La bataille perdue sur le seuil de représentativité électorale, le tollé provoqué par la décision prise par la Banque centrale de Tunisie de relever, pour la troisième fois de suite, le taux directeur de 100 points et l’annonce officielle du lancement des activités du parti « Tahya Tounes », qui sera une sorte de copie de Nidaa Tounes, ont animé le débat public, suscitant polémiques, inquiétudes, accusations et parfois un dialogue de sourds dans un pays où la classe politique et les acteurs de la société civile ont pris le pli de se focaliser sur les aspects extérieurs, non sur les problématiques de fond.
Le relèvement surprise du taux directeur par la Banque centrale de Tunisie de 100 points a fini par provoquer un véritable tollé, tant dans les médias, que dans le débat public, se transformant rapidement en une nouvelle crise politique et sociale. Dans la polémique qui ne cesse d’enfler et les analyses parfois fantaisistes et contradictoires qui ont suivi l’annonce faite par l’Institut d’émission, aucune voix ne s’est élevée pour dire pourquoi le pays en est arrivé là. Sans nier la facture lourde que le Tunisien aura encore à payer, l’impact de cette grave mesure sur l’investissement qui peine à décoller, ou enfin les pressions exercées sur la Banque Centrale pour qu’elle franchisse le Rubicon, très peu ont osé analyser les raisons profondes qui ont conduit les autorités monétaires à recourir à ce remède de cheval. On s’est simplement fourvoyé dans des diatribes peu fécondes et des surenchères qui cachent mal des calculs politiciens plutôt qu’une réelle volonté de présenter des alternatives sérieuses. Ce scénario-catastrophe qui hante aujourd’hui les Tunisiens, n’était-il pas prévisible depuis maintenant au moins deux ans ? L’effet surprise et la réaction violente, qui sont autant légitimes, ne devraient pas occulter une évidence et une réalité. Le pays est en train de cueillir les fruits amers de plus de huit ans d’errements, de gestion calamiteuse de ses affaires, d’incompétence de ses dirigeants, d’irresponsabilité de ses organisations et de nonchalance de sa population. Qu’est-ce qui a été fait depuis 2011 pour éviter ce triste sort ? Rien ou presque.
Par contre, on constate dans une sorte d’impuissance affligeante, la déliquescence de l’Etat, l’impossibilité de conduire le changement, la perte de valeurs essentielles comme le travail et l’effort au profit de l’affairisme, du clientélisme et du clanisme. Résultat : on ne travaille pas, on produit peu et on n’investit plus. En même temps, on s’oppose à toutes les réformes, on bloque la production, on fait des grèves à tout va et on refuse de se plier au Droit et à la Loi. Pour compléter ce décor, on a appris à se voiler la face, en continuant à vivre au-dessus de nos moyens, à se complaire dans les mauvais choix et à croire que ce qui est arrivé à d’autres pays ne nous concerne pas.
L’électrochoc provoqué par la décision de la BCT ne fait que nous réveiller brutalement d’une longue somnolence qui traduit notre incohérence et notre obstination à avoir tourné le dos jusqu’ici à des thérapeutiques douloureuses, qui auraient pu nous faire l’économie d’ un long cycle d’improvisation dans la gestion des affaires du pays dont les dégâts sont aujourd’hui visibles et dont on est en train de payer le prix fort.
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Alors que Nida Tounes ne cesse de vivre une période trouble, où son poids et son image ont été sérieusement écornés par sa gouvernance dynastique, la nouvelle formation qui vient de voir officiellement le jour annonce ses ambitions, son programme d’action et l’organisation, le 28 avril prochain, de son congrès. Son objectif immédiat consiste à approcher les prochaines échéances électorales avec les meilleures chances. Au même moment, Nidaa Tounes peine encore à recoller ses morceaux, des doutes persistent sur la tenue de son prochain congrès et, cerise sur le gâteau, son Secrétaire général, en fuite depuis un certain temps, annonce sa démission du parti et de l’ensemble de ses structures. Celui qui a été propulsé pour sauver ce parti avoue, enfin, à distance son impuissance, « étant convaincu qu’il n’apportera rien à Nidaa Tounes ».
Une fin de scénario prévisible qui n’a pas surpris outre mesure, puisque dès le départ, de nombreux acteurs ont qualifié le mariage conclu entre Nidaa Tounes et l’UPL, de contre-nature. Les événements qui se sont accélérés par la suite ont montré que le stratagème concocté a produit le contraire de ce qui était attendu. Le parti n’a retrouvé ni son unité, ni encore moins une meilleure gouvernance qui lui permet de sauver un tant soit peu ses chances ou de rester un prétendant sérieux pour les prochaines échéances.
Par contre, le nouveau parti, qui se dit centriste et qui aspire à rassembler la famille progressiste et moderniste en Tunisie, pourrait profiter de la déliquescence de Nidaa Tounes , même si tout laisse croire qu’il serait sa duplicata. Ses fondateurs, qui semblent avoir retenu les enseignements des déboires d’un parti qui s’est transformé depuis 2014 en fantôme, réussiraient-ils à gagner la confiance des Tunisiens et à rééditer le même coup gagnant réussi par Béji Caïd Essebsi, il y a presque cinq ans ?
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