L’indispensable rééquilibrage régional
L’engagement du pays dans la voie d’un véritable développement régional exige une réelle décentralisation économique régionale avec des Conseils régionaux et des gouverneurs démocratiquement élus. Personne d’autre que les intéressés, eux-mêmes, ne peut faire le meilleur choix des priorités de chaque région et des voies et moyens de les réaliser.
Les inégalités régionales étant à l’origine de la Révolution, le développement régional a été déclaré en fanfare au lendemain de la chute de l’ancien régime comme la priorité nationale absolue. Cependant trois ans après la Révolution, les régions défavorisées souffrent de plus en plus du chômage, de l’insécurité, de l’érosion du pouvoir d’achat et de la détérioration des conditions de vie. La priorité devenue d’ordre dogmatique, l’objectif a consisté à imposer au pays un modèle de société étranger à ses valeurs, à ses traditions de tolérance et d’ouverture et à son attachement irréversible aux libertés, aux droits et au progrès. Le rééquilibrage régional demeure une priorité absolue et il exige la mise en œuvre d’un programme d’infrastructures régionales ambitieux.
Ce programme d’infrastructures doit permettre de décloisonner les différentes régions, de préparer, d’accompagner et d’appuyer leur développement. Il doit mettre à portée, des régions de l’intérieur du pays, les ports et les aéroports du littoral par la réalisation de réseaux de connexion ferroviaires et routiers. Ce programme doit concerner aussi bien l’infrastructure économique que l’infrastructure agricole, sociale culturelle et sportive. La mise en œuvre d’un tel programme doit transformer le pays en un immense chantier.
Les investissements dans l’infrastructure sont lourds et à rentabilité largement différée. Ils doivent relever pour l’essentiel de financements extérieurs à des conditions très favorables. Ils constituent, d’ailleurs, l’opportunité adéquate et probablement la seule apte à mobiliser les promesses financières du G8. Ce groupe de pays n’étant pas une institution, ses déclarations n’engagent que ses membres. Les contacts doivent donc être engagés, pays par pays, sur la base d’une liste de projets d’infrastructure pour financer les études et leur réalisation.
La relance des investissements
L’accélération de la croissance nécessite un rythme d’investissement élevé. À cet effet, outre les préalables sécuritaires et de visibilité, il importe de disposer d’un code des investissements qui vise la mise en valeur des éléments constitutifs de l’attractivité du pays pour les investisseurs de l’intérieur et de l’extérieur. Certes, la Tunisie ne manque pas d’atouts. Il s’agit d’abord des conditions climatiques plutôt favorables qui font qu’il y fait bon vivre. Il s’agit ensuite de sa position géographique qui en fait un carrefour stratégique entre l’Europe, le bassin méditerranéen, l’Afrique et le Moyen Orient, berceaux de grandes démocraties et de prestigieuses civilisations. Il s’agit ensuite de l’atout humain. En effet, l’option prise depuis l’Indépendance pour un enseignement de masse, a conduit à l’émergence d’une élite nombreuse, compétente et efficace qui a permis au pays d’avoir des fondamentaux solides et de résister aux errements de ses dirigeants politiques.
La qualité du Code des investissements dépend aussi bien de la forme que du fond. Sur le plan de la forme, c’est l’unicité. Le code doit traiter de l’ensemble des conditions et des avantages concernant tous les secteurs d’activité et éviter l’éparpillement entre divers textes législatifs et réglementaires qui doivent, le cas échéant, constituer des annexes au Code. L’unicité doit concerner aussi le lieu géographique de l’accomplissement de toutes les démarches administratives de l’investisseur par la mise en place d’un véritable guichet unique. Des progrès ont été réalisés dans ce sens depuis des années, mais la résistance des administrations jalouses de leurs prérogatives ont empêché d’atteindre pleinement l’objectif recherché. Sur le fond, la qualité du Code des investissements tient à sa capacité à orienter les investisseurs vers les priorités économiques et sociales du pays. Ces priorités concernent le développement régional, l’emploi et la promotion des exportations en vue de pallier respectivement au déséquilibre régional, au chômage et au déficit courant extérieur.
L’échec retentissant par le passé en matière de développement régional, montre l’inefficacité des prétendues incitations par l’exonération des bénéfices réinvestis. Ces procédés ne font qu’exacerber la tendance à échapper au devoir fiscal et privent l’État de ressources qui seraient plus utilement utilisées pour soutenir directement les investissements dans les régions prioritaires et financer les infrastructures indispensables à leur implantation.
L’Administration au service du développement
L’Administration a constitué la colonne vertébrale du pays depuis l’Indépendance. Pléthorique, interventionniste et dans plusieurs domaines, corrompue, elle devient un frein au développement. Les mesures à prendre doivent tendre vers la neutralité, l’efficacité et la démocratisation de l’administration afin de la remettre dans son rôle au service du développement. La neutralité des fonctionnaires par rapport aux tendances partisanes est un impératif résultant de l’obligation de réserve et de la référence à la seule compétence. Le nombre impressionnant d’autorisations préalables est à l’origine de la corruption et provoque le ralentissement de l’activité et la réduction de l’efficacité des prestations administratives. À cet effet, il importe de supprimer les autorisations préalables et de les remplacer par un dépôt d’une déclaration préalable sur la base d’un cahier des charges. La décentralisation des actes administratifs permettra d’améliorer leur accomplissement par l’introduction d’une dose de compétition entre les régions.
La démocratisation de l’Administration nécessite le recours à la concertation avec les partenaires politiques, économiques et sociaux dans tous les domaines au sein de commissions ad hoc et la consultation systématique du Conseil économique et social. La démocratisation exige aussi le retour à l’élaboration du Budget économique et social annuel et à la planification à moyen et long terme, seuls garants de la cohérence et de la crédibilité des projections.
Le secteur bancaire, malade des banques publiques
Le secteur bancaire sort très affaibli des années de corruption. Il a besoin d’une triple opération d’assainissement, de restructuration et de diversification. La conduite de ces opérations relève de la Banque centrale qui veille à la bonne santé du système financier. Elle doit à cet effet prendre l’initiative du redressement de toute institution financière en relation avec les actionnaires. En ce qui concerne les banques publiques, il y a lieu de ne pas refaire l’erreur de la fusion qui perturbe le fonctionnement de chaque institution et coûte un prix élevé en perte de temps et de moyens pour la collectivité. L’urgence consiste dans un premier temps à créer un holding qui regroupe l’ensemble des institutions financières publiques avec le maintien de la personnalité de chaque entité et d’étudier dans un deuxième temps la meilleure solution pour chaque unité. Les solutions peuvent être la recapitalisation pour les unes, la recherche d’un actionnaire de référence pour d’autres, la privatisation pour certaines.
Par ailleurs, la diversification doit concerner notamment l’introduction de nouvelles modalités de financement tels que, la titrisation ou le financement par achat et revente pour compte de tiers. Ce financement peut convenir aux personnes allergiques aux prêts avec intérêt. À cet effet, les opérations d’achat et de revente par les banques doivent être exonérées des droits de mutation pour ne pas surcharger le coût de ce mode de financement.
Le système financier qui englobe le secteur bancaire et para-bancaire, le marché financier et le secteur des assurances, mérite une attention particulière. Chacun de ces secteurs est régi par un ensemble de réglementations et de normes techniques et prudentielles sous la supervision et le contrôle respectifs de la Banque centrale, du Conseil du marché financier et du Conseil supérieur des assurances. Le système financier étant un domaine de gestion technique, ne doit pas relever des autorités politiques. De ce fait, les autorités de supervision et de contrôle du système financier, doivent disposer de l’autonomie de gestion.
Par ailleurs, la multiplication des institutions de supervision du système financier, peut se justifier en ce qui concerne le contrôle des aspects qualitatifs des différentes activités financières compte tenu, des spécificités propres à chaque activité, spécificités qui exigent de la part des contrôleurs des qualifications totalement différentes. Cependant le contrôle des aspects quantitatifs est indivisible et exige l’intervention d’un seul superviseur qui doit centraliser toutes les données financières soumises au recoupement et au contrôle. À cet effet la Banque centrale est l’institution la mieux armée pour assurer cette tâche, compte tenu de son rôle dans la stabilité monétaire, bancaire et financière. Une telle coordination aurait permis d’éviter l’escroquerie opérée en 2013 par une institution de placement de l’épargne au dépend des citoyens.
( À suivre )