Une campagne qui aura suscité plusieurs interrogations sur la toile tunisienne tout au long de la journée, à l’instar de l’article paru sur le site «dromabuzz» qui posait la question fatidique dans un post intitulé: «Mais quelle est donc cette histoire de 7 et demi ?».
24 heures après le buzz, les photos de profil avaient été changées et le mystère levé. La bande-annonce du documentaire en question avait été postée sur Youtube puis diffusée en «exclusivité» sur Hannibal.
Synopsis:
Tourné entre janvier et octobre 2011, le documentaire de Néjib Belkadhi filme la période post-révolution jusqu’aux élections du 23 octobre.
Une transition politique dans un pays en plein embrasement, un documentaire qui tente de montrer les promesses électorales de l’époque tout en mettant en parallèle (implicitement), l’évolution de la pensée politique aujourd’hui, à quelques jours des élections de 2014. Le «7 novembre» de Ben Ali est de retour et cette fois ça sera pire!
Ce documentaire nous replonge de plein-pied dans cette période décisive précédant les élections du 23 octobre 2011. Une période qui se caractérisait par tant d’espoir dans un avenir moins sombre.
Des moments crus d’Histoire à travers l’œil du réalisateur de Bastardo. Cette Histoire avec un grand “H”. Histoire à la fois de la Tunisie, de notre région et du monde… avec ce que l’on qualifie désormais par le Printemps arabe (en référence aux événements du Printemps des Nations de 1848).
La sortie en septembre 2014 de « 7½ » n’est pas sans provoquer un certain malaise. Le contraste entre les images rapportées par Néjib et ce que nous vivons aujourd’hui à la veille des prochaines élections est, le moins que l’on puisse dire, saisissant pour les uns, irréel pour d’autres et devient carrément cauchemardesque à la lumière des évolutions de 2014.
Le documentaire parcourt l’échiquier politique de cette période charnière -2011- avec ses acteurs et ses courants, et notamment ses promesses non tenues. Si l’auteur, en tournant son documentaire, ne pouvait envisager la situation en 2014 -et qui le pouvait du reste!-, le fait de revivre les premiers huit mois de 2011, à travers la caméra de Néjib, ne fait que contraster davantage avec la situation d’aujourd’hui.
Comment auraient réagi certaines figures du documentaire de Néjib Belkadhi, si celui-ci leur avait posé, en 2011, la question suivante : « imaginez-vous les Zouari, Zneidi, Jgham, Ghariani, etc. revenir discourir sur les médias, y compris publics, pour évoquer leurs projets pour la démocratie tunisienne et pour la consolidation des libertés fondamentales des Tunisiens ?»
Et, pourtant, c’est justement ce qui est en train de se passer. Il ne manque plus que Ben Ali et Leïla pour que toute la famille soit à nouveau réunie !
Les tortionnaires de milliers de Tunisiens ainsi que les assassins de centaines d’autres se promènent encore librement dans les rues ; et les membres des gouvernements RCDistes qui les ont désignés à ces tâches, reviennent pour nous expliquer tout le bien qu’ils envisagent d’accomplir pour le peuple tunisien.
Et de par la loi de la Tunisie post révolution, ces mêmes personnages auront un accès de plein droit aux médias à l’occasion des deux campagnes qui s’annoncent : celle des législatives comme celle de la présidentielle.
Néjib Belkadhi, en nous replongeant dans cette atmosphère avec ses aspirations et ses ambitions déclarées, nous confronte, par voie de conséquence, à ces espoirs déçus et à l’amertume du désenchantement présent.
Pour ne pas être trop négatif, il est vrai que, depuis, du chemin a été accompli. La promulgation de la Constitution en fut le point d’orgue. Mais est-ce assez pour satisfaire cette jeunesse ambitieuse qui s’est mise à tant rêver depuis le 14 janvier 2011 ? Les historiens en jugeront, y compris d’après « 7½ », ce document pour l’Histoire tourné par Belkadhi.
Pourquoi faut-il voir ce film ? En quoi ce film est-il différent des autres films qui ont été tournés en 2011 en pleine effervescence postrévolutionnaire ? Regarder ce film nous met dans une situation d’autodérision d’une situation d’immense ardeur qu’on a vécue après le 14 janvier.
C’est à croire qu’on regardait d’anciennes vidéos nous représentant encore, enfants avec ces airs débiles et dans des situations qui arrachent des rires, à cet adulte qui se découvre en flagrant délit de bêtise. En effet, regarder ce film revient à se placer devant un miroir qui nous renvoie l’image d’un peuple en plein délire politique, qui rêve de démocratie et de liberté politique alors qu’il n’y a aucun parti politique pour transformer les slogans en réalité palpable . Un peuple à qui on tend un miroir pour la première fois de sa vie et qui se demande si c’est bien lui ? Un peuple qui ne se connaît pas. Et c’est une impression qui nous cravache à la fin du film.
«Quelle immense bêtise que ce jeu politique dans lequel nous nous sommes fourrés alors qu’on était plein d’ardeur», serait tentée de dire une personne avertie. L’originalité de «sept et demi» tient surtout dans cet aspect : la force de voir les choses avec recul. Et cela est tramé par une grande maîtrise de l’outil cinématographique. Nous ne pouvons pas ici ne pas parler du montage très bien réussi qui donne au film une vitesse de croisière qui lui évite tout ronronnement. C’est ce qui amène la réponse à la deuxième question : le film est différent des autres films tournés à la même époque parce qu’il nous permet de porter un autre regard sur nous-mêmes grâce à cette distance qu’il prend avec le passé .
«On doit regarder ce film et se souvenir, a déclaré le réalisateur Néjib Belkadhi ; avec ce film, je veux contribuer à la mémoire collective. C’est vrai que le recul m’a permis de découvrir une autre réalité. Avec les centaines d’heures que j’ai mises pour le tournage, le film aurait pu aller dans un autre sens si je l’avais monté aussitôt. C’est un film sociopolitique, mais c’est aussi un film citoyen. Et en tant que citoyen, j’ai voulu suggérer cette idée : ne pas oublier».
Tourné entre la capitale et des bourgades éloignées, le documentaire a décrit la marche délirante des Tunisiens vers les élections du 23 octobre ainsi que la naissance en masse de ces partis qui se préparaient à acquérir le pouvoir en 2011. Les partis les plus en vue y passent : Ettakatol, Ennahdha , le CPR entre autres avec des témoignages presque insolites de Moncef Marzouki ,de Slim Riahi ou de Béji Caïd Essebsi. Mais le documentaire ne se perd pas dans le bouillonnement des partis, il sonde aussi l’esprit des citoyens (avec beaucoup d’humour) qui se préparaient à ce premier rendez-vous avec l’histoire que sont les élections d’octobre 2011. Répondant à la question de savoir pourquoi le titre du film fait référence au chiffre «7», le réalisateur répond que c’est un chiffre qui a marqué les tunisiens «culturellement». Un simple regard sur la scène politique actuelle me donne l’impression que la réalité décrite dans ce documentaire n’a fait qu’empirer…
Farouk Bahri