Il y a depuis trois ans, une prolifération catastrophique de défaillances dans différents secteurs d’activité vitaux pour la bonne marche de l’économie nationale, préjudiciables, aussi bien aux intérêts des producteurs agricoles et des industriels locaux qu’au pouvoir d’achat, déjà chancelant des ménages tunisiens.
Ces pertes dramatiques subies par les acteurs de l’économie nationale sont dues à la perte de l’autorité de l’Etat, à l’incapacité et à la démobilisation de l’Administration dans son rôle d’impulsion et de contrôle, à l’absence de volonté et d’action du pouvoir politique, mais aussi, à l’inexistence de stratégies de développement et de mise en œuvre de politiques sectorielles ciblées et cohérentes, à moyen et long termes, avec des objectifs précis.
Il y a aussi un déficit flagrant en matière d’infrastructures économiques aussi bien dans les régions de production qu’au niveau national.
En effet, il y a peu de marchés de gros au sens vrai du terme : entrepôts frigorifiques pour stocker les produits, abattoirs modernes conformes aux normes d’hygiène, parkings, salles de vente…
Il y a peu d’usines de transformation des produits agricoles hors du Cap Bon et du Grand-Tunis (34 seulement en totalité)…
Le marché de gros à vocation nationale de Bir Kassaa qui date de près d’un demi-siècle est saturé et totalement dépassé.
Le projet d’implantation d’un autre marché de gros national ultra-moderne qui a fait l’objet d’une étude préliminaire par le ministère du Commerce à la fin des années 2000 et qui devrait avoir une vocation exportatrice et être construit sur 50 ha entre Tunis et Utique, tout près de l’autoroute de Bizerte, a été “confié” aux oubliettes.
Cet investissement devait coûter 100 millions de dinars à l’époque.
Il y a également un manque de superstructures économiques, maillon faible qui réside dans l’absence de mécanismes de commercialisation des produits agricoles pour le compte des producteurs, mais aussi d’approvisionnement en semences et plants sélectionnés, engrais, articles de protection des fruits, phytosanitaire d’emballage et de conditionnement…
L’économie ayant horreur du vide, ce sont les spéculateurs qui ont accaparé ce vide pour l’exploiter à leur profit à grand renfort de camions, d’entrepôts et d’argent cash.
Les destructions constatées sont catastrophiques et inadmissibles pour un pays qui souffre d’une pauvreté croissante. L’Etat est incapable de maîtriser les circuits de commercialisation ou de mettre en place des institutions habilitées à ce effet.
Notre pays sait, plus ou moins, faire face aux périodes de pénurie. C’est facile, on importe en catastrophe pour inonder le marché vu la pression des besoins. Mais en cas de surproduction et d’abondance, c’est le désarroi : effondrement des prix, pertes et destructions de récoltes.
Alors que les solutions existent : conservation réfrigérée pour réguler le marché, promotion des exportations, développement des industries de transformation,…
Mais tout cela implique des prévisions, des initiatives, de la préparation, de l’imagination et de la concertation de la part des institutions étatiques qui sont en réalité défaillantes, car “prisonnières” de carcans administratifs, de réglementations désuètes frappées d’inertie sous prétexte de manque de moyens matériels et financiers. Les pouvoirs publics déplorent cette manne qui trouble leur tranquillité et leur bonne conscience.
Notre pays vit à l’heure de la désindustrialisation directe et indirecte, sous diverses formes avec des constats évidents. C’est ainsi que la production industrielles n’a pas cessé de baisser au cours de plusieurs trimestres successifs, tantôt 7% tantôt 3%.
Les exportations de produits manufacturés marquent le pas, malgré la chute incessante du dinar vis-à-vis de l’euro et du dollar. Les importations légales et illégales inondent notre marché, malgré leur renchérissement. Nos industries les plus performantes connaissent des difficultés : habillement, chaussures, industries mécaniques et électriques, chimiques.
Même les entreprises non résidentes connaissent une baisse sensible de la valeur ajoutée de leur produits, sinon un « détournement du profit », conjugué à une baisse d’activité enregistrée au niveau des statistiques du commerce extérieur pour les mois 2018.
En effet, alors que leurs exportations n’ont progressé que de 7% par rapport à 2017, leurs importations de matières premières ont augmenté de 21%, ce qui est le moins que l’on puisse dire une contre-performance. Pourquoi ?
Il s’agit d’un ensemble de mesures, de décisions, de dispositions réglementaires et de politiques sectorielles qui relèvent d’une déplorable gouvernance politique et économique, qui engendrent désinvestissement, marasme social et récession économique, si on les conjugue avec l’absence de confiance, l’instabilité et l’incertitude qui perdurent depuis huit ans.
Les gouvernements successifs ne font qu’éteindre provisoirement des incendies dont ils en ont favorisé la déclenchement à cause de leur inertie et /ou leurs comportements, au lieu d’impulser croissance et développement.