L’édition 2019 du baromètre des entreprises réalisée par le cabinet d’Audit et de conseil en management Ernest & Young vient d’être rendue publique avec des révélations significatives sur la situation et les perspectives des entreprises économiques, ainsi que sur la perception et les intentions des chefs d’entreprises relatives à l’évolution et au développement de leurs entreprises.
Les auteurs du rapport mettent en évidence la détérioration de la situation des entreprises économiques en l’espace d’une année seulement.
Il faut dire que cela est dû aux effets pervers de la conjoncture aussi bien politique que socio-économique qui est tout à fait défavorable.
En effet, on peut constater qu’il y a une régression de la croissance des entreprises et un fléchissement de leur capacité de résilience qui s’est trouvée sérieusement entamée. Cet état de fait a engendré une situation de précarité généralisée dans le pays. En effet, selon un sondage effectué, 58% des chefs d’entreprises affirment que leurs activités seront menacées durant les deux prochaines années, alors que ce taux n’était que de 25% il y a quatre ans. Il y a là une dégradation sensible du climat des affaires dans notre pays, préjudiciable à la reprise de la croissance économique et de l’investissement.
Le taux pour les PME est plus grave puisqu’il s’agit de 68%.
Parmi les préoccupations majeures des chefs d’entreprises figure le drame de la dévaluation continue du dinar qui handicape lourdement les coûts de revient des producteurs industriels. Ces derniers importent des matières premières et des semi-produits et alimentent une inflation galopante. Durant l’année 2019, le dinar a encore perdu 15% de sa cotation vis-à-vis de l’euro, même s’il a tendance depuis quelques mois à se ressaisir et à se stabiliser. Cette question épineuse figure dans le top 5 des préoccupations des chefs d’entreprises.
Cependant, l’intensité de la pression fiscale ne figure plus parmi ce même top 5 des préoccupations majeures des chefs d’entreprises. Peut-être parce qu’on a déjà atteint le niveau maximum et qu’il y a désormais stabilisation.
Par contre, la tendance inflationniste inquiète de plus en plus, même s’il y a décélération, figurant quant à elle désormais dans le top 5.
Il y a quand même une bouffée d’optimisme qui souffle sur les chefs d’entreprises : 43% prévoient une amélioration de leur chiffre d’affaires en 2020. Même si un taux égal est prévu pour la stabilisation.
93% des grandes entreprises trouvent que le cadre légal pour l’investissement est un facteur favorable. Mais seulement 32% parmi les PME partagent cette thèse. Il y a là des aménagements à proposer car notre tissu entrepreneurial est fait à 80% de PME.
Le gouvernement doit dès les premières semaines de la prise du pouvoir de décision, donner au pays des signaux forts de l’efficacité du pouvoir exécutif en ce qui concerne la relance du processus de la croissance économique avec sa conséquence recherchée, la création d’emplois pour les jeunes et la lutte contre la spirale pernicieuse de la flambée des prix.
Par exemple, lancer tout un programme de réalisation de grands projets, trouver une solution immédiate à la crise du bassin minier de Gafsa, faire baisser le coût de la vie quotidienne de façon sensible, frapper un grand coup en matière de lutte contre la corruption, etc.
Il faut redonner aux Tunisiens le goût du travail, du travail bien fait, redonner aux jeunes l’espoir de trouver un jour un emploi stable et d’avenir pour ceux qui sont compétents et qualifiés, sinon leur permettre d’accéder à une formation diplomante et qualifiante à la fois.
Le gouvernement doit donner aux acteurs économiques la passion d’entreprendre et d’investir dans un climat d’affaires serein et transparent selon une fiscalité équitable et supportable.
Il doit assurer aux travailleurs une rémunération juste de leur labeur et aux citoyens un pouvoir d’achat honorable et un niveau de vie correct à l’abri de la flambée des prix orchestrée par des spéculateurs sans scrupules et des abus commis par des intermédiaires qui se complaisent dans l’impunité.
Afin d’impulser le processus de la croissance économique, le gouvernement doit imposer l’autorité de l’Etat, celui qui est capable d’appliquer la loi dans toute sa rigueur lorsqu’il s’agit de faire face aux dérives et dérapages d’une minorité aux dépens des intérêts de la majorité et de l’intérêt supérieur de l’économie nationale.
Il est grand temps pour notre pays d’instaurer une politique d’austérité, sinon d’adopter un train de vie économique, sans luxe tapageur ni privations draconiennes non plus, car il faut se rendre à l’évidence : notre pays n’a pas de richesses naturelles (diamants, or ou pétrole). Il faudrait être raisonnable.
En effet, l’Etat, les entreprises et les citoyens tunisiens ne peuvent pas continuer à vivre indéfiniment et nettement au-dessus de leurs moyens en consommant beaucoup et en produisant peu, en s’endettant à outrance.
Autrement, nous prenons les risques que nous appréhendons tous, pour nous et nos enfants.
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