La complexité de la problématique du secteur agricole est due à plusieurs paramètres qui relèvent de la nécessité d’assurer la sécurité alimentaire de la population même si elle n’est que relative, mais aussi de tenir compte des incertitudes climatiques qui conditionnent la qualité et le volume des récoltes et des productions agricoles.
Il y a un constat global qui s’impose de prime abord, à savoir la faible rentabilité du secteur agricole, les rendements insuffisants vis-à-vis des pays similaires pour les mêmes cultures, la modicité des revenus des paysans et la faiblesse des investissements consentis pour le développement et la modernisation du secteur.
D’ailleurs, la balance agro-alimentaire extérieure est souvent déficitaire, même s’il y a des récoltes exceptionnelles pour les céréales, l’huile d’olive ou les dattes.
L’agriculture ne représente que 12% seulement du PIB, alors que son impact est très élevé sur la population active avec plus d’un million de travailleurs entre saisonniers et travailleurs permanents avec des salaires réduits.
Il y a des dysfonctionnements graves au niveau de plusieurs filières agroalimentaires avec des répercussions catastrophiques sur le processus de production : élevage laitier, aviculture, oléiculture.
Les coûts de production ont flambé ces dernières années, alors que les prix publics de certains produits de base restent figés par l’Administration, ce qui provoque des ruptures (tomate, lait, élevage, céréales…) dans le processus de production.
Le ministère de l’Agriculture et les institutions sous sa tutelle constituent un poids très lourd sur les plans financier et humain. Il y a un véritable problème de qualité inhérent à la gouvernance du secteur.
Les structures en l’objet sont coûteuses, avec des circuits de prise de décision très longs. Les récoltes exceptionnelles au niveau de la production engendrent, faut de bonne gestion, des catastrophes au lieu des performances légitimement envisagées.
Il n’y a pas de structures souples, fiables et efficaces pour accompagner le processus de production, que ce soit à l’amont de la production, semences, engrais, pesticides, ou à l’aval, commercialisation loyale et honnête des récoltes afin d’assurer une rémunération correcte des fruits du labeur des paysans.
C’est le règne absolu des intermédiaires, spéculateurs et barons de la contrebande qui détournent les circuits de commercialisation réguliers et légaux.
Quel rôle, quels objectifs pour le secteur et quelle vision pour le secteur à l’horizon 2030 ?
Pour répondre à toutes ces problématiques et interrogations, le ministère de l’Agriculture a pris l’initiative avec la coopération de la FAO de mener un projet de réorganisation des structures et des institutions agricoles dans le pays afin d’améliorer la productivité et la rentabilité du secteur.
Il y a lieu de reconnaître que l’infrastructure hydraulique a permis au cours de 40 années, de construire un réseau de grands et petits barrages-réservoirs qui permettent de stocker les eaux de ruissellement en réserve pour les années de sécheresse.
Cela a permis d’éviter des inondations catastrophiques mais aussi l’aménagement de périmètres irrigués.
Il y a cependant une défaillance de taille à corriger : l’ensablement précoce des bassins-réservoirs des barrages, ce qui réduit terriblement la capacité de stockage des barrages.
Il est devenu très urgent de traiter les bassins-versants : aménager des terrasses plantées pour retenir les sols et les eaux de ruissellement.
Des responsables dans la haute administration, fidèles serviteurs d’hommes politiques peu compétents et non habilités à gérer les affaires de l’Etat, se sont révélés incapables de prendre des mesures adéquates et préventives pour sauvegarder les intérêts supérieurs de l’économie nationale quand il s’agit de tirer profit de récoltes exceptionnelles d’olives ou de céréales.
C’est ainsi que les mesures prises par le gouvernement pour voler au secours des producteurs ne sont intervenues que durant décembre 2019 et janvier 2020, alors que c’était déjà tard : la cueillette n’a pas atteint 20% alors qu’elle devrait être de l’ordre de 50 à 60%. La qualité de l’huile a déjà pris un coup. C’est en février 2020 que le Cepex commence à se préoccuper de subventionner l’export du transport de l’huile d’olive ou encore de trouver de nouveaux marchés, alors que depuis juillet 2019, on savait que la récolte de l’hiver 2019-2020 serait exceptionnelle. Cela implique de résoudre plusieurs problèmes épineux : infrastructures de stockage nettement insuffisantes, déficit de financements bancaires à toutes les étapes de la filière, quota exonéré sur les marchés de l’Union européenne dérisoire par rapport à la production, difficultés de main-d’œuvre pour la cueillette, nécessité de trouver de nouveaux marchés à l’export, faible capacité de régulation du marché par l’ONH.
Il y a lieu de constater que l’Etat continue à créer de nouvelles structures coûteuses qui alourdissent la gestion administrative, comme la création d’un office des forêts et un autre pour la pêche qui font double emploi avec la direction générale des forêts et celle de la pêche.
En somme, le ministère se désengage de ses missions en créant un maillon supplémentaire dans le processus de décision.
Heureusement que la FAO apportera son assistance technique durant les deux ans de la consultation, ainsi d’ailleurs que la recherche de financements. Il est évident que l’agriculture tunisienne a besoin d’investir pour moderniser et renforcer ses infrastructures : construction de silos pour les céréales, réservoirs pour l’huile d’olive, hangars frigorifiques pour les fruits et légumes…
Parallèlement à la révision de la gouvernance et à la réorganisation des structures d’accompagnement du secteur, le gouvernement devrait lancer une étude stratégique sur l’agriculture de demain qui déboucherait sur les « Etats généraux de l’agriculture », avec la participation des professionnels du secteur afin d’établir un plan d’action pour la mise à niveau, avec mise en œuvre de politiques de modernisation du secteur à l’horizon 2050.
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