90% des agriculteurs tunisiens ne font confiance qu’à La Poste, selon IFC

La Banque centrale de Tunisie (BCT) a annoncé, jeudi 17 novembre 2022, le lancement d’une plateforme de paiement électronique en Tunisie, Pay Smart. Cette plateforme est mise en œuvre en collaboration avec IFC et l'agence suédoise de coopération internationale au développement dans le cadre du programme MSME 2.0 du Groupe de la Banque Mondiale. 
Administrée par la société Monétique de Tunisie (SMT), la nouvelle plateforme va permettre aux Tunisiens d’entrer effectivement dans le paiement électronique auprès des différentes administrations via les Smartphones, les cartes bancaires et les transferts. Deux grandes entreprises publiques ont déjà adhéré à cette plateforme. Il s’agit de la Société Tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG) et la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (SONEDE). 

Promouvoir l’inclusion financière innovante
Dans une déclaration aux médias, le gouverneur de la BCT, Marouane El Abassi a insisté sur l’importance de la digitalisation des paiements gouvernementaux et la consécration de la transparence des échanges et du decashing. Cette plateforme permettra en effet de promouvoir l’inclusion financière innovante en Tunisie, modifier le paysage financier à travers le monde et soutenir le développement d’un secteur financier solide et innovant. 
Il a par ailleurs indiqué que malgré un taux de couverture téléphonique supérieur à 125%, 40% seulement des Tunisiens ont eu recours aux moyens de paiement par téléphone. Ainsi, selon ses dires, 85% des agriculteurs utilisent le paiement en espèces, appelant le gouvernement à adopter le paiement numérique dans ses transactions pour encourager les transactions financières électroniques. 
En marge de cet événement, l’IFC a présenté les conclusions d’une étude menée en 2021 et visant à identifier les opportunités de renforcement de l’inclusion financière agricole par le biais de la digitalisation des paiements des chaînes de valeur. L’analyse porte sur trois filières agricoles majeures en Tunisie, à savoir l’huile d’olive, les dattes et les tomates.

Un potentiel de digitalisation
L’enquête menée auprès de 624 agriculteurs tunisiens confirme que le secteur rencontre des défis structurels qui entravent son développement. Ainsi, l’agriculture en Tunisie est caractérisée par une fragmentation des terres, une absence de titres fonciers formels, une forte vulnérabilité aux aléas climatiques, un vieillissement et un manque d’éducation de la population agricole ainsi qu’une prédominance des techniques agricoles traditionnelles. 
L’enquête IFC révèle aussi que les agriculteurs tunisiens ont largement recours au cash et à des sources de financement informelles. Parmi les agriculteurs des trois chaînes de valeur sélectionnées, 96% utilisent de l’espèce dans le cadre de leurs opérations de décaissement et d’encaissement et 60% dépendent de sources informelles pour couvrir leurs besoins en capital. 
L’étude a toutefois relevé un potentiel de digitalisation des paiements des trois chaînes de valeur estimé à environ 3,7 milliards de dinars (1,2 milliard de dollars), un besoin de financement de fonds de roulement des agriculteurs évalué à 810 millions de dinars (250 millions de dollars), et une demande de financement des investissements à long terme des agriculteurs de 5,7 milliards de dinars (1,8 milliard de dollars). 
Au-delà de l’accès aux comptes, le rapport de l’IFC a noté que ces opportunités permettraient d’accroître l’inclusion financière parmi les agriculteurs grâce à la digitalisation des données agricoles et des différents rapports d'activité. « L’accès numérisé à ces éléments permettra d’évaluer le risque de crédit, facilitant ainsi le financement formel du secteur. La conjugaison des technologies digitales et des modèles de partenariat innovants représente une opportunité certaine pour les acteurs financiers et agroalimentaires, les agriculteurs tunisiens et les petites et moyennes exploitations agricoles », indique le rapport.  

Confiance en la Poste
Les agriculteurs ont en outre exprimé un manque de confiance vis-à-vis des institutions financières. Seule La Poste bénéficie d’un degré de confiance jugé satisfaisant parmi les agriculteurs, à 90%. Le niveau de confiance exprimé envers les autres institutions financières est d'environ 50%, voire à un niveau inférieur. Les agriculteurs avancent de nombreuses raisons pour justifier cette situation, notamment l’opacité et la complexité perçues des procédures (47%) et les coûts/taux d’intérêt jugés très élevés (44%).
Le rapport révélé aussi un potentiel de digitalisation des paiements de 3,7 milliards de dinars (1,2 milliard de dollars). Le potentiel concerne les décaissements liés à l’approvisionnement en intrants agricoles et au paiement de la main-d’œuvre ainsi que les encaissements reçus au niveau des agriculteurs de la part des entreprises agroalimentaires et des autres acteurs. 
Les agriculteurs tunisiens ont également exprimé un intérêt certain et une volonté d’utiliser les solutions digitales innovantes. Selon les conclusions de l’enquête IFC, 60% des agriculteurs sont intéressés par des solutions digitales leur permettant d’optimiser la gestion de leur approvisionnement en intrants, de leurs cultures, de la commercialisation de leurs produits et plus particulièrement des ressources en eau. 
De plus, près de la moitié des agriculteurs des trois chaînes de valeur sondés (47%) ont manifesté leur intérêt pour des moyens de paiement digitaux, reconnaissant leur valeur ajoutée dans la facilitation des procédures de paiement et la réduction des risques liés à la manipulation du cash.   
Selon les résultats de l’enquête, 9% des agriculteurs avaient effectivement effectué une demande de crédit qui a été rejetée, alors que 45% n’avaient jamais demandé de crédit auprès d’une institution financière formelle en dépit de leurs besoins de financement. 

Khadija Taboubi
 

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