La visite du Premier ministre portugais dans notre pays il y a quelques jours, n’a malheureusement pas retenu l’attention des observateurs et des experts économiques de notre pays, eu égard à l’expérience de sortie de crise que ce pays est en train de vivre depuis deux années. Cette visite aurait dû nous donner l’opportunité d’avoir un vrai débat sur les politiques économiques mises en place au Portugal pour échapper à la faillite économique annoncée, afin de tirer de l’expérience portugaise, les expériences pour sortir de la crise que nous traversons depuis quelques années.
Rappelons que le Portugal a connu la crise économique la plus grave de son histoire depuis la Révolution des œillets après la grande déroute financière internationale de 2008 et 2009. Le Portugal n’était pas le seul dans cette situation, mais beaucoup d’autres pays européens dont l’Espagne, la Grèce, l’Italie, l’Irlande et même la France, ont connu une importante crise des finances publiques, suite à l’appui que les différents gouvernements ont apporté aux différents plans de relance économique mais également pour la consolidation des banques en difficultés suite à la crise des subprimes. Parallèlement aux effets économiques, cette crise a été à l’origine d’une instabilité politique majeure avec des changements de majorité, de l’émergence et du renforcement des partis et des forces populistes qui ont laminé les forces politiques traditionnelles, incapables de trouver des réponses à la crise. Et le Portugal, parallèlement à la déroute économique, n’a pas échappé à cette instabilité politique et à une valse des majorités politiques.
Or, contrairement aux autres pays européens qui ne cessent de s’enliser dans la crise économique et l’instabilité politique, le Portugal est en train de retrouver un dynamisme économique qui lui permet de devenir un exemple dont beaucoup d’experts et de pays cherchent à déchiffrer les secrets et surtout à retenir les leçons. Plusieurs indicateurs sont significatifs de cette sortie de crise et le premier est le retour à la croissance à partir de 2015, après une forte récession au lendemain de la crise de 2009. Ce retour à la croissance a eu des effets importants sur l’emploi et a entraîné une baisse importante du chômage. Il a été porté par une forte amélioration de l’investissement privé national et international. De plus, la progression rapide des exportations a également joué un rôle important dans le retour de la croissance.
Ce retour a eu des effets sur les grands équilibres macroéconomiques de l’économie portugaise. Ainsi, ce pays a été en mesure d’absorber son déficit budgétaire en quelques années. Par ailleurs, l’économie portugaise a dégagé un excédent commercial important.
La question qui se pose aujourd’hui est de connaître les secrets de cette « insolente » santé de l’économie portugaise dans un contexte marqué par l’enlisement de certains pays européens dont la Grèce et la fragilité de la croissance dans les autres pays. Sommes-nous en présence de causes cycliques ou conjoncturelles qui ont entraîné dans leur sillage la situation économique portugaise et expliquent cette effervescence de l’économie, au moment où d’autres économies sont encore en pleine convalescence ? Parmi ces facteurs conjoncturels, on peut citer la reprise du commerce international ou le retour de la croissance dans la zone euro. On peut également mentionner parmi ces facteurs conjoncturels les politiques monétaires expansionnistes. Ou sommes-nous au contraire en présence de causes structurelles notamment l’amélioration de la productivité, le renforcement de la compétitivité ou l’amélioration de la spécialisation et de l’insertion internationale du Portugal ?
Ces questionnements ont fait l’objet de plusieurs études et d’articles de la part des centres de recherche ou d’institutions internationales. Une étude récente de la banque d’affaires Natixis, a montré que les facteurs conjoncturels ou cycliques ont peu joué dans cette sortie de crise. En effet, ce sont quelques facteurs structurels qui ont pesé dans ce printemps économique portugais et particulièrement la relance de l’investissement, l’amélioration de la compétitivité-coût et une fiscalité beaucoup plus avantageuse, notamment en direction des investisseurs.
La voie portugaise est intéressante à plus d’un titre. D’abord, elle montre que l’enlisement dans la crise n’est pas une fatalité et que des politiques volontaristes pour y échapper peuvent porter leurs fruits. Ensuite, elle montre que les politiques d’austérité, voie choisie par la Grèce, ne peuvent constituer une réponse adéquate pour échapper à la récession et qu’au contraire, une politique de relance économique accompagnée de mesures de transformation structurelle, notamment en matière de compétitivité ont permis au Portugal de sortir de cette crise et de devenir une véritable success story.
L’expérience portugaise devrait nous aider à réfléchir sur la situation économique tunisienne et essayer d’en tirer des leçons pour échapper à la crise que nous connaissons. Cette expérience montre que les politiques de relance et les réformes structurelles constituent des ingrédients qui peuvent nous ouvrir une nouvelle ère de croissance et de développement.
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