Décidément, sur les plans politique, économique et social, les semaines se suivent et se ressemblent en Tunisie. Dans cette monotonie asphyxiante que nous vivons, ce qui dérange le plus, c’est le nivellement par le bas observé par le débat public avec une classe politique, des acteurs sociaux et des hommes de communication qui trouvent un malin plaisir à se confiner dans l’infiniment insignifiant tout en daignant oublier l’essentiel.
La crise entre le syndicat de l’enseignement secondaire et le ministère de l’Education fournit un cas d’école. Elle est devenue, depuis 2011, cyclique et une illustration parfaite de l’esprit de charogne qui a gagné ce syndicat sectoriel qui n’obéit à aucune règle éthique ni hiérarchique. En effet, ce dernier trouve, chaque année, un malin plaisir à l’approche des examens nationaux et de la fin de l’année scolaire, à arracher par un usage excessif du chantage ce qu’il ne peut obtenir logiquement par des négociations apaisées et responsables. Profitant de la faiblesse de l’Etat, du laxisme du bureau exécutif de l’UGTT, qui maîtrise peu ou prou ses structures régionales et sectorielles, ce syndicat cherche à prendre en otage les élèves et leurs parents et consent à utiliser toutes les armes de la surenchère et de la stigmatisation contre chaque ministre en charge de ce département, ne reculant pas à brandir à tous les coups la menace de l’année blanche ou , comme ce fut le cas cette année, de la rétention des notes.
En réalité, ce syndicat indomptable ne fait qu’asséner chaque année un coup de massue à l’école publique, par son excès, son recours immodéré aux grèves, ses méthodes primaires et insolentes pour réclamer parfois des demandes légitimes. Peut-on à la fois défendre l’école publique dans le discours et faire tout pour saper ses fondements dans la pratique, lui faire perdre tout son crédit et faire vivre, chaque année, les élèves et leurs parents un vrai supplice ? Prendre constamment en otage les élèves sous quelque argument que ce soit, ne permet pas au syndicat de l’enseignement secondaire de gagner la confiance de l’opinion publique et ne valorise nullement l’image de l’enseignant ni les valeurs qu’il est censé transmettre aux générations futures. Doit-on s’étonner dès lors de l’exode de nos élèves du public vers le privé où les règles sont claires et les relations mieux codifiées ?
Dans tous les cas de figure, les excès répétés de ce syndicat, le recours de son secrétaire général à un argumentaire qui trahit ses véritables desseins, sa propension à obtenir des augmentations salariales en mettant le couteau sous la gorge de l’administration sont autant improductifs que peu flatteurs.
Comment expliquer également le double discours du bureau exécutif de l’UGTT qui semble trouver du mal à rappeler ce syndicat à ses responsabilités, à l’ordre. Quels gains peut récolter la Centrale syndicale, en exacerbant le ressentiment contre l’une de ses structures rebelles dont le combat s’apparente plus au politique qu’au professionnel ? Autant de questions auxquelles la Centrale syndicale a toujours omis de répondre, préférant rester laxiste que chercher à arrêter ce dérapage syndical qui lui porte préjudice plus qu’il ne lui procure des bénéfices.
Sur un autre plan, politique, cela va sans dire, le dérapage est encore plus grave.
La qualité du débat public, que ce soit à l’ARP ou au sein des partis politiques ainsi qu’à travers les médias, donne le tournis et de plus en plus le dégoût. Il reflète les errements d’une classe politique en perte de vitesse, de crédibilité et de repères. Une classe politique qui, à l’approche des Municipales, essaie de combler ce qu’elle n’a pu réussir sur le terrain, par le recours à des méthodes d’action populistes. Face à leurs incertitudes, leur peur bleue du verdict des urnes, tous les coups bas sont devenus permis et toutes les occasions sont bonnes pour susciter la confusion, le doute et pourquoi pas le buzz.
En témoigne, l’ARP qui s’est transformée, par l’inconscience des uns et l’amateurisme des autres, en une arène de combats où les valeurs d’honneur sont bafouées. Au lieu d’être un haut lieu pour un débat contradictoire, profond et pour un contrôle sérieux de l’action du gouvernement, elle renvoie de plus en plus une image de désolation, celle d’élus qui, faute d’arguments, ne reculent pas à recourir aux mains pour régler leurs comptes, à débiter devant des millions de téléspectateurs un langage ordurier, à la diffamation et à un acharnement gratuit contre le président de l’ARP, pour l’intimider. Le phénomène ne fait que commencer et la descente du débat public vers le ridicule et l’infiniment insignifiant ne fait que commencer. Ce qui est sûr, ce ne sera pas par ce biais que cette classe politique en perte de crédibilité va pouvoir gagner l’estime des Tunisiens, ni leur confiance. n
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