Le sommet arabe, qu’a abrité Tunis le 31 mars dernier, fut malgré les gesticulations des uns, les lamentations déplacées des autres et un certain pessimisme ambiant, un événement qui a suscité bien des espoirs et des attentes.
Ceci, en dépit de la conviction profonde qui habite les populations arabes depuis des lustres, de l’impuissance de leurs dirigeants à donner un signal fort de leur volonté de changer l’ordre des choses et de donner un sens à la communauté du destin de ces pays et à la convergence de leurs intérêts.
Un pessimisme que justifie la situation très difficile et complexe que traverse la majorité des pays arabes, incapables de surmonter leurs divisions, théâtre de conflits de plus en plus meurtriers, courant des risques sécuritaires graves et des menaces terroristes de plus en plus persistantes, souffrant d’une pauvreté et d’un chômage endémiques et faisant de leur complémentarité et de leur solidarité un leurre.
L’importance du 30e sommet de la Ligue arabe de Tunis, qui marque en même temps le 74e anniversaire de cette organisation, provient de la particularité du contexte régional, des enjeux géostratégiques qui sont en train de se dessiner et des menaces existentielles qui pèsent sur cet ensemble peinant à retrouver ses repères et à construire un consensus qui lui permet de provoquer une véritable rupture à même de fournir à ses peuples des arguments pour envisager l’avenir avec espoir.
Un sommet dont l’ambition a été de donner un nouveau souffle à l’action et au rôle de la Ligue arabe, marquer une prise de conscience plus que jamais vitale pour relever des défis communs et en même temps, arrêter une spirale infernale aujourd’hui à l’origine de tous les malheurs que vit cette région du monde.
Il survient au moment où le monde arabe apparaît divisé, épuisé par des conflits qui sont en train de le démembrer, menacé plus que jamais par Israël, par une vague terroriste et faisant face à des problèmes qui menacent son identité, son histoire et sa géographie.
Au regard de la gravité de la situation et de l’ampleur des défis, il a été tout à fait loisible de s’attendre à un sursaut d’orgueil à cette occasion, à une réaction qui marquerait le réveil des dirigeants et leur propension à assumer leurs responsabilités historiques, afin d’éviter l’irréparable. On a rêvé que cette réunion au sommet donne lieu à un message fort qui renseigne sur la prise de conscience de ceux qui président aux destinées de cette région du monde, pour changer de cap, agir autrement et limiter les dégâts de plus d’une décennie d’errements, d’inaction et de marginalisation des institutions arabes communes.
Le moment fut propice pour sauver au moins les apparences, enterrer la hache de guerre, montrer au monde que ces pays sont capables de prendre une décision forte et courageuse lorsqu’il s’agit de la question palestinienne, de la décision du président Trump reconnaissant la souveraineté d’Israël sur le Golan, de l’impératif de mettre fin au bourbier que connaissent la Libye et la Syrie, de trouver une solution à ce qui se passe au Yémen, de mettre en place une stratégie prémunissant ces pays contre un terrorisme rampant qui s’est nourri depuis longtemps d’un discours haineux et dogmatique et d’une pauvreté endémique.
C’est pour cette raison évidente que, malgré tous les problèmes et les difficultés qui sévissent un peu partout dans la région arabe, le Sommet de Tunis a suscité quelques espérances. Il était temps en effet, pour tout le monde, d’inscrire dans une feuille de route engageante, les questions de paix, de sécurité, de résolution des conflits, de réponse aux visées hégémoniques et bellicistes d’Israël et de son allié naturel, et d’option volontaire pour un processus qui donnera à l’action arabe commune, un contenu concret. Il était attendu que ce sommet marque un déclic, donne un message qui permet aux populations de la région de reprendre espoir et aux pays de la région de faire face à des défis communs et des menaces dont personne n’est à l’abri.
En dépit de tous les efforts déployés par la Tunisie pour conférer à ce sommet une autre dimension, et des documents discutés, l’on a fini par se rendre à l’évidence que tous les dossiers chauds, les sujets de friction et les enjeux vitaux de l’étape, n’ont pas mérité plus que de déclarations vagues et d’engagements improbables.
A Tunis, il s’est avéré impossible pour les dirigeants arabes de transcender leurs différends et de se mettre autour d’une même table pour résoudre leurs divergences ou apporter des réponses claires à des conflits qui ne font que gagner en intensité.
Quelle résolution a été prise contre la décision unilatérale de l’Administration américaine reconnaissant la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan annexé, pourtant dénoncée par la communauté internationale ? Quelle réponse déterminée face à l’aggravation de la situation dans les territoires occupés et aux agressions sans précédent d’Israël contre les populations et sur les symboles qui renvoient au caractère arabe d’Al Qods ?
On attendait des décisions courageuses afin d’éviter à cette région un avenir incertain et des dangers existentiels, on a pu constater au final des dirigeants qui se sont ignorés, qui n’ont pas eu le courage de sauver les apparences et de donner l’illusion qu’ils sont capables de s’adresser la parole les uns les autres.
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