Trente cinq années après son déclenchement, l’affaire de la Banque franco-tunisienne (BFT) s’invite encore dans le débat public. Et pour cause !
Pour une fois, et ce n’est pas coutume, on reconnaît du côté du gouvernement, l’impact de cette affaire sur les finances publiques, même si c’est fait par des mots voilés.
Mabrouk Kourchid vient d’avouer que cette affaire « menace nos finances publiques du fait que si le jugement est prononcé, il fera assumer la responsabilité à l’Etat depuis 1989 ».
Il faut souligner ici que cette responsabilité a été engagée par le tribunal arbitral international depuis 1982 et non pas 1989 et non pas suite à l’amnistie générale mais en se basant sur les faits illicites depuis 1982.
Il faut rappeler que Réalités a, à plusieurs reprises, traité de cette affaire et attiré l’attention sur ses retombées sur l’économie du pays et son image.
Aujourd’hui, on est face à une amère réalité et malgré cela, on n’ose pas dévoiler les dessous de cette question qui constitue une grosse affaire de corruption, sinon la plus grande, que la Tunisie ait jamais connue. Retour sur une affaire à nulle autre pareille et sur les raisons, ou pour être plus précis, les violations à l’origine de la condamnation de la Tunisie.
Et le ciel nous tomba sur la tête !
C’est en ces termes que l’on avait titré notre article relatif à la décision du CIRDI.
En effet, tard dans la nuit du 17 juillet, le tribunal arbitral international de la Banque mondiale rendait son verdict dans l’affaire opposant l’Etat tunisien au groupe londonien ABCI à propos de la propriété de la BFT.
Le CIRDI avait décidé que l’Etat tunisien était coupable de l’expropriation de l’investissement d’ABCI en Tunisie dans la BFT et que cette expropriation avait été maquillée sous la forme d’un règlement amiable, conclu sous la contrainte, à l’encontre de Majid Bouden, alors président d’ABCI. De fait, l’Etat tunisien s’était rendu, à travers cette expropriation, coupable de violation du droit de propriété d’ABCI sur la Banque franco-tunisienne (BFT), qu’elle avait achetée en 1983 mais empêchée d’en prendre possession par l’Etat tunisien.
Il s’agira, désormais, d’un déni de justice et l’Etat tunisien est coupable, non seulement de violation des droits de propriété d’ABCI, mais également, de violation de l›ordre public international, ce qui, en soi, n’est pas une mince affaire.
Par conséquent, et suite à cette décision, l’Etat tunisien doit réparer les préjudices occasionnés par cette expropriation et les violations de ses obligations internationales. La facture va être lourde, voire très lourde.
Tout cela a été dit, et redit sauf que, et jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement semble ne pas vouloir publier le contenu de ce jugement et éclairer l’opinion publique pour faire taire les rumeurs et autres supputations qui tournent autour de cette affaire.
Il n’y a plus rien à cacher surtout que le CIRDI, face au refus des représentants tunisiens de prendre part à l’établissement d’un calendrier pour le règlement définitif de cette affaire – ils pensaient que rien ne pressait et que cela pouvait attendre – a établi ce calendrier stipulant que toute la procédure de clôture de ce dossier prendrait fin en 2018.
Et cela, tout le monde le sait, y compris l’actuel ministre des Finances qui en avait été informé alors qu’il dirigeait le cabinet du Chef du gouvernement. Et il n’est pas le seul. Toutes les parties concernées le sont également.
En fait, la décision du tribunal arbitral international condamnant la Tunisie, se basait sur un certain nombre de violations dont essentiellement trois, sur lesquelles on va revenir en détail, pour éclairer l’opinion publique en nous basant sur des informations fournies par des sources proches de ce dossier en Tunisie.
En fait, l’Etat tunisien a été reconnu responsable entre autres de trois violations fondamentales :
* Expropriation illicite.
* Atteinte au principe de traitement juste et équitable en droit international.
* Déni de justice.
Une expropriation sous contrainte
L’Etat tunisien a été reconnu, comme souligné ci-haut, coupable de l’expropriation de l’investissement d’ABCI en Tunisie dans la BFT.
Il faut préciser que l’Etat a le pouvoir de procéder à une expropriation en respectant certaines conditions, essentiellement pour motif d’intérêt général, en suivant une procédure légale et en indemnisant d’une façon juste, équitable et prompte, l’exproprié, dans le cas d’espèce, l’investisseur ABCI.
Aucune de ces conditions n’a été respectée et au lieu de se contenter de cette expropriation, il a utilisé la contrainte d’Etat contre le président d’ABCI à l’époque, Majid Bouden, ce qui est une violation de l’ordre public international.
Cette contrainte a été exercée au plus haut niveau par les mesures d’interdiction de quitter le territoire, de poursuites pénales et de condamnations orchestrées contre Majid Bouden, ainsi que de blocage des fonds d’investissements d’ABCI en laissant à son président juste dix dinars en poche.
Il faut rappeler que 2,5 millions de dollars US avaient été bloqués et transférés en exécution d’un accord entre ABCI et l’Etat tunisien représenté par feu Nouri Zorgati, ministre des Finances à l’époque, Ismaïl Khelil, gouverneur de la BCT et son vice-gouverneur Béji Hamda, Mohamed Bouaouaja, PDG de la STB et Mahmoud Ben Tekaya, chef du contentieux de l’Etat.
L’accord portait sur la vente des actions minoritaires de la STB dans le capital de la BFT à ABCI. Sauf qu’au lieu d’exécuter cet accord, l’Etat a placé Taoufik Belhaj directeur du contentieux à la BCT en qualité d’administrateur judiciaire de la BFT suite à l’interdiction de la tenue de l’assemblée générale de la banque.
Taoufik Belhaj déclenchera, en sa nouvelle qualité, une série de plaintes groupées déposées par Mourad Guellati, commissaire au compte de la BFT, Mohamed Bouaouaja, PDG de la STB, Ismail Khelil gouverneur de la BCT, Nouri Zorgati, ministre des Finances, Mahmoud Ben Tekaya, chef du contentieux de l’Etat, Hédi Baccouche, premier ministre et Zine El Abidine Ben Ali, président de la République. Ces plaintes considéraient le recours fait par Majid Bouden au nom d’ABCI à l’arbitrage international comme une infraction de change et un abus de bien au détriment de la BFT. Pour sa part, Majid Bouden, président d’ABCI, a été considéré comme fonctionnaire de l’Etat et condamnation pénale a été rapidement prononcée à son encontre.
Se prévalant de tous ces éléments de coercition, l’Etat a mis sur la table un ensemble de contrats à signer dans les conditions de contrainte majeure. Ces contrats portaient sur :
Primo : Bouden devait reconnaître que l’agrément d’investissement d’ABCI, signé par Mansour Moalla le 23 avril 1982, n’était pas valable.
Par conséquent, le recours à l’arbitrage international était une infraction de change et la sentence arbitrale de la chambre de commerce international à Paris (CCI), a constitué un préjudice à l’Etat que Bouden devait réparer par l’abandon de la sentence arbitrale de la CCI d’un montant de 3,360 millions de dollars US.
L’Etat verserait en contrepartie, par la STB, la somme de 1MDT à ABCI pour toute réclamation du gel de ses avoirs en 1982 sur un compte ouvert à la BFT. Cette somme n’a jamais été remise à ABCI.
Secundo : Bouden devait reconnaître que la situation de la BFT était détériorée à cause de lui, soit qu’il devait s’accuser de mauvaise gestion et que, par conséquent il devait verser à la BFT la somme de 2 millions 125 mille dinars en réparation de cette prétendue mauvaise gestion.
Tertio : Bouden était tenu de reconnaître que cette somme correspondait au prix de l’investissement initial dont le montant devait être payé à la STB par la cession, gratuitement à la STB, des actions que détenait ABCI à la BFT.
La facture sera lourde
De ce fait, l’Etat, à l’origine du préjudice, est devenu soudainement, victime d’un préjudice imaginaire qu’ABCI devait réparer en cédant gratuitement tout son investissement et tous ses biens à la STB au profit de l’Etat.
La décision du CIRDI, le 17 juillet 2017, a jugé que le groupe de contrats avait été obtenu par la contrainte, en violation du droit international et de l’ordre public international, qu’il est, de ce fait, d’une nullité absolue et que le transfert du montant d’investissement d’ABCI – vente déguisée – constituait une expropriation illicite. La partie tunisienne doit, par conséquent, réparer le préjudice causé selon les normes du droit international. Ce qui signifie que les accords de 1989 sont déclarés inexistants et ABCI est reconnue en tant que propriétaire légitime du bloc majoritaire de la BFT et que la détention de la BFT par la STB depuis 1989 – 28 ans – est illégale.
L’abandon forcé de la sentence arbitrale de la CCI à Paris est déclarée nulle. Cette sentence est devenue exécutoire. L’infraction de change et la prétendue mauvaise gestion se sont avérées, selon le CIRDI, une machination et l’Etat a désormais obligation de payer réparation à ABCI selon les termes du droit international et cela au titre de l’expropriation illicite. Plus encore, la STB a obligation de restituer la BFT à ABCI.
Aujourd’hui, une véritable bataille rangée entre la BCT, la STB et le ministère des Finances autour des conséquences de la décision du CIRDI, a éclaté. Ce qui est certain, c’est que l’Etat va payer une lourde facture.
Mabrouk Kourchid l’a finalement reconnu devant la commission des Finances de l’ARP sans vouloir donner de précisions sur le montant des réparations, se contentant de dire que les demandes sont très importantes. Comprendre lourdes, voire très lourdes.
Violation d’un principe du droit international.
Il faut savoir que le droit international a, depuis des siècles, édicté un principe de standard minimum sur la base duquel on doit traiter les investisseurs, notamment étrangers. Ce principe impose à tout Etat l’obligation de protéger l’investisseur et son investissement. Cette protection se traduit par l’obligation pour l’Etat de se comporter de façon loyale, de bonne foi et en toute transparence, en écartant tout abus et ceci couvre tous les actes de l’Etat, que ce soit les actes exécutifs du gouvernement et de son administration, les actes du parlement, y compris les lois et les règlements discriminatoires ou violant les droits acquis, ou les jugements des organes judiciaires, y compris le parquet, les juges d’instruction, les tribunaux jusqu’à la cassation, ainsi que l’ensemble de l’Etat avec tous ses organes et filiales.
Dans le cas d’espèce, ces actes ont été déclarés par le tribunal arbitral international comme étant les actes de l’Etat selon le droit international. Ceci a englobé tous les actes de la présidence de la République, du premier ministre de l’époque et des Chefs du gouvernement, de l’Assemblée nationale, de la BCT, des ministères des Finances, de la Justice, de l’Intérieur, des Investissements et des Domaines de l’Etat et du chef du contentieux de l’Etat, ainsi que du ministère des Affaires étrangères.
Cela englobe, ensuite, les organes judiciaires, notamment les tribunaux, les parquets et les juges d’instruction, ainsi que les sociétés publiques, la STB et la BFT, et les personnes agissant sur instruction de l’Etat, notamment l’administration judiciaire. Du beau monde dont tous les actes ont été attribués à l’Etat.
En fait, même si l’Etat se comporte mal avec ses citoyens, il n’a pas le droit de le faire avec les investisseurs étrangers. Tel est le principe du standard minimum édicté par le droit international.
Et la violation du principe de traitement juste et équitable en droit international que l’Etat a commise, se résume dans le fait que :
* L’Etat n’a pas respecté le contrat d’investissement et bloqué cet investissement depuis 1982 à ce jour ( soit depuis 35 ans) en prétendant, a posteriori, que l’agrément qu’il avait octroyé n’était pas définitif. Cette position est adoptée par l’Etat jusqu’à nos jours.
* L’Etat a interféré dans les droits de propriété de la BFT et a géré la banque. Cela a duré de 1982 à 1989, date de son expropriation. Cela s’est poursuivi à travers l’empêchement de la tenue de l’AG de la BFT et l’exclusion d’ABCI, actionnaire majoritaire de cette AG.
Mansour Moalla avait décidé que les provisions pour créances douteuses soient transférées gratuitement à la STB au détriment de la BFT. Il a également ordonné le transfert des réserves de la BFT à la STB gratuitement également. Plus encore, il a divisé le capital d’actions en changeant sa nature en actions A, avec un plein pouvoir de gestion réservé aux seuls Tunisiens et particulièrement la STB, et en actions B aux étrangers sans aucun pouvoir de gestion à ABCI qui, tout en étant majoritaire, n’avait aucun pouvoir à la BFT.
* L’Etat a empêché ABCI d’exercer son droit de gestionnaire de 1982 à 1989.
Bien qu’en 1984, l’Etat avait restitué à ABCI ses actions et la présidence du Conseil d’administration de la BFT en 1987, il ne lui a pas laissé l’occasion de diriger la banque et refusé de réparer les préjudices, le privant par conséquent, des droits de gestion. La BFT était interdite d’ouvrir des agences et de s’ouvrir sur l’étranger pour ne pas concurrencer la STB.
* L’Etat a transféré les créances non recouvrables de la STB à la BFT qui s’est retrouvée avec des créances carbonisées d’un montant de 17,5 millions de dinars, soit plus de trois fois son capital.
Cette somme ajoutée aux sommes prélevées par la STB en 1982, représente environ 20MD, ce qui équivaut au capital de la STB à l’époque.
En 1989, on passe à l’utilisation de la contrainte, violation suprême du traitement juste et équitable et violation de l’ordre public international, (expropriation, jugements et condamnation). Ce côté vindicatif fait que l’Etat, en raison de toutes ces violations au principe du droit international, doit payer, et chèrement. La protection de l’investisseur étranger était défaillante et ce droit de protection continue toujours jusqu’au règlement final.
Aussi, toutes les entourloupettes que l’on observe aujourd’hui, ne font qu’alourdir la facture. L’Etat étant toujours responsable de la protection de l’investisseur (ABCI), son personnel et les personnes liées, y compris Magid Bouden, jusqu’au règlement définitif de l’affaire.
Interdiction et chasse à l’homme
Pour rappel, ce dernier a fait l’objet d’une interdiction de quitter le territoire jusqu’en 1992, date de sa fuite vers l’étranger. Durant cette période, il se considérait en captivité.
L’Etat a engagé des procédures pour son extradition et une chasse à l’homme dans le monde entier s’est poursuivie pendant 26 ans. Sauf que, tous les pays avaient refusé de répondre aux demandes tunisiennes.
En 2011 et avec l’avènement de la Révolution et vu le climat de l’époque, une tentative de règlement amiable a été engagée suite à la décision du CIRDI concernant sa compétence avec une proposition d’annulation et de révision des condamnations. Cette procédure engagée par Béji Caïd Essebsi a été, semble-t-il, bloquée par Ridha Belhaj, Lazhar Karoui Chebbi et les hommes d’affaires qui avaient bénéficié de crédits non remboursés.
Avec l’avènement de la Troïka, c’est Noureddine Bhiri qui interfère avec l’objectif de faire de la BFT une banque islamique.
Sauf qu’à la faveur du contexte de l’époque, de liberté et d’indépendance de la justice, la Cour de Cassation a annulé les condamnations pénales maintenues pendant 25 ans.
La Troïka bloquera la mise en œuvre de cette décision pendant environ six mois, jusqu’à mars 2013. En avril de la même année, le gouvernement engagea une procédure pénale qui court encore à ce jour, maintenue par tous les Chefs du gouvernement qui se sont succédé depuis.
Résultat de toutes ces violations, la STB a profité d’un enrichissement sans cause et exploité une banque qui ne lui appartient pas. Cet état de fait a empêché la BFT, en raison d’une mauvaise gestion, de se développer à l’instar des autres banques.
La STB, tout en sachant que la BFT ne lui appartenait pas, l’a utilisée comme un tiroir caisse pour les copains.
Déni de justice
Le déni de justice, c’est le système mis en place par l’Etat à travers ses organes exécutif, législatif et judiciaire, afin de s’assurer de ne pas permettre de restituer le droit à ses titulaires et de ne pas leur rendre justice.
C’est ce qui fait que, dans son jugement, le CIRDI considère que l’Etat tunisien a commis un déni de justice contre ABCI et ses représentants, particulièrement son président, Majid Bouden, et leur a causé des dommages qui nécessitent réparation.
L’Etat est reconnu responsable du fait d’avoir renié l’agrément alors qu’il savait qu’il était définitif. La BCT avait voulu requalifier l’agrément d’investissement en l’absence d’autorisation de change, alors qu’elle en avait livré un le 2 juillet 1982 et que l’agrément du 23 avril 1982 incluait l’autorisation de change.
L’Etat est reconnu responsable d’avoir chargé l’investisseur pour permettre des poursuites pénales contre ABCI et d’avoir interprété l’abrogation du code des investissements comme étant un acte portant annulation des droits acquis d’ABCI et notamment son droit de recourir à l’arbitrage international et à la protection du droit international.
Il est, également, responsable d’avoir organisé par ses tribunaux, l’impossibilité pour ABCI et son président d’alors, de faire prévaloir leur droit et de les avoir empêchés pendant longtemps d’avoir recours aux juridictions compétentes.
Autre responsabilité reconnue, celle d’avoir manipulé l’action publique sur instruction du gouvernement dans le cadre de la corruption politique, ce qui a menacé l’économie du pays.
Pour le CIRDI, le déni de justice existe et cela sans prendre en considération l’avis de la Cour de Cassation qui a été une admission de fait a posteriori. Ce déni de justice continue depuis 1982 à ce jour alors qu’il a été notifié au gouvernement que la responsabilité internationale de l’Etat est engagée et qu’il a obligation de réparation. Ce qui est inexplicable dans l’attitude des autorités, alors qu’elles en ont conscience, c’est que plus le déni continue, plus la réparation est lourde.
Qu’attend-on ? Cela mérite réponse.
Faouzi Bouzaiene
Réparations: Lourde sera la facture !
Le tribunal arbitral ayant décidé de ne pas aller au-delà de 2018 pour clore définitivement cette affaire, le compte à rebours a commencé.
Sauf que les deux parties, ABCI et l’Etat tunisien, ont été invitées par le CIRDI à désigner d’un commun accord 2 experts pour rapprocher les points de vue et la partie tunisienne, par l’intermédiaire de son cabinet d’avocats, a notifié son refus de cette démarche, pour que chaque partie nomme ses propres experts et le CIRDI en nommera plus tard un pour l’assister.
On se tire dans le pied et on s’interroge ensuite sur l’origine du mal. Ce sera comme pour le calendrier que le CIRDI a imposé aux deux parties, face à l’absence de proposition tunisienne.
La réparation décidée dans son principe, portera sur le préjudice causé en conséquence, des trois violations développées dans notre article.
La réparation en droit international est fondée sur une réparation intégrale. Cela veut dire que l’Etat doit remettre ABCI dans la situation qui aurait pu être la sienne s’il n’avait pas procédé aux violations de son droit de propriété exproprié de manière illégale, au droit à une justice équitable et au déni de justice.
Aujourd’hui, cette affaire a évolué d’une manière qui pousse à certaines interrogations. Qu’attend-on pour prendre les bonnes décisions ?
Et c’est justement pour cela que la question est de savoir pourquoi la classe politique toutes tendances confondues, la société civile et les organisations patronales, syndicales et celles traitant des droits de l’homme, ne se sont jamais saisies de cette affaire.
Pourquoi l’Etat a-t-il organisé cette omerta et n’a-t-il pas cherché à régler ce problème et en limiter les dégâts ?
La réponse toute trouvée est simple : c’est la puissance des lobbies des débiteurs de l’Etat, sa passivité et sa connivence avec ses propres débiteurs qui avaient profité de crédits sans garanties en arrosant tout le monde avec l’assurance qu’ils ne les rembourseraient pas.
L’Etat doit rapidement tirer les conclusions de la décision du CIRDI et éviter que son image ne se dégrade encore plus à cause de cette affaire.
Dans ce sens, il doit donner des garanties à la communauté internationale et respecter une décision du tribunal arbitral international et revenir au principe d’Etat de droit. Faute de quoi, c’est la note souveraine de la Tunisie qui va en pâtir et les agences de rating vont la dégrader encore plus, ce qui engendrera un coût élevé des crédits et emprunts que le pays sollicitera.
Aujourd’hui, l’opportunité d’une nouvelle approche se présente d’autant que la condamnation est là et l’Etat sait qu’il doit payer. L’intérêt général du pays lui commande d’approcher l’investisseur et de trouver une solution pour sauver les meubles. Ce qui devrait amener ce dernier à réinvestir une partie des dédommagements en Tunisie. Mais cela ne sera possible qu’en offrant les garanties nécessaires que les violations ne se répèteront plus. Cela nécessite du coup beaucoup de courage, politique surtout, mais cela est vital.
Une nouvelle page doit s’ouvrir et portera sur une forme de partenariat entre l’Etat et ABCI dont l’objectif serait de créer un groupe bancaire international à partir de la BFT, dont la propriété lui a été reconnue par le CIRDI, ce qui est à même de panser les blessures de 35 ans de procédures judiciaires et de conflits.
Pour ce faire, il faudra que la STB restitue la BFT à ABCI en exécution de la décision du CIRDI. L’Etat, pour sa part, se doit de proposer une compensation à l’investisseur étranger à travers des négociations de manière à peser le moins possible sur les finances publiques par ces temps de vaches maigres.
Ceci, nous semble-t-il, est possible en recouvrant les crédits des lobbies des débiteurs au profit des caisses de l’Etat pour pouvoir payer le créancier d’ABCI et de compenser en partie une indemnisation en nature, notamment par des participations étatiques dans certaines banques publiques en difficultés dont on peut citer la TF Bank à Paris, la Sany Bank au Niger, la BHC à Abidjan en Côte d’Ivoire, la BTL et ce, en partenariat avec l’investisseur étranger , ABCI. Cette solution a été déjà proposée à l’investisseur en 2011 par le gouvernement Béji Caïd Essebsi.
Il faut donc que l’Etat parvienne à se soustraire du joug des lobbies de ses débiteurs.
Mettre en œuvre la décision du CIRDI, c’est se mettre sur la voie de la raison et se conformer au droit international, une chose vitale pour l’image de la Tunisie.
La solution est là.
F.B