Le mémorandum portant sur l’institution d’un dialogue stratégique entre la Tunisie et la France a été signé le 1er février 2018 à l’occasion de la visite officielle du président Macron en Tunisie par le ministre du Développement, de l’investissement et de la coopération internationale Zied Ladhari et Remy Rioux, Directeur général de l’Agence française de développement.
Il a privilégié trois axes stratégiques dont nous examinerons plus loin les tenants et les aboutissants avec une durée de trois ans : 2018-2020 avec un appui financier. Il faut dire que dans notre pays depuis bientôt huit ans, on ne peut pas dire qu’il y ait une véritable stabilité socio-politique : 350 ministres et secrétaires d’Etat différents ont été nommés avec une durée moyenne de neuf mois en poste, juste le temps pour le responsable de s’informer de l’état des lieux et le voilà qui “fait ses valises”. Il n’a pas le temps matériel de mettre au point une stratégie pour développer son secteur ni de résoudre les problèmes en suspens. C’est ainsi que dans plusieurs secteurs vitaux d’activité et pour lesquels des objectifs fondamentaux sont à cibler, peu de choses ont été réalisées.
Par exemple, le développement régional, les inégalités de croissance et de revenus, les poches de pauvreté, la discrimination positive… sont restées lettres mortes alors qu’il s’agissait des principales revendications du soulèvement démocratique du 14/1/2011.
Mais les huit gouvernements successifs n’ont pas su comment approcher les problèmes, engager des solutions appropriées et initier des politiques publiques durables. Il n’y a pas eu de stratégie globale et intégrée avec un coût, un financement et une structure responsable de sa promotion. Les mesures sont disparates et inefficaces : une zone industrielle par-ci, une route par-là, un barrage là-bas. La première voie express transversale Tunis-Jelma sera-t-elle prête en 2022 ?
La séance de travail, tenue à Beït El Hikma à Carthage récemment, a permis d’entamer les travaux de ce dialogue stratégique.
Selon Zied Ladhari, les réflexions engagées dans le cadre de ce dialogue sont susceptibles d’alimenter les politiques publiques dans les domaines socio-politiques prioritaires, ce qui serait de nature à favoriser l’instauration des bases du développement durable.
Il s’agit selon Gilles Chausse, directeur du bureau de l’AFD de Tunis, de la volonté des deux parties de mettre en place une nouvelle méthode et une vision originale du partenariat, fondée sur le partage de l’expertise et du savoir-faire.
*Pour y parvenir, l’AFD proposerait le développement d’outils de modélisation, la réalisation d’études et de diagnostics ainsi que l’organisation d’ateliers ciblés de formations et de conférences afin d’animer une réflexion partagée, en appui aux décisions des pouvoirs publics, c’est un processus à moyen terme, destiné à porter la coopération entre les deux pays à un palier supérieur.
D’abord, pourquoi l’AFD ? Parce qu’il s’agit avant tout d’une institution prestigieuse à caractère économique et financier. Une sorte de grand bureau d’études avec des spécialistes dans plusieurs domaines qui ont travaillé dans des dizaines de pays en Afrique, au Proche-Orient et ailleurs.
Et parce que l’AFD est également une banque de développement qui gère les fonds consacrés par l’Etat français à la coopération économique et accorde à ce titre des dons et des crédits à moyen et long termes pour financer des projets.
A ce titre, elle dispose d’une grande expérience et d’une vaste expertise en matière de politiques sectorielles et de gestion de projets de développement avec des compétences pointues dans tous les domaines d’activité, y compris l’environnement et le milieu urbain.
Trois thèmes sont retenus.
La lutte contre les inégalités de revenus et la promotion du développement des régions intérieures défavorisées. Il s’agit d’un thème de réflexion et d’un problème à la fois complexe et épineux. Comment entamer le développement régional, faut-il d’abord créer des districts regroupant chacun plusieurs gouvernorats afin de disposer d’un cadre et d’une taille optimale, pour entamer des projets de développement ?
Ou faut-il réaliser en priorité les infrastructures de base nécessaires pour favoriser l’implantation des entreprises économiques ou plutôt accorder des incitations fiscales et financières aux investisseurs ou encore les deux à la fois ?
Quel rôle pour l’Etat et quelle place pour les promoteurs privés, le partenariat public-privé ?
Comment réussir la transition énergétique et écologique ?
Il reste beaucoup à faire en matière d’efficacité énergétique, d’audit énergétique pour les gros consommateurs, de rationalisation de la consommation d’énergie, de promotion du bâtiment écologique.
En matière de protection de l’environnement et de promotion de l’écologie, tout est à faire dans notre pays, depuis le tri sélectif des ordures ménagères jusqu’à l’incinération pour la production d’énergie.
Le désert avance chaque année de 50 à 100.000 ha, il menace les oasis et le Centre du pays : il y a urgence de le combattre.
L’internationalisation des entreprises tunisiennes, publiques et privées sur les marchés africains : l’intention existe.
Mais il n’y a pas de plan d’action global ni de stratégie efficace et encore moins de banque tunisienne pour accompagner les entreprises dans “leur aventure” en Afrique.
Des organes permanents ont été mis en place pour veiller au bon déroulement de ce dialogue stratégique : un comité de pilotage et trois comités techniques pour assurer la concrétisation et la réussite de cet exercice novateur réservé, semble-t-il, aux partenaires privilégiés de l’AFD. Cela implique la participation, outre celle des responsables du ministère du Développement, du CERES, de l’Institut tunisien de compétitivité et des études quantitatives, ainsi que du Conseil des analyses économiques.