L’affaire du conflit d’intérêt dans laquelle serait impliqué le Chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, peut, en fait, nous livrer plusieurs leçons. Il y a, tout d’abord, une leçon de coordination et de communication au sein du gouvernement. Il faut rappeler que la première fois où elle a été abordée était avec notre confrère Boubaker Ben Aackeha, journaliste et animateur sur Mosaïque, lors de la dernière interview télévisée du Chef du gouvernement du 14 juin 2020.
Sur le plan de la communication, c’est la confusion qui semble règner à la Kasbah. Différents ministres se sont exprimés pour minimiser l’impact de la bombe qui a été lâchée lors de cette interview. On a, tout d’abord, affirmé qu’Elyes Fakhfakh ne détenait qu’environ 20% des actions de la société en question et qui compose avec l’État. Ensuite, on vient nous dire qu’il en détenait un peu plus. Il a fallu attendre les révélations de l’économiste Moez Joudi et du député Yassine Ayari pour apprendre qu’Elyes Fakhfakh détenait près de 60% de la société en question.
Là n’est pas le plus grave. En tant que Chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh a fait sa déclaration de biens et de patrimoines à l’INLUCC (Instance Nationale de Lutte contre la Corruption) avant de prendre les rênes de la Kasbah. N’a-t-il donc pas déclaré les actions qu’il détient dans la société ? Normalement, cela devait être le cas. Et sujet de l’INLUCC, pourquoi a-t-on attendu l’interview d’Elyes Fakhfakh avec Boubaker Ben Aakecha pour, enfin, envoyer une correspondance à la présidence du gouvernement au sujet d’un possible conflit d’intérêts ? Cela en fait des questions. Dans une précision faite ce mercredi 24 juin 2020, le président de l’INLUCC, Chawki Tabib, a affirmé qu’Elyes Fakhfakh avait bel et bien déclaré être actionnaire au sein de certaines sociétés. « Il existe des manquements, mais ils sont loin d’être graves », a-t-il souligné.
C’est possible aussi. Or, ce qui est difficile à comprendre, est le manque de transparence et la confusion que la présidence du gouvernement a témoigné sur ce le sujet. Hier, dans une précision publiée sur sa page Facebook, la Kasbah a assuré qu’Elyes Fakhfakh ne détenait aucune action directe au sein de la société en question, mais plutôt des actions dans l’une des sociétés qui possèdent des participations au sein de cette même entreprise…
En d’autres termes, la confusion est totale et on ne peut que déplorer ce manque de transparence vis-à-vis des médias et, surtout, de l’opinion publique. Il ne s’agit pas d’accuser gratuitement le Chef du gouvernement de conflit d’intérêts, loin de là. Pour ce faire, il faudra disposer des arguments et des documents qui le prouvent. Toutefois, dans l’absolu, cela souligne que le concept de la transparence n’est pas encore tout à fait encré dans notre jeune démocratie tunisienne et cela pose, aussi, un problème d’ordre éthique… Réjouissons-nous du seul fait positif dans tout ce brouhaha : la Tunisie est la seule démocratie arabe où l’on peut critiquer et malmener un chef du gouvernement pour des soupçons de conflit d’intérêts.
Enfin, ce sera, bien entendu, à Elyes Fakhfakh de s’exprimer en sortant dans les médias afin de mettre les points sur les « i ». S’il y a dépassement, alors la loi doit être appliquée.
Fakhri Khlissa