Annoncé comme une épreuve de vérité pour Youssef Chahed, Chef du gouvernement, le vote de confiance de l’Assemblée des représentants du peuple au nouveau ministre de l’Intérieur, se transforma en une simple balade de santé. Alors que de nombreux observateurs redoutaient un vote hostile, notamment de son propre parti, ainsi que des partis centristes et de certaines autres formations qui se réclament de la gauche souhaitant de tous leurs vœux le départ de tout le gouvernement, le résultat obtenu au bout d’un débat houleux, long et de gesticulations déplacées et peu fondées, a fait subir à Nidaa Tounes un cinglant camouflet.
On a eu l’impression que Youssef Chahed jouait sur du velours en prouvant à ses détracteurs, y compris ses ennemis jurés de son propre camp, qu’il est sûr de ses arrières et que sa survie ne dépend pas beaucoup du clan resté au ordres de Hafedh Caïd Essebsi, qui a pourtant juré, sans le pouvoir, de ne pas accorder la confiance de son bloc au nouveau ministre de l’Intérieur
En effet, depuis environ deux mois, Youssef Chahed a repris l’initiative à son compte, réussi à mobiliser des appuis solides et à isoler le Directeur exécutif de Nidaa Tounes qui, malgré le ralliement de certaines figures qui ne pèsent pas lourd et les pressions qu’il a voulu exercer sur les députés de Nidaa, a perdu la partie en se trouvant étrangement seul. Le revirement de dernière minute de Hafedh Caïd Essebsi et son mot d’ordre d’accorder leur confiance au nouveau ministre de l’Intérieur, ne lui permettent pas de sauver la face. Il connaissait d’avance que les dés ont été pipés, que le vote de confiance était favorable, et que sa tentative ne pouvait être entendue que comme une manœuvre pour ne pas s’avouer vaincu, ou ne pas paraître en porte-à-faux avec la majorité des députés de son bloc qui ne reconnaissent plus sa légitimité et n’obtempèrent plus à ses directives.
Camouflet également pour les partis centristes, notamment Macharou Tounes de Mohsen Marzouk et de la Tunisie d’abord, et les partis de gauche qui, malgré leurs réquisitoires contre le gouvernement de Youssef Chahed et leurs gesticulations excessives dans le débat au parlement, n’ont pas pesé lourd et se sont illustrés par leur absence qui ne constitue nullement un titre de gloire, mais reflète leur incohérence et la faiblesse de leur discours.
En revanche, le vote de confiance, dont le résultat fut plus que confortable pour Youssef Chahed, est de nature à lui donner de l’assurance et montrer à tous ceux qui ne cessent de le défier en demandant l’activation par le président de la République de l’article 99 de la Constitution ou qu’il demande à nouveau la confiance à son gouvernement, que la donne a changé de fond en comble en sa faveur.
Dans cette crise politique étouffante et bloquante, Youssef Chahed a réussi la gageure de diviser Nidaa Tounes, de mettre son Directeur exécutif dans une situation fort embarrassante, de forcer les élus de son parti à faire un revirement de dernière minute et d’obtenir un poids qui lui permet de poursuivre tranquillement la conduite des affaires du pays sans courir les risques qui ont conduit, il y a deux ans, Habib Essid à jeter l’éponge en désespoir de cause.
En défiant Hafedh Caïd Essebsi, dans un premier temps, en faisant capoter l’accord de Carthage 2, ensuite en jouant la carte très incertaine de l’UGTT, en dernier ressort, Youssef Chahed a su tirer le tapis sous les pieds de ses détracteurs, gagner du temps et rendre caduc un changement total de l’équipe au gouvernement dans le contexte incertain actuel.
Tout en bénéficiant d’un répit inespéré, le gouvernement de Youssef Chahed, qui a joué à fond la carte de la résistance, en mettant à profit la longue période d’immobilisme qui a empreint la vie politique, pour montrer sa capacité de gérer une situation complexe, de bénéficier de l’appui des bailleurs de fonds internationaux et de faire valoir les premiers signes d’une reprise de l’activité économique, reste confronté à de grands défis.
Pour faire taire définitivement les nombreuses voix qui continuent à chercher son départ, Youssef Chahed est appelé plus que jamais à agir et convaincre. Son équipe se trouve dans l’obligation de changer de mode opératoire, en jouant plus l’homogénéité, la solidarité et en assumant pleinement ses responsabilités. Il ne lui est plus permis de se complaire dans une gestion approximative d’une crise systémique qui a fini par gangrener la plupart des secteurs vitaux et altérer la confiance des Tunisiens.
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