Le deuxième forum de la presse maghrébine s’est tenu à Hammamet du 28 au 30 mai 2014 sur le thème « Quelles menaces sur la presse maghrébine aujourd’hui ? ». Comme le premier forum, tenu en janvier en 2013, il a bénéficié du soutien de la Délégation de l’Union européenne en Tunisie et de l’engagement personnel et institutionnel de Son Excellence Mme Laura Baeza, ambassadeur, chef de la Délégation de l’Union européenne en Tunisie. Cette deuxième session du forum a réuni journalistes, éditeurs de presse et professionnels des médias maghrébins. Pendant deux jours (le 29 et le 30 mai), ils ont procédé à l’analyse et l’évaluation de l’état de la presse maghrébine.
Les naces sont multiples. Elles pèsent à la fois sur le journaliste et sur l’entreprise de presse. Le sort tragique que subissent les journalistes libyens témoigne d’une situation extrême, mais elle n’est pas sans rappeler celle qu’ont vécue leurs collègues algériens pendant la décennie noire. Les menaces qui pèsent sur les journalistes tunisiens n’ont pas disparu. Un journaliste mauritanien est kidnappé en Syrie depuis des mois, sans oublier les tracasseries et les pressions que subissent des journalistes algériens et marocains.
Harcèlement et violence, censure et pression pèsent à différents degrés sur le journaliste et sur le secteur de la presse et des médias dans les cinq pays du Maghreb. S’ajoutent à ces menaces auxquelles le journaliste fait face : la précarité de ses conditions socio-économiques…
Les entreprises de presse sont également menacées. Le manque de viabilité économique des entreprises de presse dû à la faiblesse des fonds publics d’appui, à l’insuffisance des initiatives de mutualisation des moyens matériels et techniques des entreprises, à l’effondrement du lectorat, la chute des tirages, etc.
Certains problèmes sont communs à l’ensemble des pays maghrébins et d’autres diffèrent d’un pays à un autre. Au registre du commun, on peut dégager quatre caractéristiques : harcèlement et violence, existence et persistance des lignes rouges, usage de la publicité comme un moyen de pression, argent politique, nécessité de réformer les lois qui encadrent le paysage médiatique.
L’argent politique et la publicité sont des outils de pression dans les pays du Maghreb. Il existe des pratiques monopolistiques en matière de financement et de distribution et même la publicité privée émane de ceux qui sont proches du pouvoir.
Aussi, la presse papier est déstabilisée par les l’importance prise par les réseaux sociaux et la presse électronique, qui, elle aussi, souffre du piratage et du non respect des droits de l’auteur.
Les lois encadrant le paysage médiatique au Maghreb constituent aussi des menaces sur la liberté de presse. Aussi, l’absence d’instances d’auto régulation et de surveillance de l’éthique et de la déontologie, fragilise aussi la profession.
A l’issue de cette rencontre, il a été décidé de créer un Observatoire de la presse maghrébine, dont la charge a été confiée à M. Hassan Arfaoui, Directeur de rédaction de réalités. Aussi, l’assemblée des journalistes et éditeurs de presse maghrébins a publié les communiqués suivants :
L’Observatoire de la presse maghrébine est né
Nous, journalistes, éditeurs de presse et professionnels des médias maghrébins, réunis à Hammamet du 28 au 30 mai 2014, dans le cadre du deuxième forum de la presse maghrébine, ayant fait l’analyse et l’évaluation de l’état de la presse maghrébine, avons convenu que les principales menaces qui handicapent notre profession à l’échelle maghrébine sont multiformes et principalement :
– le manque de viabilité économique des entreprises de presse dû à la faiblesse des moyens matériels, à l’insuffisance des initiatives de mutualisation des moyens matériels et techniques des entreprises, à l’effondrement du lectorat et l’usage de la publicité comme moyen de pression sur les médias, etc. ;
– la précarité des conditions socio-économiques du journaliste maghrébin ;
– les agressions et les atteintes à l’intégrité physique des journalistes dans des contextes politiques parfois incertains et marqués par les surenchères des groupes extrémistes ;
– l’inadéquation des cadres juridiques et légaux pour l’exercice d’un journalisme indépendant mis au service du droit des citoyens maghrébins à une information de qualité ;
– l’absence d’instance collective de veille et de solidarité à l’échelle maghrébine ;
Dans ce contexte, les participants ont convenu de :
1I Mise en place sans délai de l’Observatoire de la presse maghrébine conformément à la recommandation du 1er forum de Hammamet le 24 janvier 2013 doté d’un secrétariat permanent dont la mission sera d’accomplir toutes les formalités juridiques et administratives nécessaires au démarrage sans délai des activités de l’Observatoire de la presse maghrébine;
2I Le secrétariat général est chargé d’établir toutes les relations nécessaires avec les partenaires institutionnels maghrébins et européens en vue de la mise en place effective et du démarrage urgent des activités de cet Observatoire.
3I Les participants réitèrent leur attachement au processus déclenché par le 1er forum de Hammamet initié par la Délégation de l’Union européenne en Tunisie et renouvellent leur profonde gratitude à Son Excellence Mme Laura Baeza, ambassadeur, chef de la Délégation de l’Union européenne en Tunisie pour son engagement personnel et institutionnel en faveur des processus de transition démocratique et de la liberté de la presse à l’échelle maghrébine.
Solidarité avec les journalistes libyens :
Nous, journalistes, éditeurs de presse et professionnels des médias maghrébins, réunis à Hammamet du 28 au 31 mai 2014 dans le cadre du deuxième forum de la presse maghrébine, suivons avec inquiétude et consternation les liquidations physiques de journalistes libyens et les lourdes menaces qui pèsent sur nos confrères dans l’exercice de leur mission, tenons à :
– Condamner énergiquement ces actes barbares qui visent à réduire au silence nos confrères libyens et priver ainsi les citoyens libyens d’accéder à la vérité ;
– Mettre tous les protagonistes de la scène politique libyenne face à leurs responsabilités politiques et juridiques qui leur imposent d’assurer la protection de nos confrères libyens ;
– Appeler les Gouvernements maghrébins à intervenir d’urgence auprès des différents protagonistes de la scène politique libyenne pour faire cesser le massacre de nos confrères ;
– Exhortons la communauté internationale à assumer ses responsabilités en usant de tous les moyens de pression dont elle dispose pour poursuivre et sanctionner les auteurs, parmi les groupes armés, de ces actes ignobles devant les juridictions appropriées ;
– Rappelons le cas de notre confrère mauritanien, Ishak Ould Mokhtar, envoyé spécial de la chaine TV Sky News, kidnappé depuis octobre 2013 par des groupes armés dans la région d’Alep en Syrie et appelons le gouvernement mauritanien ainsi que tous les acteurs influents sur la question syrienne à déployer tous les moyens nécessaires à sa libération ;
– Exprimons notre entière solidarité à nos confrères libyens et notre compassion aux familles des victimes.
Hassan Arfaoui
Secrétaire général de l’Observatoire de la presse maghrébine