Le pays a connu une semaine pas trop ordinaire avec son lot habituel de tensions sociales, mais également d’évolutions significatives sur le front de la pratique démocratique. Malgré le scepticisme envahissant et bloquant, on a maintenant la certitude que les élections municipales vont se tenir à la date fixée et feront l’objet d’une compétition serrée entre listes partisanes, coalitions et indépendants dont la majorité ne le sont pas vraiment.
Qu’importe, ces élections, à deux reprises reportées, vont nous sortir un peu de la morosité ambiante et de la monotonie qui s’est installée. L’issue de cette nouvelle consultation populaire, qui va toucher les citoyens dans ce qu’ils ont de plus cher, reste incertaine tout en comportant des risques, ceux-là mêmes de voir la majorité des municipalités tomber dans l’escarcelle d’Ennahdha et de Nidaa Tounes, qui ont pris une longueur d’avance sur les autres formations en proie à des dissensions et à un manque de moyens et de programmes. Un risque qui, s’il arrive à se confirmer, consacrera la bipolarisation de la vie politique, qui sera encore accentuée par les faux indépendants des deux camps qui ne manqueront pas de se rallier à l’un ou à l’autre parti.
Nonobstant ces craintes, que certaines parties ont tendance à enfler, la première réaction de toutes les familles politiques est positive, renvoyant un bon signal sur la volonté qui anime tout le monde à poursuivre la construction démocratique aux niveaux local et régional, à un moment où le pays maîtrise mieux sa sécurité sans pour autant réussir sa transition économique ou sociale
A ce niveau, il ne faut pas se leurrer, puisque les premiers conseils élus après la Révolution, ne seront pas en mesure de consacrer à la lettre, l’émergence de pouvoirs locaux capables de diriger des villes , des villages et des régions rurales avec des moyens conséquents. Ils auront beaucoup de mal à honorer les engagements qu’ils vont prendre vis-à-vis de leurs électeurs. Après plus de sept ans de gestion chaotique de nos villes par des délégations spéciales peu expérimentées, dont plusieurs sont à la solde de partis politiques, le constat est, à tout point de vue, calamiteux. Des villes à l’abandon ou presque, où l’environnement a subi une dégradation avancée, une incapacité, voire une impuissance manifeste à répondre aux attentes des citoyens en termes de services d’hygiène et de propreté, à juguler l’habitat anarchique, l’occupation sauvage des lieux publics…
Avec peu de moyens, les nouveaux élus hériteront d’une situation très difficile à gérer. Peuvent-ils faire beaucoup, réparer ce qui a été détruit parfois systématiquement ?
La tenue de ces élections aura le mérite de permettre aux nouveaux conseils municipaux démocratiquement élus d’arrêter les dégâts, d’assumer pleinement leurs responsabilités vis-à-vis des citoyens qui ne se reconnaissent plus dans leurs villes, en gérant autrement les affaires de nos cités et en impliquant davantage les citoyens dans le processus de prise de décision et les grands choix qui concernent leurs cités. Un vent de changement devrait souffler sur nos villes, à condition que les nouveaux élus sachent gagner la confiance de la population et arrivent à les concilier avec leurs villes.
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L’UGTT joue les trublions. Depuis le temps où elle a pris conscience qu’elle pouvait tout obtenir via la pression et la menace, elle fait la loi dans le pays et étend ses tentacules partout, y compris dans la sphère politique où elle ne s’interdit pas de contester tout ce qui se décide et s’entreprend et à chercher, vaille que vaille, à brouiller les cartes. Peut-on logiquement lui en vouloir, quand elle trouve le terrain propice pour imposer parfois l’indéfendable et vouloir justifier l’inénarrable? Face au vide que laisse le gouvernement, à sa faiblesse manifeste et son incapacité à assumer pleinement ses responsabilités dans la gestion du pays, l’UGTT ne fait que gagner du terrain en s’arrogeant le droit de décider à la place des pouvoirs en place. Peut-on en vouloir à l’UGTT, signataire de l’accord de Carthage, de s’employer tout le temps à tirer le tapis sous les pieds du gouvernement quand ce dernier fait montre d’une impuissance affligeante dans la résolution des crises et conflits, cède tout le temps à toutes les formes de pressions et surenchères et se trouve surpris par les événements qu’il ne peut tout le temps anticiper ?
Entendre le Secrétaire général de l’UGTT exiger la restructuration du gouvernement d’union nationale, le départ des ministres qui n’ont pas fait leurs preuves et menacer de quitter l’accord de Carthage, ne surprend plus, mais entre dans l’ordre normal des choses. Le discours développé par l’UGTT constitue, en ce début d’année, l’acte I d’un bras de fer que l’organisation cherchera à utiliser sans modération, non pour pousser à des solutions, mais pour imposer des diktats dont le pays payera au prix fort les répercussions sur tous les plans.
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