Les unités terrestres de l’ANL ont engagé le combat sur Tuweisha au sud de Tripoli et à Qarabolli au nord de Tarhouna.
Dans les deux cas elles faisaient face à d’importantes concentrations miliciennes qui s’apprêtaient à lancer une offensive. Et dans les deux cas les milices ont été taillées en pièces par la combinaison de frappes d’artillerie et de combats d’infanterie acharnés. Il s’agit là des premières reprises d’initiative terrestres par l’ANL depuis l’abandon de Watiya. L’ANL a ainsi enfoncé les milices au-delà de Msallata après avoir stoppé leur progression à 45 km au nord de Tarhouna.
Après les annonces de revers de l’ANL qui s’étaient succédées et les menaces pressantes sur la ville de Tarhouna et le Croissant Pétrolier, objectifs avoués du GNA, la nuit de jeudi à vendredi a, semble-t-il, complètement renversé la situation.
L’ANL, très probablement aidée par ses alliés, a complètement renversé la situation, repris l’initiative et les positions perdues la veille.
La campagne aérienne annoncée par l’Air Marshal Seqr Jaroushi, semble avoir commencé.
Les frappes aériennes, puissantes et permanentes visaient à déloger les milices qui étaient entrées à al-Assabah, au sud-ouest de Gharyan. L’urbanisation clairsemée de la ville a permis de détruire la quasi totalité des véhicules du GNA puis de harceler les fuyards qui tentaient de se replier vers Gharyan. La chasse de l’ANL a poursuivi ses frappes durant toute la nuit sur les quartiers ouest et sud de Gharyan, détruisant des concentrations de véhicules et des stocks de munitions, puis a continué à tirer jusque dans le centre ville.
Cette campagne aérienne nocturne de l’ANL s’est également portée vers la base de Watiya où des rassemblements de milices ont été dispersés, des véhicules détruits et des colonnes fuyant vers les villes côtières interceptées puis neutralisées.
Sur le front Est, ce sont les frappes d’artillerie qui ont continué de harceler les positions du GNA d’Abou Ghrayn.
Un autre fait notable, l’atteinte sérieuse portée aux capacités de frappes aériennes du GNA par les drones.
Aux deux drones abattus au dessus de Tarhouna, seraient venus s’ajouter deux autres aux abords de la même ville, deux autres près de Bani Walid, (l’un à Qurayyat et le second dans la zone de Abou Ghrib) et un dernier au-dessus des positions de l’ANL de Washka, sur le front d’Abou Ghrayn.
Ce serait donc un total de sept drones qui manqueraient à l’appel des opérateurs turcs. Il ne fait aucun doute que ce sont les capacités air-air offertes par l’intensification de la campagne aérienne de l’ANL qui ont permis ce bilan.
Au début de la matinée de ce vendredi, le GNA se retrouve à son tour sur le reculoir et n’a pas été en mesure de tenir sa promesse de s’emparer de Tarhouna et de Bani Walid.
Des observateurs sur place pensent qu’il tentera très probablement de renvoyer ses milices et mercenaires sur ses positions à la faveur de l’éventuelle pause des frappes aériennes.
Il faut souligner, toutefois, que la supériorité aérienne affichée par l’ANL ne manque pas de susciter des questions sur la nature et la nationalité des chasseurs de conception russe dont la présence est évoquée à Jufra et Kufra. Toutes les options sont évoquées, de la livraison faite par le Belarus à l’ANL, à l’implication de l’Egyptian Air Force, en passant par le transfert de moyens russes de Syrie.
Côté GNA, se jouant complètement de la prétendue surveillance de l’opération IRINI de l’UE, les avions cargos continuent de se poser à un rythme effréné à Tripoli et Misrata et à déverser d’impressionnants stocks de matériels blindés et d’armements divers. Le discours officiel turc démontre, à ce titre, une nette volonté de s’installer dans la durée et de réaliser les conditions d’une annexion complète de la Libye.
Lourde implication de la Turquie
Les flux constants de mercenaires syriens – plus de 12 000 annoncés par certaines sources – et de matériels financés par le Qatar et livrés vers Mitiga et Misrata, l’implication de plus en plus active et visible des trois armées turques (terre, air, marine), ont placé ces derniers jours l’ANL sur le reculoir. A l’image de ce qui se passa en Afghanistan au début des années 80 avec l’arrivée du Stinger, c’est la livraison d’une technologie de lutte contre les systèmes d’armes sol-air SA22 Pantsir qui paraît constituer le tournant de ce qu’il faut à présent clairement qualifier de guerre d’invasion turque en Libye. Ces probables brouilleurs sur drones ont permis, durant ces dernières heures, aux forces armées turques de détruire une grande quantité de ces Pantsir, y compris lorsque ceux-ci étaient actifs. Le concept très atlantique de la Suppression of Enemy Air Defense (SEAD) nécessite des technologies embarquées dont ne disposaient certainement pas récemment encore les forces turques. Seul un grand pays de l’Alliance aura pu livrer en urgence ces systèmes. Il semble en effet que les engagements exprimés la semaine dernière par Jens Stoltenberg ont été traduits dans les faits. L’attitude de l’Italie, fidèle parmi les fidèles de l’OTAN, sur ce dossier turco-libyen, démontre plus encore cet engagement à encourager le projet d’invasion.
La motivation ne fait aucun doute. Elle est inscrite dans les concepts d’emploi de l’Alliance et ses scenarii d’engagement. Il s’agit d’interdire par tous les moyens à la Russie de bénéficier, après la Syrie, d’un autre point d’appui en Méditerranée. Supposée ou réelle, probable conséquence de la lutte mortelle que livrent les Départements d’Etat et de La Défense contre le Président Trump, cette évaluation pourrait cependant conduire exactement à l’inverse de l’objectif recherché.
Car la destruction des Pantsir et la parade sur la place des Martyrs exposant le système capturé à Watiya ont certainement changé la donne à Moscou. Le raidissement était particulièrement clair durant l’intervention faite par le représentant russe au CSNU. Les rumeurs faisant état du déploiement de chasseurs SU24 et SU35 sur les bases de Tobruk et Jufra viennent nourrir plus encore l’idée d’un possible engagement direct de la Russie face à cet allié de circonstance qu’il fallait maintenir en Syrie. Or, il ne faut pas oublier que la Russie a toujours eu des intérêts énergétiques (champs d’El Feel) et des projets d’infrastructures (voie ferrée côtière) en Libye.
Internationalisation du conflit ?
Sur un plan tactique, l’ANL a continué, cette nuit, de frapper des positions miliciennes à l’Ouest et à l’Est (Abou Ghrayn), mais a concentré son effort sur Gharyan et les environs de Tarhouna. Des frappes d’artillerie ont également fait résonner les quartiers d’Abou Slim et d’Hadhaba dans la capitale.
L’annonce du prochain « plus grand combat de l’histoire aérienne libyenne » correspond probablement à la prochaine phase d’internationalisation de ce conflit. On peut en effet imaginer que les moyens du Caire, d’Abou Dhabi et peut-être de Moscou viendront ensemble épauler l’ANL afin de tenter de renverser le cours actuel des événements. Le Président Sissi n’a pas caché cette semaine sa détermination à protéger directement les intérêts sécuritaires de l’Egypte face à l’ennemi mortel contre lequel il a lutté depuis 2013.
La Grèce et Chypre, probablement tentés de rejoindre une telle coalition, seront-ils les seuls Européens impliqués ?