L’inclusion financière des ménages et des micro-entreprises est considérée en général comme un facteur majeur de développement et en particulier, un moyen efficace de lutte contre la pauvreté dans les pays en développement comme le nôtre.
C’est pourquoi le ministère des Finances et la BCT ont réalisé une étude financée par un don accordé par la BEI et le Grand-Duché de Luxembourg, et dont les résultats sont très intéressants à analyser.
Il a fallu mettre au point tout d’abord pas moins de 22 indicateurs significatifs du degré d’inclusion financière aussi bien pour les ménages que pour les micro-entreprises de façon consensuelle avant de choisir les deux échantillons représentatifs à interviewer.
Les indicateurs en l’objet sont inclus dans trois catégories : l’accès aux services financiers, l’usage ou bien la pratique de ces services par les intéressés et enfin la qualité des services.
Les institutions financières qui sont dans le collimateur, si l’on peut dire, de l’enquête sont les banques, la Poste, les assurances ainsi que les institutions de micro-finances.
6250 chefs de ménage ont été interviewés, il en résulte que 1/3 des Tunisiens ont un compte bancaire, ce qui est un taux très restreint. Mais si l’on ajoute la Poste et les institutions de micro-finances, on aboutit à 61% de clients pour le secteur financier formel.
Cependant, le recours aux services financiers est jugé trop faible : seuls 9% des clients sont actifs pour les institutions formelles, le seuil étant fixé à un minimum de trois transactions financières par mois.
Il est clair qu’un citoyen qui n’a pas de compte bancaire, ne peut pas accéder au crédit, ni épargner de l’argent, ni donc investir et être un acteur économique. Si l’on ne peut pas recevoir de virement ou procéder à un paiement par recours à un compte, on est handicapé dans ses relations sociales et professionnelles.
Il y a quand même des taux plus rassurants :17% des Tunisiens ont un compte d’épargne dans une institution financière formelle et 24% peuvent faire face à un imprévu de 400 dinars.
Il est remarquable de constater l’engouement des Tunisiens pour les transferts d’argent puisque 45% ont utilisé un service formel de transfert d’argent au cours de 12 derniers mois.
Cela traduit des relations de solidarité sociale solides, des liens familiaux étroits qui renforcent la cohésion entre générations et parents.
Les rédacteurs de l’étude ont constaté que les clients de la Poste sont peu actifs sur le plan du recours aux services financiers que ceux des banques, alors que la Poste jouit d’un capital sympathie et confiance nettement plus élevé que celui des banques.
En effet, 38% seulement des Tunisiens considèrent le coût des services financiers comme accessible et 37% trouvent que ces services sont conformes à leurs besoins.
51% des femmes sont clientes des institutions financières avec un attachement particulier pour la Poste et les institutions de micro-crédit.
Parmi les conclusions de l’étude figurent le fait que ce sont le niveau d’éducation ainsi que celui du revenu qui font la différence de comportement des citoyens vis-à-vis des institutions financières.
En ce qui concerne les micro-entreprises enquêtées, soit 1502, des gérants font confiance aux institutions formelles, mais seulement 25% réalisent au minimum trois transactions financières par mois.
55% uniquement ont un compte-courant dans une institution formelle mais seules 25% sont actives.
Elles préfèrent le financement informel : 46% y ont recours contre 33% pour les banques, car celles-ci ont des exigences strictes au niveau des garanties. En effet, les micro-entreprises ont une mauvaise perception des institutions formelles : 68% jugent leurs coûts trop élevés.
Mais il faut reconnaître qu’il y a des indices favorables : 34% des micro-entreprises ont recours à un paiement se substituant au cash et 33% ont obtenu l’an dernier un crédit formel.
Il faut dire aussi que 31% ont fourni l’an dernier une garantie pour obtenir un crédit formel.
Il est tout à fait scandaleux et inadmissible que des dizaines de milliers de micro-entreprises soient contraintes de s’adresser au secteur informel pour financer leurs activités, que ce soit pour l’exploitation courante ou bien pour les nouveaux projets de leur entreprise.
Car cela représente un certain risque, coûte trop cher à l’entreprise, et échappe au fisc et à l’économie transparente et formelle.
En effet, 66% des micro-entreprises ont obtenu des crédits hors du circuit bancaire formel l’an dernier.
Après avoir fait étalage des différents taux auxquels ont abouti les responsables de l’étude dans leurs interviews auprès des chefs de ménage et des gérants de micro-entreprises, ils ont identifié les principaux obstacles à l’inclusion financière.
D’abord, le coût élevé des services financiers ainsi que l’inadéquation entre l’offre et la demande en matière de services financiers dans le secteur formel.
Il y a ensuite le manque d’informations, de connaissances et de la fonction défense du consommateur. Il y a également un déficit de confiance.
Il y a donc beaucoup à faire si l’on veut promouvoir de façon efficace l’inclusion financière d’une large frange de la population et de l’économie. Une stratégie à moyen et long termes s’impose, car c’est un facteur de stabilité sociale, de lutte contre la pauvreté et par conséquent, d’accélération du processus de développement.
35