Notre pays a besoin d’un nouveau schéma de développement cohérent qui fasse l’objet d’un consensus entre tous les partenaires sociaux, à même de sortir le pays de la récession actuelle mais aussi de permettre la réalisation des objectifs ciblés par le soulèvement démocratique du 14 janvier 2011.
En effet, l’ancien modèle de développement antérieur à 2011, a montré ses défauts et ses limites : certes un taux de croissance annuel moyen de 4,5% mais un taux de chômage élevé, notamment pour les diplômés du supérieur, une inégalité croissante entre les zones littorales et urbaines prospères et les régions intérieures déshéritées, enfin une expansion de la pauvreté et une régression du niveau de vie de la classe moyenne.
Neuf ans après, notre pays n’a pas encore adopté un nouveau mode de développement.
La loi de Finances et le budget de l’Etat pour 2020 sont des instruments privilégiés pour exprimer les intentions du gouvernement en matière de stratégie de développement. Et même si ce gouvernement est « sur le départ », il a gouverné le pays durant trois ans et connaît mieux que quiconque la situation du pays et les aspirations de la population.
Or, le budget adopté par l’ARP dans la précipitation n’a ni âme ni souffle ni stratégie ni objectif, il n’est propice ni à l’investissement, ni à la croissance.
Chaque modèle de développement pose avant tout la question cruciale du rôle de l’Etat, celui-ci pouvant revêtir plusieurs qualificatifs, tantôt conciliables, tantôt antinomiques.
Un Etat stratège qui élabore les politiques publiques et trace l’orientation à suivre, les objectifs à atteindre, ainsi que les instruments à mettre en œuvre afin de les réaliser après avoir consulté les forces vives de la nation et tenu compte de l’opinion des partenaires sociaux. Ce rôle serait fondamental pour notre pays.
Mais aussi un Etat-arbitre de la vie économique et sociale, aussi bien à travers les choix stratégiques comme par exemple la politique de développement régional, celle de l’aménagement du territoire, l’investissement dans les projets d’infrastructures de base…
Peut-il être aussi un Etat redistributeur des richesses et des fruits de la croissance à travers aussi bien la fiscalité, les transferts sociaux, la caisse de compensation en somme, surtaxer les riches et subventionner les pauvres ? Tout est une question de dosage, de mesure et d’équité. A ce propos, une répartition équitable des fruits de la croissance entre capital, management et travail doit être trouvée pour favoriser l’inclusion et la paix sociales, conditions nécessaires pour impulser la croissance économique.
Il doit être surtout un Etat social, protecteur des plus démunis, victimes de l’exclusion et du libéralisme, autrefois appelé Etat-providence. Ce qualificatif est aujourd’hui incarné par les pays scandinaves qui bénéficient des meilleurs niveaux de vie dans le monde.
Cet Etat-social peut-il avoir aujourd’hui les moyens de sa politique dans un contexte budgétaire étriqué, avec un endettement extérieur lourd et une pression fiscale intolérable qui pénalisent les acteurs économiques privés, ceux qui investissent et créent les emplois ?
Il appartient à l’Etat-social d’assumer son rôle dans la promotion de l’éducation, de la santé publique et de la sécurité sociale. C’est le partenariat public-privé qui permettra de sauver la mise en cas d’incapacité financière de l’Etat.
L’Etat producteur de biens et services est remis en question, à l’exception de certains secteurs stratégiques comme les transports ou la distribution de l’énergie car il n’a pas réussi à faire preuve de bonne gouvernance : il doit se désengager des secteurs industriels et agricoles, d’où l’urgence de la réforme des entreprises publiques déficitaires.
Nous avons besoin d’un Etat fort et respecté, qui impose le Droit et la Loi. Habib Karaouli a dit lors de la récente session des Journées de l’entreprise de l’IACE : « Il faut plus d’Etat pour mieux d’Etat ».
Alors, quel rôle reste-t-il pour le secteur privé ?
Il y a beaucoup à faire en fait, celui-ci devant investir dans la production de biens et services pour exporter et créer des emplois.
Le nouveau modèle de développement doit inclure le développement régional ainsi que la montée en gamme de la valeur ajoutée dans notre système productif pour créer des emplois destinés aux diplômés de l’enseignement supérieur. L’agriculture et l’agro-industrie devraient être réhabilitées en qualité de moteur de développement régional et national.
C’est la mise en application du concept de la discrimination positive en faveur des régions intérieures avec des encouragements significatifs à l’investissement, qui permettra de réduire l’inégalité au bout de dix à quinze ans au minimum.
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