« Stabiliser les prix et revenir aux équilibres fondamentaux, à savoir augmenter les exportations et baisser les importations, est l’objectif majeur de la Banque Centrale de Tunisie ». C’est l’affirmation de Marouane Abassi, nouveau gouverneur de la BCT lors de sa première sortie médiatique.
Cette rencontre avait pour objectif d’éclairer l’opinion publique sur les raisons ayant amené la BCT de relever le taux directeur de 75 points pour atteindre 5.75%. Cette mesure est supposée mettre fin à la progression inquiétante de l’inflation qui a atteint 7,1%, en février 2018, contre 6,4% en décembre 2017 et 4,6% seulement au même mois de l’année dernière. « Il n’y a pas plus dangereux que l’inflation » dit-il.
L’augmentation du taux directeur n’est pas inédite puisque depuis 2011, la BCT a procédé à 4 hausses du taux directeur effectuées entre 2012 et 2014. Selon Rym Kolsi, directeur de la politique monétaire à la BCT, ces mesures « ont permis de ramener le taux d’inflation de 5,8% en 2013 à 3,7% en moyenne en 2016 » Anticipant cette détente de l’inflation, la BCT a baissé son taux directeur, à la fin de 2015 pour soutenir la reprise économique. Sauf que nous nous retrouvons dans la même situation que 2013 mais avec une inflation plus conséquente. Dans cette même politique d’anticipation de l’inflation qui pourrait atteindre les deux chiffres dans les mois à venir, la BCT a encore agi à travers son seul instrument qui est le taux directeur d’où cette augmentation de 75points.
Selon Mme Rekik, l’inflation continuera sa progression durant cette année 2018 pour atteindre 7.2% en moyenne. Par contre l’effet de l’augmentation du taux directeur sera ressenti vers la fin de 2019 pour une inflation de 5 à 6%.
Les économistes trouveront les arguments du gouverneur de la BCT peu convaincants. Tout d’abord il faut rappeler que cette mesure n’est qu’une consigne du Fonds Monétaire International qui continue à pousser le gouvernement dans sa politique de reforme. La reforme est la condition sine qua none pour avoir l’approbation du FMI pour la troisième tranche du crédit. Rien n’est encore sûr et il faut attendre le conseil d’administration du FMI qui en décidera d’ici la fin de ce mois de mars.
Par ailleurs, les économistes diront que cette mesure d’augmenter le taux directeur serait néfaste pour les exportations d’une part et pourrait avoir un impact contraire sur l’inflation. Tout d’abord l’augmentation du taux d’intérêt pourrait avoir un impact sur les exportations des PME puisque celles-ci seront obligées d’augmenter leurs prix à l’export pour compenser les taux d’intérêts. Conséquence directe elles ne seront plus compétitives sur le marché international. Quant aux PME locales, elles compenseront cela en augmentant les prix de leur production sur le marché local, d’où une éventuelle envolée de l’inflation. Marouan Abassi aura un point de vue différent car il pense que le souci des PME n’est nullement le taux d’intérêt mais plutôt l’accès au crédit, difficile de nos jours. Le gouverneur a voulu interpeler les médias et même le gouvernement sur d’autres événements, sources d’inquiétudes et causes de la détérioration de la situation économique que nous vivons actuellement. Il s’agit du double déficit et de la balance des payements et du budget. « Il faut arrêter cette hémorragie en prenant les bonnes décisions ». Le gouverneur a cité entre autre ce qui se passe à la CPG et les millions de dinars que nous perdions à cause de cette situation. Le gouverneur de la BCT a mis le doigt sur les maux dont souffre notre économie depuis 2011 et sur l’incapacité du gouvernement à prendre les bonnes mesures pour y remédier. Quant à son mandat et qu’il soit assis sur un siège éjectable qui l’empêcherait éventuellement de prendre les décisions qui pourraient venir à l’encontre de la politique actuelle de demi-mesure. Marouan El Abassi dira que son siège éjectable ou pas, il s’est mis un agenda qui déterminera ses actions : le court terme de trois mois, le moyen terme de six mois et le long terme d’un an.