A Berlin, parmi les pays réunis, figurent les tueurs de Kadhafi. Peu initiés à l’assassinat ciblé, ce machin israélo-américain, ils neutralisent l’espace aérien et favorisent l’issue du conflit inter-tribal d’où provient le tireur libyen sur le président abattu, tel un mauvais chien blotti au creux d’un recoin.
« Qu’y a-t-il ? », dit-il, surpris et terrifié.
Ce retour aux origines de l’actuelle géhenne libyenne découvre le dédale suivi depuis le sinistre Sarkozy.
Outre l’enjeu pétrolier, les producteurs du « chaos créateur » lorgnent, maintenant, les profits à tirer de la destruction et de la reconstruction. De plus, ce colloque berlinois voile et dévoile un scandale paradoxal. Sa longue frontière avec une Libye en guerre et les effets délétères impliquent, pour la Tunisie, une présence prioritaire.
Dès lors, comment expliquer l’exclusion avant la bien tardive invitation ? L’adage sabre ce bavardage : « L’hypocrisie est l’hommage que le vice rend à la vertu ». Selon un commentateur lancé à la recherche d’une explication donnée à l’élimination, la Tunisie économique, militaire et politique ne fait pas le poids. D’allure perspicace, l’argument ne fait pas le poids car il inscrit la géostratégie par pertes et profit. En effet, si je tenais à infliger une bonne raclée au maréchal Haftar pour courir au secours de Sarraj, mon allié, la Tunisie aurait un poids incommensurable en tant que base arrière de mon armée redoutable. Une fois gommée cette supputation, revenons à la question de l’étrange exclusion. Deux réponses, l’une diplomatique et l’autre moins politique, répliquent. La première fut énoncée au nom du président de la République. La Tunisie remercie la chancelière pour l’invitation mais ne peut y répondre favorablement.
La seconde réponse va de soi et la voilà : vos catégories de pensée machiavéliques vous donnent à voir les enfants du bon dieu pour des bourriques. Par leur invraisemblance, les justifications fournies jusqu’à présent, incitent à rechercher une autre explication. Elle émarge dans la rubrique du probable et de l’hypothétique.
Au cas où l’un des poids lourds aurait encouragé les autres conférenciers à écarter la Tunisie, le soupçon serait allé vers les deux parrains de l’auguste assemblée, la Russie de Poutine et la Turquie d’Erdogan. Or, du côté de Moscou, je ne vois rien du tout. Pourtant, les agents sociaux ne sont pas des automates et une motivation, plus ou moins explicitée, nourrit les gestes commis et anime les propos dits. Dès lors, il n’y a ni décision sans décideur, ni bouquet sans fleurs. Dans ces conditions théoriques et pratiques, l’investigation, par élimination, finit par focaliser l’éclairage sur l’indisposé par un récent outrage.
Voici peu, Erdogan débarque, incognito, à Carthage. Les préposés à la défense et aux renseignements l’accompagnent avec leurs bagages. Interpellé sur l’objet de la visite problématique, le président de la République indique l’équilibrage de l’échange économique. Mais depuis quand ces deux larrons de la guerre et du renseignement fourrent-ils, dans leur tête, la question des glibettes ? L’affectée à la communication répond à l’interrogation et, sans doute en accord avec son président, elle expose, enfin, le pot aux roses.
Erdogan réclame le passage de son invincible armada par le pays de Bourguiba. Aussitôt, un tsunami, à maximale ampleur, déferle sur le dissimulateur. L’Amérique songe à la destitution pour ce genre de falsification. La colère populaire, syndicale et parlementaire fournit l’idéal point d’appui au président pour, à son tour, proclamer à trois reprises et avec une extrême fermeté, le refus catégorique de permettre à quiconque, de fouler aux pieds la souveraineté. Or, dès son retour au pays, le sultan déclarait avoir obtenu l’accord de la Tunisie. Le nostalgique de l’Empire ottoman ne pouvait gober le démenti infligé à sa prétendue mission accomplie. La face et l’honneur perdus pourraient avoir partie liée avec l’invitation d’abord promise et ensuite sabrée. La recherche du présumé coupable cligne, alors, vers ce mot de Victor Hugo : « Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là ». Et s’il ne reste qu’un à suspecter, bien sûr ! A la conférence de Berlin, la désinvolture commise envers les Tunisiens et la minorisation du continent africain perpétuent un vieux refrain. Le colonialisme, avatar de l’impérialisme, exclut la mise en valeur pétrolière sans l’intervention d’entreprises et de nations étrangères. Les tenants du nationalisme arabe, style Jamel Abdennasser, poseraient alors cette question : campée au cœur de l’univers européen, si lointain, que viennent faire Angela Merkel et ses petits copains américains, au beau milieu du tribalisme libyen ?
Hélas pour les espèces de Moncef Marzouki, Kaïs Saïed et autres Hamma Hammami, la mondialisation a ses lois qu’ignore le devenu anachronique nationalisme étriqué de papa. Pour aller vers l’idéal, à partir du réel, sans perdre le nord, occulter la mise en présence de sociétés d’inégale puissance engage l’analyse vers des chemins retors. Dès lors, plus rien n’empêche Berlin de fourrer son nez dans le pétrin libyen.
De même Erdogan, assis sur l’OTAN et lancé à la rescousse de Sarraj, commence la prospection pétrolière de gisements méditerranéens.
Certains dénoncent l’infraction commise envers le cheval monté par le droit international mais l’héritier d’Ataturk récite, lui aussi, une leçon donnée par la mise en présence de sociétés d’inégale puissance.
Il menace d’envoyer ses canonniers au cas où il faudrait protéger son bateau-foreur déjà sur place pour sonder les profondeurs prometteuses d’une aubaine pétrolière et gazière. A chaque pas, l’investigation tombe nez à nez avec les effets de la mondialisation. Voilà pourquoi, de Berlin, Angela Merkel envoie un bon baiser aux Libyens. Mais ce n’est là, dit-elle, qu’un « petit pas ». Le grand vient d’être accompli par l’Algérie. Ce pays de Djamila Bouhirid inflige, aujourd’hui, un camouflet, et même un coup de pied, aux prétentions lointaines venues fourrer leur nez dans la poudrière libyenne.
A la réunion d’Alger, sont conviés le pays de Bourguiba et les autres nations mitoyennes de la fournaise libyenne. L’invitation adressée à Tunis lève le voile sur l’arrogance occidentale.
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