Nous entamons une série d’articles consacrés à la vie sexuelle des Tunisiens et des Tunisiennes. Il ne s’agit pas d’une étude scientifique, mais d’une série d’instantanés qui dévoilent les mutations de la société tunisienne à un moment de son histoire. Nous espérons donner ainsi un éclairage nouveau sur une question si ancienne…
C'est une histoire qui se passe dans une petite ville du sud tunisien, au milieu du siècle dernier. Un jeune homme se marie et le soir, au moment de consommer son mariage, rien ! Pas le moindre petit espoir de voir son petit oiseau se lever pour satisfaire sa jeune et charmante épouse…
Au bout de plusieurs tentatives infructueuses, sa femme est toujours vierge et notre jeune marié décide d’aller consulter le Cheikh du village qui servait de psy à l’époque. Celui-ci lui conseille d’acheter une chéchia et de la faire porter à sa femme afin qu’elle la mette sur sa tête au moment où il va entrer dans la chambre nuptiale. Et là, miracle : notre jeune marié a une érection normale et peut enfin accomplir son devoir conjugal et consommer son mariage.
Pour comprendre les raisons de ce changement soudain, il faut se rappeler qu’en ce temps-là, la vie sexuelle des jeunes se résumait à des relations homosexuelles et que les garçons de l’époque portaient tous une chéchia, qui devenait ainsi un symbole d’excitation sexuelle. Le fait de voir son épouse avec une Chéchia a éveillé le désir en lui et réveillé sa libido.
En effet, pour le docteur Ahmed Ennaïfer, sexologue expérimenté qui intervient souvent dans les médias sur ces sujets sensibles et qui rencontre souvent ce genre de situations complexes dans son cabinet : « les problèmes d’érection sont parfois physiologiques, mais le plus souvent psychologiques. C’est un univers où tout est secret, inavoué… ».
L’une des affaires les plus incroyables à laquelle il a été confronté est celle d’une jeune mariée qui a épousé son cousin. Mais plus d’un an plus tard, elle est toujours vierge car son mari n’a pas pu « consommer » le mariage.
Nous avons réussi à la contacter et elle nous a affirmé que « rien n’a changé, le mariage n’a pas été consommé et la famille commence à me presser afin de savoir pourquoi je ne suis pas tombée enceinte… » Interrogée sur les raisons qui l’empêchent de divorcer, elle confie : « mon mari est aussi mon cousin et on s’est mariés pour que les terres de la famille ne soient pas partagées avec des étrangers, extérieurs à la famille. »
Elle ajoute que son mari est « normalement constitué, mais c’est dans sa tête que ça ne va pas. Je lui ai demandé d’aller voir un médecin, mais il refuse en disant qu’il n’est pas malade et que le problème vient de moi, car je n’éveille pas de désir chez lui… Ma vie est un enfer depuis bientôt deux ans et je ne peux rien faire, car nous vivons dans un tout petit village où tout se sait. Vous imaginez le scandale si cela se savait ! Il me tuerait… »
L’absence d’érection ou son dysfonctionnement nous a été rapporté dans de nombreux autres cas. Comme ce cadre du privé, un peu stressé, qui nous a avoué un peu gêné : « ma femme et moi, nous faisons toujours l’amour dans le noir, dans le même lit, la même position, sans fantaisie ni stimulants. J’ai même besoin de mater un film porno pour m’exciter… »
Mais il n’y a pas que les jeunes mariées qui souffrent des pannes de leurs époux. Les couples qui vivent ensemble depuis plusieurs années voient le désir s’émousser et l’attirance physique diminuer considérablement, au point de s’éteindre. Un fonctionnaire de 47 ans ira jusqu’à dire : « quand je touche ma femme, j’ai l’impression de toucher une partie de mon propre corps… » Avec un certain humour, il ajoute cette pirouette : « depuis quelques années, ma libido se résume à un bidoli (bide au lit !) »
Il semble d’ailleurs qu’au-delà d’un certain âge, en général autour de la ménopause féminine, le sexe n’a pas une importance primordiale pour de nombreux couples. Et si on reste ensemble, c’est souvent pour les enfants qui quittent le foyer familial de plus en plus tard. D’autres développent des liens de tendresse où le sexe n’est plus une priorité absolue…
Résultat : au-delà de soixante ans, on ne pense plus au sexe de la même manière car les pannes sont nombreuses, alors on se console en faisant d’autres choses, en s’occupant de son foyer ou de son jardin pour les femmes, tandis que les hommes vont passer de longues heures à discuter avec les vieux copains, au café du coin. Souvent le couple va jusqu’à faire chambre à part…
L’histoire la plus incroyable, mais qui se termine bien, est celle d’une dame qui appelle notre sexologue à l’aide car elle a un gros problème avec son mari. Mariée depuis plusieurs mois, elle est toujours pucelle car son jeune époux n’arrive pas à la déflorer. Elle affirme que son mari « est normalement constitué, sans aucune tare physique, mais il n’y arrive pas. »
Elle ajoute : « quand il commence les gestes d’approche, les caresses et les baisers, il a une érection normale. Mais c’est quand il faut conclure, au moment de la pénétration que les choses se gâtent. D’un seul coup et sans aucune raison, il perd ses moyens et ça devient tout mou, tout petit… »
Pris en charge par le sexologue Ahmed Ennaïfer, le couple commence un travail d’analyse en profondeur. Son histoire, il la résume en ces termes : « ce jeune homme a perdu son père à l’âge de treize ans, alors qu’il était adolescent. Afin de lui éviter de devenir délinquant et de dévier du droit chemin, sa mère l’a élevé avec une très grande sévérité, mais aussi avec beaucoup d’amour et de tendresse… »
Une fois marié, le travail d’approche avec son épouse se passait normalement. Mais dès qu’il tentait une relation plus poussée, l’image de sa mère, avec son air sévère lui apparaissait et il perdait tous ses moyens, car il avait l’impression de transgresser un tabou ! Ce n’est qu’au bout de plusieurs séances d’analyse que le mariage a pu être consommé…
Yasser Maârouf
Que dit la médecine ?
Il faut savoir qu’après quarante ans, près d’un homme sur trois est atteint de problèmes d’érection dont les causes sont soit organiques, soit psychologiques. Dans ce dernier cas, le stress et l’anxiété en sont les causes. L’habitude et la routine y sont parfois pour beaucoup…
On appelle dysfonction érectile ou encore troubles de l’érection, l’incapacité à obtenir ou à maintenir une érection suffisante pour permettre une activité sexuelle satisfaisante. Cette anomalie peut survenir épisodiquement ou de façon régulière, voire permanente. Cependant, une durée minimale de ce trouble de trois mois est communément admise pour définir un diagnostic de ces troubles.
L’érection a lieu lorsque le sang remplit les corps caverneux du pénis, le gonfle et le rend ferme. C’est un processus complexe, qui commence par une stimulation sexuelle et qui fait intervenir nombre d’hormones. Des signaux nerveux partent du cerveau pour arriver jusqu’au pénis, où ils vont provoquer l’ouverture des vaisseaux sanguins, laissant affluer le sang dans les corps caverneux pour le rendre dur.
Le dysfonctionnement survient lorsque le sang n’arrive pas ou ne reste pas suffisamment longtemps dans le pénis pour provoquer et maintenir l’érection, rendant impossible des rapports sexuels.
Y.M.