La santé managériale et financière des PME tunisiennes a fait l’objet d’une étude par sondage portant sur 500 entreprises appartenant à divers secteurs d’activité et implantées dans les différentes régions du pays de façon à constituer un échantillon représentatif du tissu économique tunisien. C’est la deuxième édition (2018) du baromètre des PME réalisée pour le compte de la CONECT par un bureau d’études tunisien avec la participation des experts du PNUD.
Il ne s’agit ici de faire un compte rendu exhaustif de ce travail mais de commenter certains de ses résultats qui nous paraissent dignes d’intérêt, source d’inquiétudes graves ou bien qui méritent d’en tirer des enseignements de la plus haute importance et appellent de la part des pouvoirs publics des actions vigoureuses et urgentes, pour promouvoir la croissance.
Le tissu entrepreneurial tunisien compte à ce jour 740.000 entreprises, toutes tailles et tous secteurs confondus, un effectif jugé insuffisant pour promouvoir une croissance économique soutenue. D’autant plus qu’il s’agit d’une majorité écrasante de très petites entreprises. En effet, les entreprises qui emploient plus de 200 salariés permanents ne représentent que 0,11% de l’ensemble alors même que celles qui emploient entre 6 et 200 salariés n’en constituent que 2,51%.
Il s’agit donc d’une écrasante majorité de très petites entreprises qui disposent de moyens financiers et de ressources humaines fort modestes et d’une faible capacité de recrutement.
Elles sont forcément plus vulnérables en temps de crise pour résister aux difficultés de la conjoncture et encore moins pour grandir et promouvoir la valeur ajoutée.
Il y a déjà là un niveau structurel des actions à entreprendre : incitations à la création de nouvelles entreprises pour densifier le tissu entrepreneurial mais aussi mise en place de mécanismes au profit de l’augmentation de la taille de ces entreprises, entendre augmentation du capital, fusions, acquisitions, mutations, crédits moyen terme pour financer extensions et projets de développement.
Selon le sondage, 58% des chefs d’entreprises se plaignent de la concurrence illégale du commerce parallèle. 45% des chefs d’entreprises trouvent que la corruption continue à sévir et à être sensible dans les rouages des affaires. On ne peut pas dire que les pouvoirs publics font “quelques chose d’efficace pour y remédier ”.
76% des chefs d’entreprises affirment ne pas connaître leur part de marché pour ce qui est de leur secteur d’activité, soit qu’ils n’ont pas les moyens de payer des études dans ce but, soit qu’ils n’ont pas la volonté de se positionner stratégiquement sur le marché et n’ont pas d’ambition claire et d’objectifs précis en la matière.
Cela signifie-t-il que les patrons gèrent leurs entreprises au jour le jour selon l’adage « navigation à vue », sans stratégie à moyen terme ni vision d’avenir ? 35% des patrons affirment avoir perdu des clients suite à des problèmes d’insécurité, à des difficultés financières et autres avatars.
Tandis que 26% confirment avoir été contraints d’arrêter leurs activités faute de disponibilité de matières premières ou à cause de défaillances dans l’outil de travail. Il y a là des lacunes et des dysfonctionnements, source d’inquiétudes et qui n’augurent rien de bon pour l’avenir.
Les PME tunisiennes ont une bonne aptitude à l’innovation : en effet, 33% des patrons affirment avoir mis sur le marché en 2017 de nouveaux produits.
Dans quelle mesure les pouvoirs publics encouragent-ils cette tendance vitale ? Il faut croire qu’il n’y a pas d’instrument approprié pour financer l’innovation qui est le nerf de la concurrence et de la compétitivité sur le marché.
Il y a un « vent de désindustrialisation qui souffle sur le pays ». En effet, une entreprise industrielle sur deux perd de l’argent, tandis que les crédits accordés aux commerçants sont plus faciles à obtenir que ceux accordés aux industriels.
Plus étonnant encore : 37% des crédits sont accordés pour des opérations de commerce intérieur tandis que l’exportation ne bénéficie que de 23% !
Les problèmes financiers semblent concentrer une grande partie des difficultés dont souffrent les PME tunisiennes.
En effet, 33% des PME seulement affirment bénéficier d’un crédit bancaire à court terme pour financer leur fonds de roulement, les autres doivent se “débrouiller” autrement : crédit fournisseur, fonds propres, acomptes-clients… Cela constitue un handicap certain. Une PME seulement sur deux a pu obtenir un crédit bancaire, les autres ont essuyé un refus.
25% des PME ne réalisent pas de bénéfices régulièrement. Or, ce sont les bénéfices qui sont à l’origine des investissements, donc de la croissance et de l’emploi. Les entreprises qui perdent de l’argent finissent par disparaître.
Il y a là une sonnette d’alarme en ce qui concerne la pérennité du tissu entrepreneurial.
Malgré tous les obstacles rencontrés sur le chemin de leur développement et malgré les difficultés commerciales et financières dont souffrent les PME, les chefs d’entreprises demeurent dans leur majorité optimistes et confiants en l’avenir à concurrence de 65%. Il y a là un rare motif de soulagement dans le brouillard du climat des affaires qui caractérise notre pays, surtout en ce moment d’incertitude qui frappe la stabilité politique du pays.