23 partis politiques sur 194 existants ont signé, en présence des trois présidents vers la fin du mois de juillet, une charte d’éthique électorale. Initiée par le Centre Henry Dunant pour le dialogue humanitaire, basé à Genève, la charte, intitulée «charte d’honneur» engage les signataires à respecter une «bonne conduite électorale» afin d’assurer un environnement sain pour les élections législatives et présidentielles. Au souvenir du document signé à la veille des échéances du 23 octobre 2011 et aux défaillances ensuite remarquées, on se demande aujourd’hui si les politiques tunisiens respecteront leurs engagements et s’ils ne sont pas déjà sur le chemin de la «volte-face» ?
En dehors des partis, coalitions et candidats indépendants, ainsi que des trois présidents ; étaient aussi présents à la signature, le président de l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE), Chafik Sarsar et le président de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica), Nouri Lejmi.
La charte engage ses signataires à la transparence financière dans le financement de leurs campagnes et ainsi à rendre les comptes publics, à ne pas abuser des ressources publiques et administratives, à respecter un discours pacifiste et à éviter toute pression sur les votants.
Une commission veillera au bon respect de la charte. L’ensemble de la population tunisienne peut, théoriquement, en se basant sur le degré de respect de la charte, évaluer le sérieux de l’engagement politique des candidats et des partis.
Retour sur la charte de 2011
En septembre 2011, une charte réglementant le déroulement des élections et de la passation des pouvoirs a été signée par 12 partis politiques en présence du président de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la Réforme politique et de la Transition démocratique, Iyadh Ben Achour. Le CPR, parti du président de la République, Moncef Marzouki, s’est quant à lui désisté tout en ayant participé aux pourparlers. La charte stipulait en effet que la durée de la Constituante serait d’un an et le CPR la voulait de trois. Finalement aucun des partis ayant signé et qui a accédé à la Constituante n’a respecté la durée stipulée. Aujourd’hui, on est effectivement au bout de la troisième année depuis son élection et elle jouit toujours du même pouvoir, malgré la chute de deux gouvernements et les émeutes exigeant sa démission.
Les partis signataires étaient : le parti Ettakatol, dont le président, Mustapha Ben Jâafer est toujours le président depuis trois ans de la Constituante, prévue rappelons-le pour un an, Ennahdha qui n’a lâché le pouvoir qu’au bout de deux gouvernements et au prix d’émeutes et d’affrontements, mais garde le pouvoir au sein de l’ANC, le PDP, aujourd’hui rebaptisé Al Joumhouri et dont les dirigeants, certes dans l’opposition, siègent toujours au sein du Parlement et d’autres partis politiques…
Rappelons aussi que d’autres points stipulés par la charte n’ont pas été respectés comme le respect de la charte éditée par l’ISIE de la déontologie des partis et des candidats. La charte exigeait aussi la poursuite des concertations lors de la phase de transition et le pays est arrivé au bout de deux ans post électoraux à une impasse ayant nécessité l’implication d’organismes non gouvernementaux pour rassembler les partis et gouvernement autour de la table et pour instaurer le Dialogue national, lui-même initialement retardé puis interrompu à plusieurs reprises.
Iyadh Ben Achour a aussi expliqué à l’époque que cette charte avait pour objectif d’instaurer la confiance entre la population sortie tout juste d’une dictature ayant duré 23 ans et les politiques, surtout concernant la durée du mandat de la Constituante. Or la méfiance s’est vite installée au bout d’un an sans voir démissionner la Constituante et l’environnement sociopolitique tunisien s’est vite envenimé. Cette première défaillance aux premiers engagements risque fort d’influencer les attentes des électeurs de la classe politique d’aujourd’hui qui ne croient plus aux engagements sur l’honneur des politiques.
Il faut des lois bien déterminées, claires et précises pour instaurer la confiance et pour certains politiques ayant failli à leur engagement, il faut des cadres contraignants et non des chartes pouvant davantage servir à redorer une image électorale qu’à imposer au parti une conduite précise.
Lois et charte
En terme de décision, le président de l’ISIE, Chafik Sarsar, vient de soulever la polémique en déclarant que le B3, attestant de l’absence d’antécédents judiciaires, n’est pas obligatoire pour se présenter aux élections. Autrement dit, les personnes pouvant avoir un casier judiciaire et ayant enfreint la loi, peuvent être candidates et plus tard élues à des postes de pouvoir exécutif ou législatif. En effet et selon Chafik Sarsar, la loi électorale n’oblige pas le candidat à présenter son bulletin N°3 et le demander serait simplement un souci visant à faciliter les procédures d’admission. Or cela causerait du retard dans la constitution des dossiers.
Une personne ayant déjà enfreint la loi pourrait très bien, en jouissant de l’immunité parlementaire, récidiver et encore se servir cette fois-ci des ressources de l’État.
La loi électorale ne constitue par ailleurs pas de mesures vraiment contraignantes en rapport avec le financement des partis. C’est à l’ISIE de gérer cette question et elle s’apprête à faire publier un décret dans lequel sera institué un code de conduite des partis politiques en matière de financement des campagnes électorales. Les partis risquent de garder secrets leurs comptes et et leurs sources de financement. Rappelons-nous du CPR et du fameux registre « perdu » et jamais retrouvé. Pourtant, aucune sanction n’a été prise à l’encontre du parti du président provisoire de la République, Moncef Marzouki. Achats de voix, pots-de-vin, blanchiment d’argent, tout reste possible pour les partis… Un plafond des dépenses électorales devrait être par ailleurs fixé et rendu public dans un décret gouvernemental signé par le chef du gouvernement, Mehdi Jomâa, en se basant sur un calendrier fourni par l’ISIE.
En effet, en 2011, un observatoire a été créé pour le contrôle des élections. Aujourd’hui il a été réactivé, mais au vu des infractions déjà commises lors des élections précédentes et restées impunies, on ne peut espérer que les choses changent lors des prochaines échéances. Le rôle de l’observatoire se limiterait à surveiller et à relever dans des rapports les infractions afin de les soumettre à l’Instance supérieure indépendantes des élections. C’est d’ailleurs à cette dernière que revient le rôle du contrôle permanent des infractions financières et de les arrêter.
Le président de l’ISIE, Chafik Sarsar, a évoqué la prochaine publication d’un décret contenant les procédures de distribution des financements des campagnes électorales et d’un code réglementant la conduite avec les partis politiques. La couverture médiatique de la campagne sera aussi réglementée.
Engagements élémentaires non tenus
De nombreux partis ont défendu la position de la femme dans la vie politique, s’engageant à lui fournir l’opportunité au sein de leurs formations. Ils ont défendu l’idée de la parité, horizontale et verticale pour certains et leurs députés ont voté en faveur de l’amendement pour la parité horizontale. Lors de la publication des listes, les partis progressistes à l’image d’Afek Tounes, d’Al Joumhouri et de Nida Tounes ont déjà failli à leur engagement et présentent une minorité de femmes, même si certaines ont été placées en tête de liste. Concernant Nidaa Tounes, par exemple, une seule femme, Selma Elloumi Rekik, a été nommée tête de liste parmi 27 candidats classés en tête. Al Joumhouri présente 3 femmes en tête de liste sur 25 candidats, à savoir Emna Ben Othmane, Nahla Ben Khlifa et la Secrétaire générale du parti, Maya Jribi. Ennahdha, par contre, l’emporté en matière de respect de parité avec 46% de femmes déclarées sur ses listes…
Hajer Ajroudi