C’est par surprise et au moment où notre pays en avait le plus besoin, que les “poids lourds” de l’économie européenne et de la finance mondiale ont décidé de se déplacer à Tunis pour afficher un appui ferme et de valeur au sauvetage et à la relance de l’économie tunisienne.
En effet, à la mi-juillet, nos partenaires politiques et économiques européens et internationaux s’apprêtaient à prendre des vacances bien méritées après un semestre particulièrement chargé en événements, réunions, déplacements et décisions prises dans tel ou tel pays, tel ou tel domaine d’activité. S’ils ont décidé après concertation, de trouver 48 heures dans leur agenda pour venir en Tunisie ensemble, c’est que la situation est alarmante et l’événement urgent.
A notre avis, cet événement n’a pas trouvé dans nos médias l’écho qu’il méritait et dans l’opinion publique l’impact et la place qu’il aurait dû avoir.
Il est légitime de se poser d’abord la question suivante : pourquoi tant “d’acharnement” de la part des institutions européennes et des bailleurs de fonds internationaux de venir en aide à un petit pays par la superficie et la population, qui se débat dans des difficultés économiques et perturbations sociales sans fin, suite à des dissensions politiques nées à partir du soulèvement démocratique du 14 janvier 2011 ?
Pour faire court la transition démocratique traîne en longueur, non suivie par une relance économique.
Plusieurs causes apparentes et cachées peuvent justifier la continuité et même l’intensification du soutien international à notre pays.
La Tunisie est le seul pays, à part l’Egypte qui est un cas particulier, parmi ce qu’on appelle les pays du “printemps arabe”, à avoir réussi (relativement) son processus de transition démocratique sans guerre civile ni conflit armé avec interventions militaires étrangères, même s’il y a encore dans notre pays comme partout ailleurs des attentats terroristes.
Il y a là de quoi susciter de la sympathie et provoquer des partenariats et des accords de coopération.
La réussite de notre pays serait bien vue par le monde. Notre pays est certes un petit marché pour nos amis européens mais un marché stable et en progression pour les produits industriels européens.
Près de 3000 entreprises extérieures ont investi en Tunisie pour produire et exporter à des prix compétitifs : ces entreprises ont besoin de stabilité de leur environnement et de paix sociale pour continuer à prospérer et à se développer.
La croissance économique et le développement de la Tunisie peuvent et doivent constituer un rempart de protection de l’Europe vis-à-vis du déferlement de la vague migratoire originaire d’Afrique subsaharienne, considérée comme un danger et un risque par les gouvernements européens.
Les Etats européens ont des ambitions pour ce qui est de l’exploitation des réserves libyennes de pétrole mais aussi de l’immense marché de reconstruction de la Libye qui se profile à l’horizon. Or, la Tunisie est la porte d’entrée de la Libye : il y a intérêt qu’il y ait en Tunisie stabilité socio-politique et prospérité économique pour assumer le rôle de base- arrière et de plate-forme.
Pensant son séjour en Tunisie, la délégation menée par le Commissaire européen de la politique de voisinage et négociations d’élargissement, Johannes Hahn, a pu rencontrer tous les partenaires politiques et sociaux du pays à l’exception de l’UGTT, probablement pour éviter des discordances sinon pour des problèmes de calendrier.
La délégation a rencontré le président de la République, celui de l’ARP et le Chef du gouvernement, ainsi que le président du patronat et plusieurs ministres et responsables de la sphère économique et financière.
Rappelons que la délégation était composée des responsables de huit institutions financières : AFD (France), BAD, BEI, BERD, Banque mondiale, FMI, FKW (Allemagne) et SFI.
Les décisions annoncées portent sur leur accord pour octroyer 5,5 milliards d’euros, soit près de 17 milliards de dinars sous forme de dons et de crédits, dont 2,5 milliards d’euros (7,7 milliards de dinars) pour les années 2018 et 2019. Trois autres milliards supplémentaires pourraient être consentis sous forme d’investissements. Le problème, c’est que notre Administration ne s’active pas toujours au rythme qui convient avec la volonté qui s’impose pour préparer les dossiers d’appels d’offres afin d’engager la réalisation des projets de développement et de mener les chantiers à terme conformément aux délais prévus.
Nos études techniques et économiques ne sont pas toujours prêtes pour mériter les financements extérieurs.
La BERD et la SFI (filiale BM pour le secteur privé) sont disposées à organiser à Tunis en septembre 2018 une conférence pour financer des projets à court terme sur la base du PPP.
Il s’agit certes d’un soutien de grande valeur, ferme et sans réserves, sans précédent, accordé non seulement par la Commission européenne et ses deux grandes banques de développement, mais aussi par les principales institutions financières internationales, y compris le FMI dont les analyses et les décisions servent de baromètre pour conditionner et justifier le comportement des grands argentiers du monde vis-à-vis de notre pays.
Ce soutien est arrivé “au bon moment”, celui du doute en nos propres capacités de relance et du manque de confiance de la part de l’UGTT dans un gouvernement qui déploie des efforts en matière de réformes mais doit en accélérer le rythme, qui commence à obtenir des résultats modestes et qui a besoin de stabilité et de temps pour “mieux faire”.
Il a pris un élan qui ne doit pas être brisé, car les gouvernements précédents n’ont fait que démériter sur tous les plans.
Il appartient à notre pouvoir exécutif avec ses deux têtes, de faire de l’appui ferme européen et international un gage de réussite et de succès pour la relance de l’investissement, l’accélération du rythme des réformes, les plus urgentes étant celles des entreprises publiques, des caisses sociales, et de la fiscalité qui devrait nous permettre d’assainir les finances publiques, mais aussi d’intensifier le taux de la croissance économique.
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