Les statistiques officielles relatives à l’emploi prêtent à équivoque et sont révélatrices de dysfonctionnements.
Le chômeur, selon la définition du BIT, est une personne qui ne travaille pas (ou n’a pas travaillé la semaine d’avant) et qui ne recherche pas activement un emploi (au bureau d’emploi). Les statistiques sont basées sur des sondages et sur les chiffres des agences de l’emploi, soit 628.000 chômeurs, dont 240.000 diplômés du supérieur. Les dysfonctionnements que l’on peut constater sont les suivants : 40.000 diplômés du supérieur seulement sont inscrits dans les 112 agences de l’emploi en activité dans notre pays.
Pourquoi les 200.000 autres ne sont-ils pas inscrits, puisque c’est gratuit et sans engagement de part et d’autre ?
Est-ce un manque de confiance ou une attitude de désespoir ? Que font les pouvoirs publics, notamment le ministère de l’Emploi et de la formation pour sensibiliser les uns (chercheurs d’emploi) et motiver les autres (responsables des agences) pour attirer les candidats et prouver leur efficacité ?
Il y a certes 140.000 offres d’emploi non satisfaites ! C’est là que se pose le douloureux problème de l’inadéquation entre les profils des diplômés et les postes à pourvoir dans le monde de l’entreprise et le marché du travail. L’Université, avec son système d’orientation dimensionné sur les capacités d’accueil des structures universitaires et non sur les besoins de l’économie en cadres de différentes spécialités, n’a rien fait pour se réformer depuis vingt ans.
Il y a certes, la solution de la reconversion des candidats pour acquérir des compétences leur permettant de s’adapter à la demande du marché et des chefs d’entreprises. Les pouvoirs publics n’ont rien fait dans ce sens pour aider les candidats à l’emploi à une nouvelle réhabilitation. Un autre dysfonctionnement réside dans le fait que seulement 200.000 demandeurs d’emploi sont inscrits dans les agences de l’emploi sur les 628.000 recensés : une anomalie de plus, étant très loin de la gestion active du secteur.
Depuis sept ans, il y a eu beaucoup de destructions d’emplois dans des secteurs vitaux de l’économie, d’autant plus qu’il s’agit d’activités génératrices de recettes en devises. Le textile-habillement a perdu 40.000 emplois avec la fermeture de 400 entreprises sur 2000.
Le tourisme a perdu 50.000 emplois au minimum pour les emplois directs avec la fermeture de 200 hôtels, outre la réduction des effectifs dans ceux qui sont restés ouverts.
Les emplois indirects sont difficiles à comptabiliser : artisans, petits commerçants, agences de voyages, agences de location de voitures.
Plusieurs centaines de PME qui étaient actives dans les industries de transformation et le commerce, ont fermé leurs portes, suite à des difficultés financières et commerciales, confrontées d’une part, aux restrictions des crédits bancaires et d’autre part, à la concurrence déloyale des importations en contrebande et du commerce parallèle.
L’effondrement de la production de phosphate a provoqué une véritable crise économique parmi les sous-traitants en amont et les industriels de la transformation du phosphate en aval : Tifert, Groupe chimique…
C’est dire que ces secteurs d’activité sont dorénavant en convalescence. C’est l’accélération de cette relance par des mesures appropriées qui permettra sans gros investissements et très rapidement, de créer des dizaines de milliers d’emplois.
En effet, l’assainissement de la situation financière de certains hôtels avec une restructuration et un petit fonds de roulement et la “machine” de se remettre en marche.
La mise à niveau des entreprises du textile-habillement est susceptible de rouvrir des dizaines d’usines en quelques mois et de réembaucher des milliers d’ouvrières, car les équipements et les infrastructures sont là.
Les banques tunisiennes disposent désormais de lignes de crédit moyen et longs termes accordés par BEI, BERD…
Le nombre d’emplois créés en sept ans est de l’ordre de 210.000 emplois, essentiellement dans la fonction publique et les entreprises publiques, alors que la destruction d’emplois dépasse largement ce chiffre, sans compter qu’il arrive chaque année sur le marché de l’emploi, 80 à 90.000 primo-demandeurs d’emploi, dont la moitié sont des diplômés. Là réside le drame de notre pays.
On ne le dira jamais assez, c’est l’investissement qui génère la croissance et crée l’emploi. Un point de croissante supplémentaire engendre la création de 16.000 emplois, dont 6000 seulement pour les diplômés du supérieur.
Il y a certes l’investissement public, mais il reste réduit, surtout que souvent, les projets régionaux budgétés durant plusieurs années n’ont été réalisés qu’à 50%, voire 30% des prévisions, suite à la mauvaise volonté des uns, aux lourdeurs et complexités administratives (foncières), aux perturbations sociales et à la perte d’autorité de l’Etat.
Il appartient au secteur privé d’investir pour créer de la valeur et des emplois. Or, non seulement le climat des affaires n’est ni serein ni incitatif, mais la politique du gouvernement cherche en outre à surimposer les entreprises économiques structurées et formelles, évitant de faire peser le fardeau fiscal aux forfaitaires et aux contrebandiers.
Faut-il subventionner le chômage, approche sociale, ou au contraire, mettre en place des incitations à la création d’emploi, approche économique plus positive, même si le coût est équivalent ?
Le Pacte Al Karama et autres indemnités, permettent de survivre, mais n’ont pas fait leurs preuves en matière de recherche d’emploi ou de création d’entreprises.
Grâce à la société civile, plusieurs programmes de financement et d’accompagnement des jeunes innovateurs dans le processus de création d’entreprises, tels que Souk Ettanmia ont vu le jour mais il faut réunir plusieurs conditions pour la réussite du processus, dont une bonne gouvernance et un financement adéquat.
Notre pays a besoin de grands projets pour servir de leviers au développement de certaines régions, donner du travail aux adultes, mais surtout enraciner la confiance et redonner de l’espoir aux jeunes. Par exemple, construire une grande industrie de montage autos permettant de créer 50.000 emplois permanents, réaliser de grands projets d’infrastructures, comme le port d’Enfidha, créer des zones franches aux frontières, trouver des investisseurs pour remplacer SAMA Dubaï, afin de réaliser le projet de la porte de la Méditerranée.