Le processus démocratique entame une étape politique cruciale avec la tenue du troisième double scrutin, depuis les événements de 2011. Les cinq prochaines années devront être celles du parachèvement du processus démocratique avec la mise en place des instances constitutionnelles qui n’ont pas encore vu le jour, en particulier et de manière urgente la Cour constitutionnelle. Le prochain quinquennat est également chargé de défis économiques et sociaux majeurs que les prochains dirigeants à la tête de l’Exécutif et du Législatif sont appelés à relever avec l’efficacité et la rapidité requises.
Réalités Online a voulu apporter sa contribution aux débats politiques en donnant la parole à quelques-uns parmi les candidats conviés à répondre aux mêmes six questions. Ci-après les réponses de Omar Mansour, candidat indépendant.
Vous président de la République, quel sera le premier grand dossier que vous ouvrirez dans chacun des domaines qui relèvent de vos compétences (la sécurité et les Affaires étrangères) ?
A mon avis, le premier pas est de bien comprendre que les Tunisiens ont peur de voir leur quotidien se dégrader de jour en jour et par ricochet, leur pays se transformer en ruine. Aujourd’hui, il est urgent de combattre la sinistrose, l’anarchie et les injustices, facteurs autoalimentés. Ce combat nécessite de distinguer les enjeux du court terme de ceux du long terme. A court terme, la population doit sentir le changement dans son quotidien. A moyen et long termes, nous devons chercher les conditions pour une Tunisie prospère et dynamique.
Vous serez le président de tous les Tunisiens. Pensez-vous être le chef d’Etat qui pourra mener la Tunisie vers la réconciliation nationale et l’aider ainsi à prendre son essor ?
Il nous faut d’abord et rapidement arrêter de vivre avec les gloires du passé, car la Tunisie d’aujourd’hui est au bord du gouffre et cela nécessite un traitement profond. Il nous faut un plan d’action dans tous les domaines, en commençant par rassembler les Tunisiens autour d’un rêve commun qui est de faire de la Tunisie une terre de réussite et de succès. Il est inacceptable de laisser nos jeunes talents risquer leur vie en mer et fuir leur pays pour espérer d’une vie meilleure ailleurs. Nous n’épargnerons aucun effort pour offrir à nos jeunes plus de chances de réussir en Tunisie qu’ailleurs. Notre slogan est : « C’est possible de réussir en Tunisie ».
La scène politique est en proie à un climat délétère qui menace la démocratie. Etes-vous pour une moralisation de la vie politique ? Si oui, seriez-vous disposé à présenter une initiative législative pour faire adopter une charte d’éthique politique ?
Oui, en effet, il faut rapidement assainir le climat politique à travers une moralisation de la vie politique. Ceci est important non seulement pour notre jeune démocratie mais aussi pour la relance économique. Personne n’aura l’intention d’investir dans un pays où le climat politique est tendu. Pour ce faire, ma proposition est de réunir l’ensemble des acteurs politiques du pays autour d’une table pour élaborer ensemble un code d’éthique politique avec l’engagement de tous à le faire respecter.
La prochaine étape est hautement économique. Avez-vous une vision claire de ce qui doit être entrepris pour instaurer une diplomatie économique performante ?
Il devient illusoire de chercher à influencer un résultat en faisant abstraction des racines du mal. Aujourd’hui, les zones de vulnérabilité de la Tunisie s’accentuent de jour en jour. L’art du politique est non seulement de trouver des solutions aux problèmes, mais aussi de les transformer en opportunités. Il faut bien entendu tenir un discours franc pour convaincre que le changement est toujours possible. Et c’est notre devise. Il faut reconnaître que nous avons un problème d’efficacité globale. La tâche est aujourd’hui immense. Corruption à tous les étages, insécurité, lourdeurs administratives. L’image de la Tunisie se dégrade notamment auprès des investisseurs étrangers avec une augmentation du niveau de perception des lourdeurs administratives. Et il est temps de faire un grand ménage car quand on repousse depuis plus de 20 ans des réformes aussi nécessaires, il arrive un jour où il faut tout engager en même temps. Aujourd’hui, les réformes peuvent donc nécessiter des décisions relativement brutales, même si idéalement, elles devraient être menées avec le soutien de l’opinion, d’où l’importance de la communication et pas n’importe laquelle, celle basée sur un discours de vérité.
Pour gagner la confiance des Tunisiens, quelles conditions devrait satisfaire tout candidat à la magistrature suprême?
Aujourd’hui, le baromètre de confiance est au plus bas. La méfiance par rapport à n’importe quelle personne est une donnée profondément ancrée dans l’esprit des Tunisiens. Cette méfiance remonte à très longtemps, au point où tous ceux qui parlent en Tunisie de réformes souffrent d’un grand discrédit aux yeux des citoyens. Politiques, chefs d’entreprises, experts sont inaudibles et mis dans le même sac, car perçus comme faisant partie d’une élite qui ment. Une autre dimension de l’incapacité à se réformer tient à la force du déni de la réalité. Mon choix et aussi ma conviction sont de dire toute la vérité à mon peuple.
A quel moment précis avez-vous pris la décision de présenter votre candidature ?
Au début, je n’ai pas eu l’intention de me présenter à l’élection présidentielle. Néanmoins, avec les encouragements des citoyens qui ont cru en ma capacité et ma compétence d’assumer d’une manière efficace la responsabilité de président de la République, l’idée a commencé à se développer petit à petit. Depuis deux mois, on a entamé la phase de préparation et de planification pour la candidature, avec la collaboration d’un groupe de jeunes ambitieux qui croient en l’obligation de participer aux affaires publiques pour changer la situation critique en Tunisie et construire un avenir meilleur.
Ma vision analytique de la situation politique actuelle peut se résumer en deux mots : primo, la situation s’est réduite à une bataille d’ego, à un débat entre communistes, capitalistes et sociaux-libéraux. Alors que pour assurer un développement du climat sociopolitique, on doit faire cesser toutes ces tendances d’appel à la haine qui nous mènent droit dans le mur, il faut les remettre en cause et les jeter à la poubelle, pour qu’elles soient remplacées par des réflexions en profondeur permettant de tracer une nouvelle feuille de route, qui rompt avec la stratégie de l’exclusion, et s’appuie sur un sursaut collectif, pouvant faire face à cette situation dramatique. Secundo, on voit bien que les politiques de gauche et de droite sont si semblables depuis des décennies, et le pire, c’est que ces hommes sont soutenus par des conseillers influents, souvent de grands hommes d’affaires qui leur donnent des instructions, celles qui satisfont leurs intérêts personnels, pas celui du pays.
Alors, unissons-nous pour bâtir ensemble un avenir meilleur, sans exclure l’autre. Chacun a un rôle à jouer et peut contribuer à partir de son poste, et impliquons les jeunes Tunisiens qui brillent partout dans le monde, ainsi que nos hautes compétences, avant qu’ils ne se fassent « voler » par les pays développés, comme c’est le cas depuis des années.
Propos recueillis par Y.A