La presse francophone s’est particulièrement penchée sur deux sujets qui ont marqué l’actualité : l’élection égyptienne et le simulacre d’élection en Syrie. Si la première est parfois présentée comme un espoir pour le peuple égyptien, la deuxième suscite au mieux le scepticisme, sinon la colère. Pendant ce temps, le chaos s’étend peu à peu en Libye… Tour d’horizon.
La double victoire d’Al Sissi
Près de 97 % pour Al-Sissi. En chiffres, cela donne 23.780.104 bulletins en sa faveur contre 757.511 voix pour le candidat de gauche. Reconnaissant sa défaite, le candidat malheureux a fait part de son indignation devant un tel plébiscite déclarant que les résultats étaient «une insulte à l’intelligence des Égyptiens.»
Les félicitations et autres marques de soutien ne se sont pas fait attendre. Comme le souligne Le Monde, « Le roi d’Arabie saoudite, dont le pays est l’un des principaux soutiens de M. Sissi depuis qu’il a destitué Morsi, a qualifié de «journée historique» l’élection du nouveau président et a appelé à une conférence des donateurs pour «aider l’Égypte à sortir de sa crise économique»».
L’Égypte s’est dotée d’un autre allié de poids, les États-Unis d’Amérique. Le Figaro du 4 juin, rappelle que le président Barack Obama s’entretiendra dans les prochains jours avec le nouveau chef de l’État, en soulignant que «Washington est impatient de travailler avec Sissi «pour faire avancer notre partenariat stratégique et les nombreux intérêts communs aux États-Unis et à l’Égypte».
Après une année de lutte sans merci à l’encontre des adeptes de Morsi, ces soutiens marquent une victoire de taille sur l’islamisme politique en Égypte. Sans compter la victoire de l’Arabie saoudite et de ses alliés sur le Qatar, soutien indéfectible des Frères musulmans. Depuis le Printemps arabe, l’Égypte est un terrain de multiples manoeuvres pour les pétromonarchies. A ce propos, RFI, rappelle que le roi d’Arabie saoudite a déclaré «ceux qui n’aideront pas l’Égypte, alors qu’ils en ont les moyens, ou s’ingèreront dans ses affaires intérieures se seront attaqués à l’islam et à l’arabité ainsi qu’à l’Arabie saoudite». Rappelons qu’après l’éviction du président déchu Morsi, l’Arabie saoudite et ses alliés, le Koweït et le Bahreïn, avaient injecté une somme de 12 milliards d’euros pour soutenir le nouveau régime.
Election surréaliste en Syrie
15 millions, c’est le nombre d’électeurs syriens qui étaient priés de se rendre aux urnes pour renouveler le mandat du chef de l’État syrien, mercredi dernier. Une «farce» selon l’opposition, une «honte» pour les États-Unis. Sur RFI, Thomas Pierret, maître de conférences sur l’Islam contemporain à l’université d’Edimbourg explique :
«Il y a toute une série de conditions qui limitaient à l’extrême le nombre de candidats qui pouvaient se présenter. Ensuite, il y a les circonstances dans lesquelles se produisent les élections : trois années de massacres, de destructions inimaginables, de déplacements de 40% de la population… Tout ça est l’antithèse de ce qu’on pourrait appeler un climat propice à des élections démocratiques. Deux malheureux candidats se sont présentés contre Bachar el-Assad, personne ne les connaît… même s’ils faisaient un score honorable, je pense que le ministère de l’Intérieur s’arrangerait pour le maquiller et on peut s’attendre à ce que Bachar el-Assad s’en tire avec un score stalinien. Enfin, il y a toute la machine de l’État derrière le «candidat» Bachar el-Assad : une sorte de campagne officielle étatique pour un des candidats.»
Plus de 160.000 morts sont à déplorer selon l’Observatoire syrien des Droits de l’Homme depuis le début du conflit. Aucune situation de sortie de crise dans un pays où plus de 2 millions d’habitants ont fui vers la Jordanie ou le Liban, ce qui créé des crises dans ces pays d’accueil. Comme le souligne Thomas Pierret, la dynastie des Assad va se perpétuer, et l’objectif premier de Bachar est d’effectuer un mandat à vie, passant ensuite le flambeau à son fils. Les Kurdes, qui représentent 15 % de la population, ont en majorité boycotté le scrutin.
La semaine passée, on apprenait, sans réelle surprise, la victoire de l’ex-«président» à plus de 88 % des voix. Il est donc légalement élu jusqu’en 2021. Le taux annoncée de participation s’élevait à plus de 75 %. Rappelons tout de même que dans certaines entreprises toute abstention pouvait être signalée…
Les deux autres candidats : Hassan al-Nouri et Maher al-Hajjar ont obtenu respectivement 4,3 % et 3,2%.
Le G7, qui se réunissait le 4 juin avant la commémoration du soixante-dixième anniversaire du débarquement de Normandie, a publié un communiqué dénonçant «un simulacre d’élection». La responsable de la diplomatie européenne a déclaré que «l’élection était illégitime et minait les efforts politiques pour trouver une solution à cet horrible conflit». «Nous appelons le régime à reprendre de véritables négociations politiques qui créeront les conditions permettant la réelle expression de la volonté du peuple syrien.»
Pour le chef de l’opposition en exil, Ahmad al-Jarba, «les dictateurs ne sont pas élus, ils gardent le pouvoir par la force et la peur, ce sont les deux raisons qui poussent les Syriens à participer à cette mascarade.»
Lakdhar Brahimi, ex-médiateur de l’ONU pour la Syrie, vient noircir davantage le tableau. Il prédit que «la Syrie va devenir une deuxième Somalie»…
Libye, le désastre continue
La contestation gronde depuis l’élection au poste de Premier ministre, grâce aux voix des élus islamistes, d’Ahmed Mitig. Le Congrès national est scindé en deux camps. L’ex-gouvernement d’Abdullah Al Theni ne veut pas lâcher le pouvoir. Le budget 2014 qui n’a toujours pas été voté. Pour parfaire le spectacle, la cour constitutionnelle libyenne vient d’annuler la nomination de Mitig…
Le Général dissident Khalifa Haftar guerroie toujours contre le terrorisme depuis Benghazi. Débutée à la mi-mai, son opération «Dignité» soutenue par l’armée de l’air, des bataillons d’élite de l’armée entend «purger le pays des terroristes». Au-delà du « Parlement », l’opinion publique est elle-même divisée. Certains voient en Haftar un Coup d’État et une ingérence américaine, d’autres espèrent le retour à la paix et à la stabilité qu’il pourrait apporter. En attendant, des heurts entre pro et anti-Haftar font encore rage.
Le cas Haftar divise même le Maghreb. Tandis que le Maroc préfère apparemment soutenir le gouvernement actuel, Alger s’est rangée aux côtés du Général dissident.
Loin des opérations internes aux villes côtières, Courrier International rapporte qu’aucun «officiel n’en a parlé et pourtant l’Armée nationale populaire algérienne (ANP) serait, depuis le 29 mai, en guerre contre les groupes terroristes dans l’Ouest libyen. Le jour même du début supposé de l’offensive, le quotidien britannique The Times confirmait l’information, citant le think tank britannique The Henry Jackson Society, dont un haut responsable annonçait un envoi de forces spéciales américaines, françaises et algériennes dans le sud libyen avec pour principal objectif l’élimination des terroristes d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), la destruction de leur infrastructure d’armement, de communication et d’entraînement dans la région.»
La Libye est loin d’avoir arrivé au bout du tunnel. Près de Trois ans après avoir écarté Kadhafi, la situation s’enlise peu à peu et le pays n’est pas prêt de retrouver la stabilité.
Loris Guillaume