L’Institut de la compétitivité et des études quantitatives réalise chaque année une enquête nationale sur la compétitivité des entreprises sur la base d’un questionnaire et en publie les résultats.
Cette enquête a ciblé pour l’année 2018, 1200 entreprises privées afin de connaître leur perception du climat des affaires, les facteurs et les conditions qui militent en faveur de la progression ou de la régression de la compétitivité, leurs intentions en matière d’investissement, leurs appréhensions vis-à-vis de l’avenir ou leur optimisme, les obstacles au développement des affaires et les actions à entreprendre par le gouvernement pour favoriser les activités économiques. Nous avons jugé très intéressant d’analyser ces résultats à l’intention de nos lecteurs, car ils sont riches en enseignements et permettent aux pouvoirs publics, s’ils projettent de relancer le processus de croissance actuellement en panne, de prendre les bonnes décisions.
D’abord, il y a lieu de remarquer que l’échantillon retenu est composé de 59% d’entreprises travaillant pour le marché local, 22% d’entreprises totalement exportatrices et 19% d’entreprises mixtes, ce qui est tout à fait représentatif du tissu entrepreneurial tunisien.
De prime abord, on constate une légère amélioration de la perception positive du climat des affaires qui passe de 58,3% en 2017 à 60,1% en 2018, ce qui signifie pour les chefs d’entreprise, une appréciation même réduite de la qualité de l’environnement dans lequel ils évoluent.
L’enquête a porté sur douze domaines différents, or seulement deux espaces ont enregistré une dégradation de la situation, alors que les dix autres ont réalisé soit une stabilisation soit une légère amélioration, avec beaucoup de nuances.
En ce qui concerne la baisse d’appréciation, elle porte sur le financement bancaire d’une part, avec des difficultés d’accès au crédit et des restrictions mais aussi la hausse vertigineuse des taux d’intérêt, ce qui constitue un obstacle majeur pour l’investissement qui souffre déjà d’un taux d’inflation élevé.
D’autre part, il y a le cadre macro-économique et réglementaire.
En effet, l’instabilité des taux de change et la chute du dinar introduisent des perturbations autant que la lourdeur croissante de la fiscalité.
D’autres points faibles sont considérés comme des entraves au bon déroulement des activités économiques : l’instabilité politique, les perturbation sociales avec la multiplicité des grèves, sit-in et absences du personnel, ainsi que les difficultés de financement qui se sont érigées en véritables obstacles à la bonne gestion des entreprises et sujets d’inquiétude pour les responsables de ces entreprises.
36% des entreprises n’ont pas investi en 2018 à cause de l’instabilité gouvernementale alors que les troubles sociaux ont fait renoncer à l’investissement 41% des chefs d’entreprises. Ce qui constitue une contrainte qui hypothèque le processus de croissance.
Il y a des contraintes structurelles qui constituent de véritables obstacles à l’amélioration de la compétitivité des entreprises, comme les difficultés de financement et la lourdeur croissante de la fiscalité.
En 2018, 47% des entreprises ont été contraintes de demander à leur banque un crédit pour financer l’exploitation courante car celle-ci souffre du manque de liquidités.
Un taux élevé de chefs d’entreprises considère que le cadre macro-économique s’est détérioré de façon sensible avec la flambée de l’inflation.
La fiscalité est dénoncée, non seulement par son niveau élevé mais aussi par les qualificatifs du système fiscal dans son ensemble : complexe lourd, en croissance.
Les questions relatives à la qualité des infrastructures de transport et aux difficultés de la logistique taraudent les chefs d’entreprises qui travaillent en flux tendus et sont contraints de recourir tous les jours aux aléas de l’import-export et aux tracasseries douanières.
D’après l’enquête, trois volets ont connu une amélioration certaine grâce aux progrès de la lutte contre le terrorisme. Cela est tout à fait justifié mais pour le climat social ou les pratiques sur le marché, il y a un point d’interrogation si l’on tient compte de la multiplication des grèves, de l’expansion de la contrebande et du commerce parallèle.
Le manque de vision pour l’avenir, l’incertitude de l’horizon et l’absence de visibilité persistent et handicapent les chefs d’entreprises lorsqu’il s’agit de s’engager à moyen et long termes dans des investissements lourds, d’autant plus que les crédits bancaires sont plus difficiles à obtenir et plus coûteux à rentabiliser vu le poids lourd de la fiscalité et le taux élevé des taux d’intérêt bancaires.
43% des chefs d’entreprises n’avaient pas encore de vision claire pour 2018 contre une baisse sensible de ceux qui ont une impression optimiste, soit 18%. De même, 37% des enquêtés n’avaient pas de vision claire de l’évolution de leur activité pour 2018, ce qui est grave pour le climat des affaires. 31% pensent que leur activité va se développer alors que 17% pensent le contraire.
Il convient de remarquer quand même qu’un tiers des chefs d’entreprises ont déclaré leur intention d’investir en 2019 dans des projets à moyen et long termes.
Il y a là une note d’optimisme qui rassure.
Il faut dire que l’ombre des élections plane sur le climat des affaires par ses incertitudes, et l’impacte considérablement.
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