Le taux de change du dinar vis-à-vis de l’euro a perdu 40% de son niveau en trois ans : (2014-2017) dont 18% en 2017. Vis-à-vis du dollar, la dépréciation a été de l’ordre de 17%.
Cette accélération est une source majeure d’inquiétude pour l’ensemble de l’économie et de la société tunisienne, à cause des retombées néfastes sur la compétitivité de notre économie et sur la cohérence de notre édifice social. La valeur du dinar, autrement dit le taux de change du dinar, est flottante et résulte, en fait, de la loi du marché, celle de la confrontation entre l’offre et la demande.
En réalité, la demande en devises exprimée par les acteurs économiques est tellement forte qu’elle exerce une tension constante sur le marché. D’où la “descente aux enfers” du taux de change.
Notre monnaie nationale, comme toutes les autres, est le reflet de la santé de notre économie, or celle-ci connaît de grandes difficultés depuis le soulèvement du 14 janvier 2011.
Le stock en devises du pays est fluctuant et fragile, il rode autour du seuil significatif des risques, celui des 90 jours d’importation.
Le 23 janvier 2018, les avoirs en devises sont tombés sous la barre de 12306 MD, soit 89 jours d’importation, 58 MD de moins qu’une année auparavant (106 jours d’importation).
Il s’agit d’un triste record historique par rapport à 1986.
Le déficit commercial a atteint en 2017 près de 15 milliards de dinars.
C’est là où le bat blesse le plus, à cause de l’inflation des importations.
En effet, c’est la pression exercée par les importateurs à cause de la forte demande en devises, vu la pénurie des ressources en la matière, qui fait baisser le taux de change du dinar, alors que la BCT aurait cessé ses interventions de soutien du dinar.
L’inflation des devises sur le marché parallèle du cash ne fait qu’empirer la situation. Voyons comment se comportent les ressources en devises !
Les recettes touristiques sont certes en amélioration sensible et le tourisme tunisien a connu une relance certaine en 2017, soit plus de 6 millions de dinars, et 2018 est annoncé comme année prometteuse.
Les transferts des TRE comptabilisés par la BCT ne dépassent pas les 4 milliards de dinars.
La multiplication des perturbations sociales dans le bassin minier de Gafsa ont porté un grand préjudice à l’exploitation des carrières de phosphate et au transport du précieux produit vers les ports de Gabès et de Sfax.
En conséquence, le Groupe chimique de Tunisie continue à perdre des marchés à l’étranger et des clients stratégiques, ne tournant qu’à 50% de sa capacité.
Tout cela a privé notre balance commerciale et notre stock de devises de recettes de l’ordre de 2 milliards de dinars par an : la production de 4 millions de tonnes en 2017 est décevante, comparée à celle de 2010 qui s’élèvait à 8 millions de tonnes.
Dans cette conjoncture délicate de listes tantôt noires tantôt grises, le FMI débloquera-t-il la 3e tranche du crédit accordé, mais conditionné par la réalisation de réformes qui, en fait, piétinent ?
Stabiliser la valeur du dinar alors que le climat des affaires est défavorable aux investissements dans un pays où le taux officiel de l’inflation est de l’ordre de 7% par an avec un déficit du Budget de l’Etat qui dépasse les 6%, relève de “mission impossible”.
Cependant, nous pouvons et devons mettre au point, gouvernement, organisations nationales, partis politiques et société civile, une stratégie cohérente pour stabiliser le positionnement du dinar afin de sinon éviter le pire, du moins ralentir la baisse.
Plusieurs experts préconisent les mesures courageuses suivantes : Une rationalisation drastique pour ne pas dire austérité dans les dépenses et le train de vie luxueux de l’Administration et des entreprises publiques. Un ralentissement sévère de nos importations portant notamment sur les produits de luxe et de confort, ceux dont on peut se dispenser et ceux dont l’équivalent est fabriqué en Tunisie.
Nous devons tous nous remettre au travail, améliorer la productivité et privilégier l’intérêt national par rapport aux intérêts personnels et ceux des lobbies professionnels.
Nous devons promouvoir les exportations de façon exceptionnelle sur tous les plans, notamment le l’amélioration de la logistique et renforcement du financement.
Le secteur bancaire devrait favoriser l’octroi de financement des investissements aux PME, par rapport aux crédits de consommation accordés aux ménages, ce qui n’est pas le cas actuellement.
La BCT devrait reprendre ses actions de soutien du dinar, chaque fois que celui-ci serait menacé, en injectant les devises nécessaires dans les circuits bancaires. Elle est appelée surtout à assainir et apurer le marché de change parallèle qui concentre à Tunis et Ben Gerdane une masse terrible de capitaux qui déséquilibre le stock officiel de devises détenu par la BCT.