Non constitutionnel, au dessus de la loi et peut nuire à la souveraineté du secteur du tourisme. La fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH) condamne fermement le projet de loi portant sur la création d’une société de gestion des actifs des entreprises endettées principalement les hôtels.
“L’heure est grave”, selon Radhouan Ben Salah président de la FTH. Celle-ci ne condamne pas uniquement, mais fait tout ce qu’elle peut pour annuler ce projet en tout cas pas dans sa version actuelle. Un projet proposé par le gouvernement de la Troïka et reconduit par le gouvernement Mehdi Jomâa dans le cadre de la loi des finances complémentaire 2014. Il faut rappeler que la création de cette société publique a été recommandée par une étude menée durant six mois (décembre 2011-juin 2012) par le ministère du Tourisme, en collaboration avec le ministère des Finances, la Banque centrale de Tunisie (BCT) et la Banque Mondiale (BM).
Un projet de loi inconstitutionnel
Plus de 100 hôteliers sont dans l’incapacité de rembourser leurs dettes. L’endettement du secteur touristique arrêté à fin 2010 avoisine les 3.411 millions de dinars. La Révolution n’a fait qu’alourdir ces dettes et entraîner la fermeture de 24 établissements hôteliers et la perte de 1 500 emplois. Ces mêmes dettes représentent une bonne partie des créances accrochées des banques tunisiennes.
Selon le gouvernement Troika et particulièrement Elyes Fakhfakh, ministre des Finances, «l’idéal pour les hôteliers est d’ouvrir le capital de leurs sociétés à de nouveaux partenaires locaux et étrangers» la commission qui a promulgué ce projet de loi était constituée des représentants des ministères du Tourisme, des Finances et de la BCT. Par contre les professionnels ont été juste consultés dans le cadre de cette étude.
«Certes le secteur vit une crise chronique qui dure depuis une décennie, mais ce projet de loi pourrait nous enfoncer encore dans la crise », a regretté Radhouan Ben Salah. La forme et les prérogatives attribuées à cette société posent problème. En effet cette société selon Ben Salah, possède des prérogatives illimitées et en cas d’abus, les hôteliers n’auront pas le droit de recours judiciaire. Cette société pourra mettre la main sur n’importe quel hôtel endetté et le céder par la suite à un investisseur à moins de 30% de sa valeur initiale. C’est aberrant, revendiquant la profession. Sachant qu’à la base ce projet avait pour objectif la restructuration du secteur bancaire et ce sera au dépend du secteur du tourisme.
Quel est le positionnement des parties prenantes ?
Parce que les relations entre la FTH et le ministère de tutelle ne sont pas au bon terme, nous avons l’impression que la ministre du Tourisme n’a pas contesté fortement ce projet de loi. Le ministre des Finances et de l’économie, Hakim Ben hamouda, a entendu une première fois les professionnels et leur a promis une deuxième rencontre afin de débattre plus le sujet et trouver une solution. Sachant que la Loi des Finances Complémentaire 2014 (LFC) est en cours d’adoption, la commission des finances, du développement et de la planification de l’Assemblée Nationale Constituante, a appelé à promulguer des lois spécifiques pour les articles de 6 à 24 relatifs à la création d’une société de gestion des actifs, en dehors de la loi de finances. Car se projet de loi n’aura aucun impact sur le budget de la LFC. Selon la commission, il convient de traiter ce sujet au niveau de lois distinctes.
Que propose la FTH contre ce projet de loi ?
Dans sa rencontre avec le ministre des finances, la FTH était accompagnée de propositions pour sortir ces hôteliers et le secteur de la crise. La FTH rappelle qu’il faut avant tout « prendre en considération les irrégularités juridiques et financières commises par les banques au dépend des entreprises hôtelières » sur ce, la FTH propose « d’accorder aux hôteliers une décote sur le montant des impayés à ce jour afin de corriger ces irrégularités». Les hôtels dont l’emplacement est inadapté, la FTH propose de changer leur vocation pour faciliter à ses propriétaires de le vendre et rembourser leur dette. Pour les hôtels qui souffrent de sous-capitalisation, « la responsabilité doit être partagée entre le législateur qui a fixé pour ces hôtels un schéma de financement inadapté à l’activité capitalistique qu’est l’hôtellerie, le ministère de tutelle qui n’a pas assuré la promotion du secteur et notamment des nouvelles zones et les banques à cause de leur irrégularités ».
Pour les pionniers du secteur, la solution serait « le rééchelonnement du solde de leurs crédits en cours sur une période de 25 ans à l’image de ce qui se passe dans les pays concurrents ». La FTH propose également « le blocage des intérêts conventionnels dans un compte non productifs d’intérêts remboursés après paiement du principal » pour les autres unités en difficulté et jugées irrécupérables, « leur vente doit être effectuée sur la base d’appels d’offre internationaux. Ces propositions satisferont les banques et les propriétaires des hôtels et sauvera le tourisme d’un coup terrible.
Au cas où le ministère des Finances rejettera les propositions de la FTH et de la commission des finances, du développement et de la planification de l’Assemblée nationale constituante, le projet sera mis au vote des députés. Une fois adopté la FTH aura recours au Tribunal administratif. Et selon la FTH, l’affaire sera gagnée haut la main.
Najeh Jaouadi