50 États, une surface immense, un réseau d’hôpitaux largement privés, ça allait être difficile de rassembler tout le monde autour des mêmes stratégies. » « Le fait que les hôpitaux se faisaient concurrence pour obtenir des équipements de protection n’avait aucun sens. Il aurait fallu centraliser ça très vite, et ils ne l’ont pas fait », dit-il.
Pour Joseph Masci, le premier enseignement a été d’apprendre à reconfigurer les hôpitaux pour pouvoir faire face à un afflux soudain de patients. « Nous participons à des exercices de préparation aux catastrophes (…), on a fait beaucoup d’exercices mais on n’en avait jamais fait pour simuler ça – passer soudain de 12 lits de soins intensifs à 150, avec le personnel et les équipements nécessaires. »
Au fil des mois, le groupe d’hôpitaux publics dont Elmhurst fait partie a trouvé des stratégies pour répartir le fardeau entre les onze hôpitaux publics new-yorkais.
*Un déconfinement prématuré
Le 27 mai 2020, la première puissance mondiale franchit la barre des 100 000 morts du coronavirus, selon les chiffres de l’université Johns Hopkins. Alors que les États-Unis enregistrent déjà le plus grand nombre de décès et de contaminations au monde en valeur absolue, le déconfinement est largement engagé dans l’ensemble du pays, sous l’impulsion de Donald Trump, résolu à relancer l’économie. Ces déconfinements, principalement engagés dans des États à majorité républicaine, font grimper les contaminations, et donc le nombre de morts.
Pour le docteur Anthony Fauci, conseiller de Donald Trump sur la gestion de l’épidémie, les raisons de ces chiffres alarmants résident notamment dans un mélange entre des décisions politiques et la réticence d’une partie de la population quant aux recommandations sanitaires. « Ce n’est pas une chose unidimensionnelle. C’est compliqué. Il y a des gouverneurs et des maires qui ont joué le jeu parfaitement (…) Après il y a des moments où, malgré les lignes directrices et les recommandations d’ouverture prudente, certains États les ont ignorées et se sont ouverts trop rapidement », expliquait-il dans une interview au site FiveThirtyEight en juillet dernier.
*Inégalités face à la santé
Plus généralement, dit Michele Halpern, spécialiste des maladies infectieuses dans un hôpital de la banlieue new-yorkaise, « nous devons nous rendre compte que les hôpitaux ont besoin de ressources (…) Il faut investir dans la recherche, mais aussi dans les hôpitaux, les maisons de retraite, il faut avoir suffisamment de personnel, et qu’ils aient les équipements dont ils ont besoin ».
L’épidémie a aussi étalé au grand jour aux États-Unis les inégalités face à la santé, notamment en matière de logement, qui affectent surtout les minorités noire ou hispanique, souligne le Dr Masci. La promiscuité provoquée par des logements trop petits rend difficile le respect des gestes barrière et il faut envisager des manières d’adapter le logement face aux futures épidémies « car il y en aura d’autres », avance-t-il.
*La question (politique) des masques
Pour lui comme pour la docteure Michele Halpern, une autre erreur vient s’ajouter au reste : celle d’avoir laissé le port du masque devenir « une question politique ». Avec ses revirements, son scepticisme affiché sur le virus et les gestes barrière, la gestion par Donald Trump de la crise sanitaire a été vivement critiquée. « Ce n’est pas difficile de porter un masque, on s’habitue. Mais il faut faire comprendre aux gens que c’est important », dit la Dr Halpern.
Avant de faire volte-face en avril, Donald Trump avait affiché son refus de porter cette protection, incitant ses partisans à faire de même. Il était finalement revenu sur ses paroles en demandant aux Américains de porter le masque tout en précisant : « Je ne pense pas que je vais le faire ».
*L’espoir de la vaccination
S’il a été critiqué au lancement de la campagne, le rythme actuel des vaccinations (1,7 million d’injections quotidiennes en moyenne) donne cependant espoir. « Je crois que nous allons nous rapprocher de la normalité d’ici la fin de cette année », a ainsi affirmé vendredi Joe Biden. Plus de 44,1 millions de personnes ont déjà reçu au moins une dose des deux vaccins autorisés aux États-Unis (Pfizer/BioNTech et Moderna), dont 19,4 millions ont eu les deux injections requises.
Selon Joe Biden, 600 millions de doses, de quoi vacciner l’ensemble de la population, seront disponibles d’ici fin juillet. Et les États-Unis pourraient bien avoir un troisième vaccin autorisé d’ici la fin de la semaine, celui de Johnson & Johnson, sur lequel un comité doit rendre un avis consultatif vendredi.
(L’Express, avec AFP)

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