Il n’y a aucun doute que la nouvelle architecture du prochain parlement et donc du futur gouvernement risque de peser lourdement sur la conjoncture économique et plus particulièrement sur l’investissement. En effet, le comportement le plus répandu aujourd’hui est l’attentisme et il n’est clairement pas favorable à la conjoncture. Le peuple a certes choisi ses représentants et il faut se réjouir de notre jeune démocratie mais ce choix, qu’il faut bien entendu respecter, a donné lieu à un parlement éclaté, très hétérogène et disparate, de sorte qu’il devient difficile de former un gouvernement. Cette mosaïque jette une ombre sur les perspectives économiques tunisiennes.
En effet, les entreprises devraient encore limiter leurs investissements, restreindre leurs stocks, ajuster leurs effectifs et leurs coûts de production. D’un autre côté, la hausse des coûts des crédits devrait accentuer l’attitude défensive des ménages qui cherchent à reporter partiellement leurs gros achats, faisant ainsi ralentir la consommation, principale locomotive de la croissance économique.
La croissance économique
Dans ce genre de situations, le risque serait de se retrouver sous une trappe de croissance molle et fragile avec une offre, au final, faiblement stimulée. L’économie tunisienne n’a pas encore franchi ce pas, malgré une conjoncture adverse mais elle ne se trouve pas loin de cette zone.
L’industrie, qui constitue un bon baromètre de l’économie générale, ne paraît pas sortir de la récession qui est devenue de plus en plus accentuée. Les industries mécanique et électrique semblent subir le ralentissement européen alors que l’industrie agroalimentaire dépend pour beaucoup de la saison agricole. Une fois de plus, c’est l’investissement qui fait actuellement défaut.
Les derniers chiffres de croissance ne sont pas très rassurants. En effet, le PIB affiche une croissance de 1,2% au premier semestre, ce qui rend l’objectif de 3% de croissance en 2019 difficilement atteignable, voire imaginaire. Les prévisions des institutions internationales pour la Tunisie sont pour une stabilisation de la croissance du PIB à 1,5% en 2019 au lieu de 3,1%.
De même, les industries manufacturières et non manufacturières demeurent encore en zone négative. Partant, la croissance sera tirée essentiellement par les services et en particulier le tourisme. Les secteurs du phosphate, de la construction et de l’immobilier pourraient venir en appui à cette croissance mais celle-ci restera en dessous des attentes et insuffisante pour rétablir les déséquilibres macroéconomiques.
Pour le moment, les intentions d’investissement reculent. Rien que dans l’industrie, l’enveloppe d’investissement est passée de 2516 MD durant les huit premiers mois de 2018 à seulement 1854 MD pour la même période en 2019, soit une baisse de 26%. Un niveau presque jamais atteint en Tunisie.
L’inflation
Après un léger rebondissement au mois d’août, l’inflation s’est stabilisée à 6,7% en septembre. Cette stabilisation est essentiellement due à la décélération des prix du groupe des produits alimentaires. Cependant, et malgré la stabilité du dinar, les biens, à contenu d’importation assez importante, maintiennent les prix à des niveaux élevés. L’inflation sous-jacente est en légère hausse, passant de 6,7% en août à 6,7% en septembre.
Les échanges extérieurs
Le bilan des échanges extérieurs de marchandises s’est encore soldé par un résultat négatif durant les huit premiers mois. Les exportations de marchandises en valeur ont progressé de 12% durant les huit premiers mois par rapport à l’année précédente. Les importations de marchandises ont bondi de 10%. Le déficit commercial, déjà observé pour les huit premiers mois, s’est ainsi creusé à hauteur de 12,8 milliards de dinars. La situation énergétique demeure inquiétante et ne permet pas pour l’instant un redressement de la situation. A prix constants, et pour la même période, les importations ont baissé de 8% alors que les exportations ont enregistré une baisse de 4%.
Des perspectives économiques sombres et des marges de manœuvre très limitées
Les perspectives de croissance à court terme pour l’économie nationale, ne sont pas pour le moment favorables. Dans l’immédiat, c’est-à-dire jusqu’à la fin de l’année, les informations économiques resteront négatives. Cela devrait ramener la croissance vers une tendance légèrement supérieure à la croissance démographique, soit environ 1,5 % l’an. Les risques majeurs sont la dégradation du solde courant, le déficit budgétaire et la dette publique.
Partant, le scénario économique aujourd’hui le plus vraisemblable est une croissance de l’ordre de 1,5 % en 2019 et de 2,2% en 2020. Dans cette zone de croissance, le déficit public est tendanciellement élevé. Cela donnerait un besoin de financement « spontané » entre 10% et 12% du PIB en 2020 et 2021.
Mohamed Ben Naceur