Le chef du gouvernement d’union nationale Youssef Chahed a prononcé ce jeudi 23 mars 2018 un discours devant les députés de l’Assemblée des Représentants du Peuple dans le cadre d’une séance plénière consacrée à la situation générale dans le pays. Youssef Chahed a dans ce contexte affirmé qu’il est du plein droit des tunisiens d’avoir une idée générale sur l’évaluation réelle de l’action de son équipe gouvernementale sur tous les plans. Il a toutefois indiqué que cette évaluation devrait être faite selon des données réelles et non pas en fonction de préjugés ou d’impressions manipulées par des motivations politiques. « L’évaluation objective de la situation devrait être faite en fonction de la situation générale ayant précédé la formation du gouvernement d’union nationale particulièrement sur les plans économique et sécuritaire »a-t-il indiqué. Il a dans ce contexte rappelé certains indices économiques ainsi que différentes attaques terroristes exécutées sur le territoire national quelques mois après sa nomination à la tête du gouvernement. Il a ajouté que ces indices économiques faibles sont liés à la situation sécuritaire et à l’instabilité que connaissait le pays à ce moment là.
En ce qui concerne les réformes envisagées en urgence par le gouvernement, Youssef Chahed s’est montré déterminé, indiquant qu’il y a des délais qui doivent être respectés. « Ces réformes doivent être entamées, coûte que coûte. Il y a des priorités, notamment celles relatives aux caisses sociales à savoir la CNSS et la CNRPS. C’est une question d’urgence. Il faut préserver le système social, en tant qu’acquis de l’indépendance, pour ensuite préserver les droits des prochaines générations. Ces caisses connaissent un déficit annuel de 100 millions de dinars, chose qui affecte forcément la qualité des services, la CNAM, les intérêts des médecins et des pharmaciens. Mais il n’empêche, le citoyen reste la première et dernière victime de tout ça. Chaque déficit entraîne un autre dans une autre institution. »a-t-il ajouté.
Il a dans ce contexte précisé que le projet de décret-loi, relatif aux réformes du système social, doit être examiné par les députés de l’ARP dans les plus brefs délais.
Quant aux entreprises publiques souffrant de difficultés financière, le chef du gouvernement a précisé que les dettes de ces institutions s’élèvent à 600 millions de dinars. « Il faut qu’on soit clair. Les réformes ça ne veut pas dire forcément la privatisation. Ça ne concerne pas la SONEDE, la STEG mais plutôt certaines entreprises publiques exerçant dans des secteurs concurrenciels…La situation des finances publiques est en danger et il n’est plus possible de supporter les pertes de ces entreprises. Il est grand temps de les restructurer. Cela s’inscrit dans une vision globale du gouvernement. Les droits des employés ne seront en aucun cas touchés… La paix sociale est une ligne rouge à ne pas transgresser » a-t-il assuré.
« Je refuse d’être un faux témoin »
Selon Youssef Chahed, la privatisation de certaines entreprises publiques permettra à l’Etat d’investir dans la santé et dans l’enseignement, principaux vecteurs du développement.
« Entamer ces réformes dans les meilleurs délais est une urgence qui va dans l’intérêt du pays. Je ne veux pas être un faux témoin pour reporter ces réformes une énième fois. Je suis persuadé qu’ils vont m’accuser d’agir au profit des intérêts des libéraux sauvages et que j’adopte une politique asociale soumise aux conditions du FMI. Non ce n’est pas vrai. Je ne suis pas pour le libéralisme qui affaiblit le rôle de l’Etat, ceci ne s’inscrit pas dans notre vision. Cependant, je ne suis pas pour la vision qui dit que l’Etat doit tout faire. Ce modèle a échoué partout dans le monde » a-t-il précisé.
Il a dans ce contexte rappelé des initiatives prises au profit du système social tel que le programme de la sécurité économique et sociale qui se base sur 3 axes principaux à savoir les revenus minimums, l’accès aux soins, et le droit à un logement social digne.
Il a, par ailleurs, indiqué que les réformes dans le système éducatif est une nécessité qui ne peut plus attendre. « Le savoir est le premier acquis du pays. L’enseignement est une priorité. 50% des écoles avaient été construites depuis plus de 50 ans et souffrent donc d’une infrastructure lamentable. Nos écoles manquent également de personnel. Les horaires scolaires sont également à réviser. Il faut qu’on opte pour le système de la séance unique pour permettre à nos écoliers de pratiquer des activités culturelles après l’école. L’amélioration du repas scolaires est également une nécessité » a-t-il assuré.
Le chef du gouvernement a précisé qu’une proposition d’une nouvelle licence appliquée consacrée à la formation des instituteurs est en train d‘être étudiée. « L’école de la deuxième chance, devrait également voir le jour dans le cadre des réformes du système éducatif, pour redonner la chance à tous ceux qui ont quitté les bancs de l’école prématurément, de s’intégrer à nouveau. Il faut qu’il y ait également dans nos établissement scolaires un système de gestion des ressources financières totalement indépendant, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui » a-t-il indiqué.
Par ailleurs, Youssef Chahed s’est montré compréhensif quant aux revendications des enseignants et instituteurs qui souffrent de conditions professionnelles difficiles un peu partout à travers la République. « Il n’empêche que les revendications doivent prendre en considération les moyens de l’Etat. Rien ne justifie le fait de prendre en otage nos élèves. Et d’ailleurs, le ministre de l’éducation a été appelé à prendre les mesures administratives nécessaires pour que les choses reprennent leur cours normal » a-t-il affirmé.
Sur le plan économique, Chahed a rappelé que l’Etat a opté pour le principe de la libération économique à travers la mise en place de programmes encourageant l’entrepreneuriat et l’élaboration de textes de lois simplifiant les procédures administratives au profit de ceux souhaitant lancer leurs propres projets. Il a dans ce contexte assuré que la guerre contre la corruption et les lobbies qui souhaitent s’emparer des ressources de l’Etat, se poursuit coûte que coûte.