Mehdi Jomâa, chef du gouvernement provisoire, a effectué une visite officielle de deux jours en France afin de rencontrer de nombreuses personnalités politiques et investisseurs dans le but de convaincre de la stabilité et de l'avenir de la Tunisie. Retour sur une visite jugée positive.
"Notre slogan, c’est “un commando pour la Tunisie”. Notre devise, “le travail, seule voie pour s’en sortir”. Le pays vit un moment historique» s’exclame Amel Karboul, la ministre du Tourisme. Accompagnant Mehdi Jomâa lors de sa visite d’État à Paris, les 28 et 29 avril derniers, la très charismatique ministre n’a eu de cesse que de vanter les mérites du pays afin de regagner la confiance des touristes occidentaux et plus particulièrement des touristes français. Pour ce faire, la ministre s’est fixée trois priorités déjà connues : travailler sur l’image du pays en mettant en avant le patrimoine culturel, améliorer la qualité des infrastructures et régionaliser l’offre touristique. Le mot d’ordre de cette visite officielle était de redorer l’image du pays et d’attirer les investisseurs du premier partenaire du pays. Il faut dire que la Tunisie en a bien besoin puisque les finances publiques sont au point mort, l'instabilité politique et l'insécurité de ces trois dernières années ont fait fuir touristes et investisseurs, ayant pour conséquence une chute vertigineuse des comptes extérieurs. Ajouter à cela le poids de l'économie informelle, fléau évalué à 40 % du PIB, la Tunisie, qui a enregistré en 2013 un déficit de 8,2 % du PIB, survit massivement grâce à l'aide extérieure. Sur le plan financier, ses besoins de financement – 4 milliards de dollars en 2014 – sont assurés grâce au soutien du FMI et de la Banque mondiale, ainsi qu’à un retour des investissements et du tourisme, secteur clé de l'économie puisqu’il représente 7 % du PIB national et plus de 30 % des recettes en devises. Loin d’ignorer ces problèmes, Mehdi Jomâa et toute sa délégation se sont dotés d’un plan de communication sans précédent, alternant interviews et rencontres avec les hommes politiques et investisseurs.
Un plan de communication de grande ampleur
S’il y a bien un maître mot que tout homme politique digne de ce nom doit connaître, ce serait celui-ci : «communication». Mehdi Jomâa semble d'ailleurs l’avoir bien compris. Il suffit de voir la manière dont il a «géré» les dix minutes de retard du Président français François Hollande sur le perron du palais de l’Elysée : sourire aux lèvres, l’air décontracté, Mehdi Jomâa n’a rien laissé paraître. Lors de la très médiatique poignée de mains des deux responsables, il regardait judicieusement les photographes afin d’immortaliser cette rencontre, donnant l’image d’un homme sûr de lui. Toujours dans l’optique de promouvoir la Tunisie, le chef du gouvernement a enchaîné les interviews dans plusieurs grands médias français comme l’Express ou Europe 1 où il a déclaré qu’il « veut faire réussir cette expérience qui est unique dans la région et qui est plein d’espoir et de perspectives pour les jeunes» et qu’on a « tous intérêt à faire réussir cette expérience-là ». Il rajoute à propos des rumeurs de faillite de l’État que « L’État a un déficit important comme partout. On travaille sur ce déficit-là, on est en train de lancer des réformes pour le réduire. On dispose encore d’argent pour payer nos engagements ». Sur l’épineux sujet de l’élection présidentielle, Jomâa précise que « La priorité c’est d’offrir le climat propice pour organiser les élections avant la fin de l’année et parmi l’environnement à offrir il faut une économie saine pour garder aussi une paix sociale». Il souligne aussi que le pays est plein d’énergie et que cette énergie doit être mise à contribution « La Tunisie est un pays d’énergie. Ces trois dernières années, on a passé beaucoup d’énergie à la Révolution. Maintenant, cette énergie il faut la réorienter de nouveau vers le travail pour construire cette nouvelle Tunisie sur des bases beaucoup plus saines » et affirme que le Medef est convaincu que la Tunisie est un pays d’avenir « Le Medef est déjà convaincu des facteurs intrinsèques de la Tunisie, je vais les convaincre que les horizons sont dégagés et que c’est le moment de se placer pour le rebond ». Il souligne aussi l’aspect sécuritaire qui rentre en compte pour bon nombre d’investisseurs : « Il y avait des problèmes de sécurité, mais on a fait d’énormes progrès. La Tunisie aujourd’hui est beaucoup plus sûre qu’elle ne l’était». Dès son retour à Tunis, Mehdi Jomâa a donné une conférence de presse afin de répondre aux critiques de ses détracteurs qui l’accusent de mendier auprès des Occidentaux. « La France s’est engagée à intensifier la coopération. On est venu chercher de la coopération. C’est deux pays souverains qui se tendent la main».
Un Forum des « Amis de la Tunisie » pour cet automne
Mehdi Jomâa s’est entretenu lundi 28 avril au Quai d’Orsay avec le ministre français des Affaires étrangères et du Développement international, Laurent Fabius. Lors de cette rencontre qui s’est déroulée à huis clos, le chef du gouvernement était accompagné de plusieurs hommes d’affaires ainsi que de la présidente de l’Utica, Widad Bouchamaoui. Laurent Fabius a déclaré que «nous comptons énormément sur nos amis tunisiens, nous sommes à leurs côtés et d’ailleurs, là c’est anecdotique, mais pour encourager les choses j’ai dit et je le ferai, je passerai mes vacances en Tunisie», avant d’ajouter «je pense qu’il faut montrer l’exemple et en plus c’est un exemple agréable.»
Mehdi Jomâa s’est ensuite rendu à Matignon où il a été reçu par le Premier ministre, Manuel Valls. Ce dernier a affirmé que «la Révolution de la Tunisie demeure dans les esprits et il en va de l’intérêt de la France et de toute l’Europe de la soutenir», avant d’ajouter que «la Tunisie est jeune et j’ai confiance en ces jeunes qui vont bâtir un avenir meilleur». Il en ressort que les deux pays sont prêts à consolider davantage leurs liens. Le tourisme, mais aussi l’ensemble des problèmes économiques, ont été abordés. La coopération bilatérale va être consolidée dans tous les domaines. «Manuel Valls a mon âge et il a le même tempérament, c’est un entrepreneur», dira Mehdi Jomâa, comme pour souligner sa satisfaction concernant cette rencontre.
Mehdi Jomâa a également rencontré à l’Élysée François Hollande lors d’une conférence de presse conjointe. Le président français a rappelé l’importance de la Tunisie aux yeux de la France et a mis en exergue la nécessité stratégique des relations entre les deux pays. Hollande a promis qu’une partie de la dette tunisienne sera commuée en investissements (60 millions d’euros de dettes). Le plus important est l’annonce faite par le Président français de la création d’un forum intitulé «les amis de la Tunisie» sur le thème «investir pour la Tunisie» et a précisé que cette «initiative», dont la France est «partie prenante», réunira «les bailleurs financiers, les institutions internationales qui sont d’ores et déjà prêts à apporter un soutien à la Tunisie» et qui devrait se dérouler dès cet automne en Tunisie.
Jomâa et les investisseurs
Mehdi Jomâa s’est ensuite rendu à la rencontre du conseil de chefs d’entreprises France-Tunisie au siège du Medef international à Paris. Pierre Gattaz, président du Medef et une délégation de chefs d’entreprise tunisiens menée par Wided Bouchamaoui, présidente de l’UTICA, étaient du rendez-vous. Lors de la réunion, Mehdi Jomâa est revenu sur la situation politique, économique et sociale de la Tunisie, précisant qu’il était urgent en cette période de transition de redynamiser l’entrepreneuriat. Il a par la suite lancé une invitation aux chefs d’entreprises français pour investir et croire en un pays qui a toujours su se relever et qui n’a eu de cesse d’avoir recours à la voie du dialogue et de l’apaisement.
Le président du Medef, Pierre Gattaz, a exprimé quant à lui le souhait des entreprises françaises de soutenir la Tunisie. Il a souligné que l’organisme patronal français partage la vision de l’UTICA concernant la création d’un point stratégique vers l’Afrique subsaharienne et le Moyen-Orient.
Wided Bouchamaoui a mis en avant le rôle joué par l’UTICA dans la réussite du Dialogue national en Tunisie. Elle a expliqué à ses auditeurs que le secteur privé tunisien contribue à la relance économique nationale et a souligné qu’ «il était temps de mettre en place une véritable alliance entre les entreprises tunisiennes et françaises.»
Inès Aloui