Nul ne doute que l’économie tunisienne traverse une grande crise qui a fortement impacté notre système productif et plus particulièrement notre industrie. Nous nous sommes depuis 2011 trop occupés de la demande avec toutes les conséquences que l’on connaît aujourd’hui, alors qu’on ne s’est jamais véritablement soucié de l’offre, élément essentiel de notre compétitivité.
La Tunisie n’est non seulement plus compétitive, mais elle se désindustrialise et perd des parts de marché. De manière assez précise et d’après les calculs de l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (ITCEQ), la part de marché des biens tunisiens sur le marché européen a nettement stagné de 2006 à 2016 alors que celle du Maroc est passée de 0.53% à 0.81%.
Malheureusement, nous vivons depuis 2011 dans une sorte d’autoflagellation comme si rien ne nous unissait. Nous n’avons jamais réfléchi sur ce qui nous unit et nous avons perdu trop de temps à discuter de choses qui nous séparent. Ainsi, toutes les batailles menées étaient contre nous-mêmes, mais jamais contre le chômage, contre la pauvreté, contre la perte de compétitivité. Nous vivons encore avec des conflits internes que nous avons créés nous-mêmes et dont la seule victime est le peuple tunisien.
Partant, l’idée du Pacte de compétitivité économique et d’équité sociale, réalisé récemment par le Conseil d’analyses économiques, est venue pour remédier à cette maladie des conflits internes. Cette initiative est salutaire dans la mesure où elle met en avant le principal défi de l’économie tunisienne. L’originalité de cette initiative est qu’elle propose de changer de paradigme, permettant de passer d’une approche conflictuelle à un débat consensuel entre les différents acteurs et partenaires. C’est une sorte de contrat et d’engagement sur ce qui pourrait nous unir pour une Tunisie prospère et compétitive.
Ce pacte global de compétitivité qui devrait se décliner en pactes sectoriels, vise à contractualiser les engagements réciproques du gouvernement, du secteur privé et des partenaires sociaux. L’objectif est de mobiliser les Tunisiens autour d’un projet d’une Tunisie qui fixe de nouveau rendez-vous avec la croissance, l’investissement et les exportations à l’horizon 2025.
Le pacte a tenté de définir le rôle de chacun, mais son originalité et son atout sont qu’il est autofinancé et ne nécessite pas un endettement supplémentaire. Il compte 87 mesures et engagements, 53 mesures de l’Etat et 34 engagements des autres partenaires, qui seront mis en œuvre pour réaliser ces objectifs assignés au Pacte. D’autres mesures sectorielles sont prévues par 20 pactes sectoriels. L’Etat s’engagerait sur la mise en œuvre des instruments horizontaux et sectoriels. De son côté, le secteur privé s’engagerait pour la concrétisation des objectifs 2025 d’investissement, d’exportation, de création d’emplois, de développement technologique et de responsabilité sociale. Elaboré sur la base d’un diagnostic approfondi de la situation économique, ce pacte global repose sur le principe d’une relance économique par l’offre, permettant d’atteindre les objectifs de croissance et d’emploi. En effet, une politique économique qui ne ferait qu’éviter les vagues des tensions sociales ouvrirait mécaniquement la voie à une récession encore plus grave et dont les conséquences sont encore méconnues.
Aujourd’hui, l’industrie tunisienne vit une profonde crise et il ne faut surtout pas compter sur l’actuel ministre de l’Industrie pour la sauver. Nous devons nous fixer des objectifs de croissance et de compétitivité. C’est là toute l’idée du pacte qui prévoit les objectifs suivants à l’horizon 2025 :
– réaliser 4,5% de croissance du Produit intérieur brut (PIB) contre 2,5% en 2018 ;
– exporter pour une valeur de 90 milliards de dinars contre 41 milliards en 2018 ;
– réaliser un taux d’investissement public et privé de 24% du PIB contre 19,6% en 2018 ;
– faire partie du Top 50 des classements internationaux Davos et Doing Business.
Ces objectifs, n’étant pas trop ambitieux, paraissent donc réalisables. Cependant, leur réalisation dépend du degré d’implication des différents acteurs et surtout du niveau de compétence des ministres. S’agissant des 53 mesures de politiques publiques, ils couvrent 6 piliers de la compétitivité hors prix :
Cadre réglementaire et incitatif : Le pacte propose 13 mesures visant l’amélioration du climat des affaires. Nous ne pouvons vivre au 21e siècle avec des procédures du 19e siècle. Le monde a radicalement changé et nous devons nous y adapter en procédant à une digitalisation des procédures et au renforcement des incitations fiscales et financières. Celles-ci incluent le dégrèvement physique, la suspension de la TVA et la déduction des droits de douane sur les équipements importés, l’assouplissement de la réglementation de change…
Infrastructure : Dans ce pilier, sont proposées 11 mesures afin d’améliorer une infrastructure dans un état déplorable, développer des pôles de compétitivité et surtout moderniser une infrastructure portuaire d’un temps révolu.
Financement : S’agissant de financement, le pacte prévoit 8 mesures afin de pallier les problèmes d’accès au financement et le coût exorbitant des crédits. Le pacte propose la mise en place d’une ligne de crédit PME de 1 milliard de dinars par an sur 5 ans, la bonification des taux d’intérêt de 3 points, entre autres mesures.
Emploi et formation : 3 mesures sont proposées pour remédier aux dysfonctionnements entre l’offre et la demande d’emploi. Il y a lieu de réviser radicalement le mode de gestion des centres de formation professionnelle avec une dose de privé.
Développement technologique, innovation et promotion internationale : Dans ce pilier, 12 mesures sont proposées afin de mettre en place une politique technologique ambitieuse.
Nouveau Pacte Social pour une prospérité partagée : Partant du principe que le social ne devrait pas être un sous-produit de l’économique, ce pacte propose 6 mesures pour apaiser le climat social en faisant de la promotion de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) un axe central.
Mohamed Ben Naceur