L’Égypte a toujours été un acteur clé dans le conflit israélo-palestinien en jouant bien souvent le rôle de médiateur. Cependant, lors des derniers affrontements, elle s’est montrée peu encline à assumer son rôle traditionnel et cherche, malgré sa farouche opposition au Hamas, à revenir dans le jeu en proposant sa propre initiative.
Mardi 15 juillet, Le Caire a proposé une trêve entre Israéliens et Palestiniens alors que le secrétaire d’État américain John Kerry était attendu dans la journée en Égypte. Mais le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, a rejeté tout cessez-le-feu qui n’inclurait pas un accord global sur le blocus de Gaza et le dossier des prisonniers l’opposant à Israël. «Un cessez-le-feu sans parvenir à un accord est exclu. En temps de guerre, on ne cesse pas le feu pour ensuite négocier», a déclaré Fawzi Barhoum, porte-parole du mouvement islamiste. La branche armée du Hamas, les Brigades Ezzedine al-Qassam, a elle aussi rejeté la proposition égyptienne, qualifiée de «reddition» et a menacé d’«intensifier» sa lutte contre Israël. En effet, le Hamas exige l’arrêt des bombardements, la fin du blocus de Gaza en place depuis 2006, l’ouverture du poste frontalier de Rafah avec l’Égypte et la libération des prisonniers arrêtés de nouveau après avoir été relâchés dans le cadre de l’accord d’échange du soldat israélien Gilad Shalit en 2011. Dès lors, que fait l’Égypte face à l’impasse ?
L’Égypte a proposé d’accueillir, sous 48 heures après l’entrée en vigueur de la trêve, les délégations palestinienne et israélienne pour mener des discussions afin de trouver un terrain d’entente et aboutir à un cessez-le-feu. La Ligue arabe a, quant à elle, appelé Israéliens et Palestiniens à accepter cette proposition, saluée aussi par le président américain Barack Obama. De son côté, le président palestinien Mahmoud Abbas a salué l’initiative égyptienne et a appelé les parties à respecter le cessez-le-feu. La Ligue arabe a demandé à la communauté internationale de protéger Gaza, allant dans le même sens que le président Mahmoud Abbas qui veut «placer officiellement l’État de Palestine sous le régime de protection internationale de l’ONU». Cependant, un porte-parole du Hamas a indiqué n’avoir jamais reçu les documents relatifs à la proposition de cessez-le-feu égyptienne. Dès lors, qu’en est-il réellement ? Hostile aux Frères musulmans dont le Hamas est issu, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a, une fois au pouvoir, fait fermer les tunnels qui permettaient le trafic d’armes, mais aussi l’approvisionnement de Gaza, asphyxié par le blocus israélien. Le terminal frontalier de Rafah, unique accès au territoire palestinien à ne pas être contrôlé par Israël, est lui aussi très régulièrement bloqué. En guerre ouverte avec les Frères musulmans du pays, le gouvernement égyptien ne peut se permettre de soutenir ouvertement le mouvement islamiste palestinien, lié à la confrérie égyptienne à tel point que le Hamas a tout bonnement été interdit sur le sol égyptien.
Erreurs de calcul
Sissi souhaite, tout comme le gouvernement israélien, affaiblir le Hamas. Il espère un retournement de situation de la population de Gaza contre ses dirigeants islamistes.
Cependant il faut nuancer. Ni Israël, ni le régime égyptien, n’ont intérêt à détruire le Hamas, car le risque de voir un nouveau groupuscule beaucoup plus radical se former est réel. Les Israéliens ont déjà montré qu’ils ne maîtrisaient pas forcément tous les tenants et les aboutissants de la situation, ils se sont félicités de la chute de Mohamed Morsi et n’ont pas compris, qu’en affaiblissant le Hamas, ils favorisaient la réconciliation inter- palestinienne dont ils ne veulent pas. Le ministre égyptien des Affaires étrangères a vivement critiqué le Hamas, estimant que le mouvement aurait pu sauver des dizaines de Palestiniens s’il avait accepté un cessez-le-feu proposé par Le Caire et accepté par Israël. Après avoir tenté, en vain, de faire accepter un cessez-le-feu peu favorable au Hamas, l’Égypte doit changer de stratégie et composer davantage avec le mouvement islamiste dans sa médiation pour mettre fin au conflit à Gaza. Pour sa première proposition de cessez-le-feu, qui serait entré en vigueur mardi 15 juillet, Le Caire avait apparemment consulté Israël, mais pas le Hamas. En rejetant officiellement, mercredi 16 juillet, l’initiative de cessez-le-feu avec Israël, le Hamas a veillé, dans les formes, à ménager le médiateur égyptien. Pourtant, les responsables des mouvements palestiniens de la bande de Gaza dénonçaient un accord à l’avantage d’Israël, négocié entre Le Caire et Tel-Aviv sans consultation avec la partie palestinienne.
Inès Aloui